Madame la présidente, merci beaucoup.
Chers collègues, je tiens à vous remercier de m'accueillir au comité des affaires étrangères à une époque qui comporte son lot de défis pour le pays.
Madame la présidente, je profite de l'occasion pour remercier les fonctionnaires hors pair qui sont à mes côtés. Certains d'entre eux sont à l’œuvre 24 heures sur 24, sept jours sur sept depuis des mois, oserais-je dire, et multiplient les efforts afin d'offrir les meilleurs services possibles aux Canadiens dans des circonstances éprouvantes, qu'il s'agisse du soutien dans le cadre de l'épidémie du coronavirus au Japon et en Chine, ou bien en Iran, où la situation comportait de nombreuses difficultés, et bien sûr dans le cadre de nos efforts pour obtenir la libération de Michael Kovrig et de Michael Spavor, ainsi que de la clémence pour M. Schellenberg.
Madame la présidente, honorables députés, merci de m'avoir accueilli aujourd'hui au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour vous parler de la politique étrangère de notre gouvernement prévue par le mandat et de nos priorités actuelles.
J'aimerais commencer en affirmant que les intérêts, valeurs et principes canadiens sont au cœur de tous nos efforts déployés sur la scène internationale, depuis notre engagement envers les institutions multilatérales jusqu'à nos accords commerciaux et notre défense et promotion des droits de la personne. Cette approche s'avère critique dans un monde de plus en plus imprévisible, dans lequel le système fondé sur les règles est mis à l'épreuve.
On le voit avec la montée du populisme et du protectionnisme ainsi que la croissance des inégalités économiques et technologiques partout dans le monde.
On le voit avec une profonde remise en question des institutions multilatérales et de l'ordre international fondé sur des règles.
On le voit aussi avec un recul des droits de la personne et une recrudescence de l'application sélective du droit international.
Les droits de la personne sont menacés de plus en plus, qu'il s'agisse du sort des Rohingyas, de la montée de l'antisémitisme et de l'islamophobie, ou des attaques contre les défenseurs des droits de la personne. À cela s'ajoute une transformation démographique radicale. D'ici 2050, la population du monde pourrait gonfler de 2,2 milliards d'habitants, et ces 2,2 milliards d'habitants seront aussi confrontés à la menace existentielle de notre époque, ce qui est évidemment le changement climatique.
Ce constat peut, certes, sembler redoutable, voire insurmontable pour certains. Cependant, il y a aussi des signes encourageants qui donnent espoir.
Des gens inspirants font avancer nos sociétés et améliorent la vie des personnes marginalisées aux quatre coins de la planète.
Un consensus prend aussi de l'ampleur concernant les droits de la personne, notamment les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQ2 et les droits démocratiques partout dans le monde.
Madame la présidente, les grands défis internationaux exigent des solutions à échelle mondiale, et je crois que nous le voyons aujourd'hui dans le cas du coronavirus, notamment. On constate donc l'importance d'un ordre international fondé sur les règles qui protège les intérêts collectifs de tous, mais sur lequel chaque pays peut compter pour défendre ses intérêts.
Or, comme vous le savez bien, chers collègues, l'ordre international fondé sur les règles est menacé dans bien des endroits au monde. C'est la raison pour laquelle nous devons appuyer et moderniser le système multilatéral pour en assurer la pérennité, et c'est sur ce front-là que le Canada peut et, en fait, doit jouer un rôle de premier plan.
Le Canada a une voix dans presque tous les grands forums internationaux: le G7, le G20, la Francophonie, le Commonwealth, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, et j'en passe.
Les principes mêmes sur lesquels se fonde la confédération de notre pays — paix, ordre et bon gouvernement — résonnent d'ailleurs dans plusieurs endroits sur la planète. Notre réputation et notre crédibilité en tant que pays reposent sur notre capacité à démontrer à nos partenaires et à nos alliés comment nos principes et nos valeurs guident concrètement notre diplomatie partout dans le monde.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les priorités qui ont orienté mon mandat à ce jour.
Tout d'abord, l'Iran et l'écrasement tragique du vol PS752. Ce vol montre bien l'importance de la diplomatie et du multilatéralisme. Face à cette tragédie, nous avons privilégié la communication, tout en restant fermes afin d'obtenir justice pour les familles des victimes.
Le Canada a dirigé la création du Groupe international de coordination et d'intervention pour les victimes du vol PS752 afin de s'assurer que la communauté internationale pouvait s'adresser à l'Iran d'une seule voix, et malgré les dangers, malgré l'absence de relations diplomatiques avec l'Iran, nous avons pu rapidement dépêcher des enquêteurs sur le terrain et rapatrier les dépouilles des victimes conformément aux souhaits des familles.
