Bonjour.
Je remercie le Comité de m’avoir invité à prendre la parole au sujet du projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation et exportation de nageoires de requin). Dans sa première version — telle qu'elle a été présentée par l’honorable Michael L. McDonald, le parrain initial du projet de loi au Sénat —, le projet de loi S-238 proposait d’interdire le prélèvement des nageoires de requin au Canada et d’interdire l’importation au Canada des nageoires de requin et de leurs dérivés. Comme vous le savez, le projet de loi a par la suite été modifié par le Sénat pour également interdire l’exportation de nageoires de requin par le Canada. Le projet de loi prévoit également des exceptions, par permis ministériel, si l’importation est faite à des fins de recherche scientifique et dans le but de favoriser la survie de l’espèce.
Avant de m’attaquer à la substance proprement dite de ces mesures législatives, j’aimerais examiner le contexte dans lequel le projet de loi S-238 a été présenté.
La pratique visée par le projet de loi est celle qui consiste à prélever les nageoires des requins en mer, souvent pendant qu’ils sont encore vivants, pour ensuite rejeter à l'eau le reste de la carcasse. Il est largement reconnu que cette pratique et le commerce de ces nageoires ont eu des répercussions dévastatrices sur les populations mondiales de requins. En raison des prix élevés des nageoires entières, les requins sont une prise très rentable sur le plan commercial. À l’extérieur du Canada, le commerce du requin n’est pas bien contrôlé et il est souvent lié à la pêche illégale, non réglementée ou non déclarée.
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, 25 % des espèces de requins et de raies du monde sont menacées d’extinction. En fait, on estime que plus de 63 millions de requins sont tués chaque année, et les scientifiques estiment qu’ils sont tués 30 % plus vite qu'ils n'arrivent à maintenir leur nombre. Pour la période 2011-2015, les statistiques les plus récentes de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture sur le commerce des produits dérivés des requins situent la valeur déclarée moyenne du commerce mondial des nageoires de requin à 273,3 millions de dollars américains par an.
Le Canada occupe une part très modeste de ce marché. En 2018, les importations canadiennes de nageoires de requin ont totalisé 3,24 millions de dollars canadiens, et ces produits venaient principalement de Hong Kong et de la Chine. Cela correspond à 1,9 % des importations mondiales déclarées, chiffrées à 173,9 millions de dollars canadiens. Nos importations à ce chapitre ont diminué d’environ 50 % depuis 2005, année où leur valeur atteignait 6,4 millions de dollars canadiens. À l’heure actuelle, le Canada n’exporte pas de nageoires de requin.
J’aimerais également souligner les amendements au projet de loi C-68 qui ont été présentés par le sénateur Harder et qui ont été approuvés par le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans le 14 mai 2019. Lesdits amendements ont fait en sorte d'intégrer l’objectif stratégique du projet de loi S-238 à la Loi sur les pêches. Toutefois, au lieu d’interdire l’importation et l’exportation de nageoires de requin en application de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, il est proposé d’adopter ces dispositions par le truchement de la Loi sur les pêches.
Pêches et Océans Canada souscrit à la conservation et à la gestion durable des stocks de requins et s’oppose fermement au prélèvement des nageoires de ces poissons. Il convient de noter que depuis 1994, Pêches et Océans Canada a effectivement interdit aux navires canadiens de prélever les nageoires de requin en adjoignant certaines conditions à la délivrance des permis de pêche.
Le Canada n’a aucune pêche commerciale dirigée des requins pélagiques. La prise de requins dans les eaux de pêche canadiennes est principalement accessoire ou fortuite.
Depuis 2018, les conditions posées pour l’obtention de permis ont été resserrées, et les flottes qui ont été autorisées à conserver les prises accessoires de requins pélagiques sont maintenant tenues de conserver les nageoires attachées à la carcasse jusqu’à ce que le requin soit déchargé du navire. Il s’agit d’une pratique exemplaire reconnue à l’échelle internationale, et des partenaires commerciaux clés comme les États-Unis et l’Union européenne ont modifié leurs mesures de gestion nationales pour imposer une exigence de débarquement « avec les nageoires ».
Pour renforcer et appuyer davantage ces efforts, le projet de loi S-238 propose des modifications à la Loi sur les pêches qui interdiraient explicitement le prélèvement des nageoires de requin au Canada.
Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.