Madame la présidente, il reste encore beaucoup à faire pour que l'Iran assume son entière responsabilité, y compris une enquête approfondie et transparente, le téléchargement et l'analyse des données des enregistreurs de bord et l'indemnisation rapide des familles. Nous travaillons d'arrache-pied pour avancer sur tous ces fronts. Nous continuerons à exiger des comptes du régime iranien, et comme je l'ai dit maintes fois, nous jugerons l'Iran non pas à partir de ses paroles, mais de ses actions.
Permettez-moi maintenant de parler de la Chine.
L'année 2020 marquera le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et la République populaire de Chine. Malheureusement, les rapports entre nos deux pays connaissent actuellement une certaine turbulence.
Michael Kovrig et Michael Spavor sont détenus de façon arbitraire depuis plus d'un an. Notre toute première priorité demeure leur libération. Nous demandons également de la clémence à l'égard de Robert Schellenberg qui, comme vous le savez, madame la présidente, fait l'objet d'un arrêt de mort en Chine.
Nos partenaires internationaux sont du même avis que nous. Une mesure prise par un État dans le cadre d'un traité international ne devrait jamais entraîner des représailles à l'égard de ses citoyens à l'étranger.
Cela étant dit, notre relation avec la Chine demeure complexe et multidimensionnelle. Trouver le juste équilibre est une opération délicate. Il y aura toujours des enjeux sur lesquels nous aurons des différends et d'autres sur lesquels nous aurons des positions qui se chevauchent. Il faut donc apprendre à vivre avec cette nouvelle complexité.
Par exemple, il est possible de travailler avec la Chine sur la réforme de l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, tout en ayant des positions divergentes sur les droits de la personne.
Une chose est certaine. Nos relations avec la Chine seront toujours guidées par l'intérêt des Canadiens ainsi que par notre engagement envers les règles et les principes entérinés par le droit international.
Madame la présidente, nous avons comme autre priorité notre campagne pour un siège non permanent au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Comme je l'ai dit auparavant, le siège au Conseil de sécurité n'est pas une fin en soi. C'est un tremplin pour promouvoir les principes et les valeurs qui façonnent notre vision des relations internationales. Nous sommes témoins d'une grande remise en question de la capacité des institutions internationales de réagir aux crises de notre époque, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Il existe un besoin urgent d'élaborer de nouvelles approches et d'établir un nouveau consensus pour relever ces défis. Notre campagne pour un siège au Conseil de sécurité est donc une belle occasion pour le Canada de faire preuve de leadership afin d'affirmer nos intérêts, principes et valeurs, de renforcer le multilatéralisme et de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui.
Certains diront que la lutte pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, ou ONU, n'en vaut pas la peine ou qu'il est peut-être trop tard. Toutefois, il n'est jamais trop tard pour lutter pour le droit des femmes, les droits de la personne, l'environnement ou la démocratie.
Certains critiqueront même le Conseil de sécurité, le disant dépassé ou même inefficace. Il n'en demeure pas moins l'une des tribunes les plus importantes du monde où se prennent les principales décisions concernant la paix et la sécurité. C'est une tribune où le Canada peut avoir à la fois une voix pertinente et de l'influence.
Finalement, j'aimerais dire un mot sur notre relation avec nos voisins du sud, les États-Unis. Nous sommes alliés, partenaires et amis indissociables par notre géographie, nos liens personnels et, bien évidemment, nos liens économiques.
Le nouvel ALENA ouvre un autre chapitre de notre relation, une relation prospère, stable et pleine d'opportunités. Comme l'ont montré les négociations parfois épineuses au cours des deux dernières années, notre gouvernement ne fera jamais de compromis pour ce qui est des intérêts des Canadiens.
J'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter le premier ministre et ma prédécesseure pour leur travail infatigable, qui a renforcé la stabilité et la prévisibilité de nos relations commerciales avec les États-Unis, notre plus grand partenaire commercial.
En guise de conclusion, certains diraient que lorsqu'il y a un gouvernement minoritaire, il faut agir rapidement pour réaliser ses objectifs, mais comme dit le proverbe africain que j'ai déjà cité dans le passé, si tu veux aller vite, marche seul, mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.
De là l'importance d'une approche inclusive, comme celle que je vous propose aujourd'hui, où les provinces, les territoires, les entreprises, les organisations non gouvernementales, les artistes, la société civile et les membres du Parlement, peu importe leur parti, en collaboration avec nos partenaires internationaux, contribuent avec nous à bâtir un monde plus vert, plus juste, plus sécuritaire, plus inclusif et plus prospère.
Merci.