Merci, madame la présidente. Je suis heureux de pouvoir donner mon point de vue sur la motion à l'étude.
Quand elle a été présentée, j'y ai vu une amélioration. Je me suis dit que c'était un pas en avant et j'espérais, comme M. Spengemann vient de le dire, qu'elle nous laisserait une certaine latitude pour apporter des amendements qui rallieraient tous les partis à l'idée de coopérer pour faire avancer les choses.
J'ai quelques remarques à formuler au sujet de la motion — au moins quatre — mais, étant donné que M. Bezan peut avoir tendance à nous présenter des préambules plus ou moins appropriés avant les motions, je vais commencer par essayer de remettre les pendules à l'heure.
Tout d'abord, rappelons-nous le contexte. Un courriel a été envoyé de source anonyme. Cette personne ne voulait pas donner son identité et elle n'a pas donné son autorisation pour que l'information soit transmise. Donc, le courriel a été envoyé, mais personne ne savait ce qu'il contenait. C'était un courriel anonyme. Il a été transmis sans délai au service des enquêtes, qui a fait les recherches au meilleur de ses moyens, et le dossier a été clos.
Les conservateurs ont alors commencé à présenter des motions visant à convoquer diverses personnes afin qu'elles témoignent au sujet de ces courriels. Les libéraux ont appuyé ces motions pendant un certain temps, même si elles nous éloignaient des enjeux importants que les témoins, les experts et les survivants nous avaient demandé d'étudier: la culture, les représailles en cas de dénonciation, la chaîne de commandement. Rien de tout cela n'était au programme. Les délibérations tournaient autour d'un courriel dont personne ne savait rien et qui avait déjà fait l'objet d'une enquête.
Les libéraux ont fini par en avoir assez et ils ont demandé qu'on arrête de gaspiller le temps du Comité en présentant des motions qui visaient soit à rappeler les mêmes témoins pour qu'ils nous parlent du fameux courriel dont personne ne connaissait le contenu, soit à exiger la transmission d'autres courriels qui n'étaient pas forcément pertinents. Il faut revenir au véritable objet de nos travaux, et la nouvelle motion pourrait peut-être nous le permettre.
Je suis sensible à ce que M. Bezan a dit dans son préambule concernant la nécessité de nous atteler à la tâche, mais si nous en revenons aux faits... Je le répète, une enquête approfondie a été effectuée, dans les limites de ce qui était faisable puisqu'il n'y a pas eu d'autorisation ni d'information qui aurait permis d'aller plus loin.
Après la présentation de la motion, des enquêtes persévérantes des médias — Global News et le Toronto Star, je crois — nous ont appris que le général Vance faisait déjà l'objet de deux allégations graves, mais qu'il a malgré tout été nommé général.
Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas du tout ce dont j'aurais voulu parler au sujet des témoignages que nous avons reçus. Je voulais discuter de ce dont les survivants nous ont demandé de discuter, mais mes collègues qui insistent pour convoquer d'autres témoins — M. Barsalou-Duval le suggère dans son préambule — devront revoir la liste des témoins pour y inscrire les personnes qui ont découvert que ces deux enquêtes étaient en cours et qui savent pourquoi le général Vance a quand même été nommé.
Une de ces enquêtes était menée par la police militaire, qui y a mis fin, ou qui a annoncé qu'elle y mettait fin le jour de sa nomination comme commandant en chef. Quatre jours plus tard, l'enquête était close. La raison donnée en réponse à une demande d'accès à l'information, qui émanait je ne sais d'où, était qu'il y avait eu des pressions. C'est une allégation potentiellement très grave et, pour ceux qui veulent convoquer d'autres témoins, c'est à ce genre de témoins qu'ils devraient songer.
L'autre enquête sur le général Vance a alors été confiée à M. Novak. Le déroulement a été très semblable à celui de l'enquête concernant le courriel envoyé en 2018, qui s'est rendue aussi loin que possible. M. Novak a suivi exactement le même processus: il s'est adressé à M. Fadden, qui lui a répondu qu'il n'y avait aucun dossier de plainte ou d'enquête en cours, et qu'il fallait donc ouvrir un dossier ou lancer une enquête. Toutefois, le conseiller à la sécurité nationale affirme n'avoir jamais mené l'enquête en question. Si l'enquête n'a pas eu lieu, alors pourquoi M. Vance a‑t‑il été nommé?
Si vous voulez vraiment recommencer à entendre des témoins, contrairement à ce que M. Bezan a suggéré dans son préambule, il faut faire venir les personnes qui ont quelque chose à nous apprendre au sujet des révélations récentes, autrement plus graves. Mais comme je l'ai dit, ce n'est pas ce qui m'intéresse. C'est l'avenir qui m'intéresse.
Depuis que cette histoire a fait surface, il y a eu d'autres révélations. Le chef d'état-major de la défense sortant, le général Tom Lawson, a déclaré sans ambages qu'aucune allégation concernant les inconduites de Vance à Gagetown n'est parvenue à ses oreilles, y compris quand il a prêté main-forte au processus pour trouver un remplaçant au poste de chef d'état-major. Il a affirmé qu'il n'essayait pas de se dérober, qu'il aurait fait enquête s'il l'avait cru nécessaire. Par la suite, le vice-chef d'état-major de la défense, Guy Thibault, et d'autres ont affirmé qu'ils n'avaient jamais eu vent des allégations non plus.
C'est le genre de choses que ceux qui ont jugé nécessaire de présenter cette autre motion... Si leur démarche est sérieuse, ils auraient changé la liste des témoins à convoquer pour que nous puissions discuter des allégations graves qui ont été révélées par la suite. Comme les libéraux le répètent depuis le début, l'important est de donner suite aux demandes des experts et des survivants, et d'avoir un débat sérieux, pas des exposés de deux minutes, sur les mesures et les recommandations éminemment complexes qui seront proposées.
Je pourrais citer en exemples les réformes administratives qui ont été opérées et qui dans certains cas ont donné de très bons résultats. Toutefois, comme M. Garrison et moi-même l'avons déjà mentionné, des centaines d'incidents d'inconduite sexuelle continuent de se produire. Ce n'est pas encore assez. Un certain degré d'efficacité ne suffit pas. Lors de notre dernière réunion, nous avons énuméré pendant une heure les mesures prises par le gouvernement, mais il est clair qu'il reste beaucoup à faire. C'est très complexe, même si beaucoup de mesures semblent avoir donné des résultats encourageants. Si la réponse est trop simpliste, les progrès ne seront pas au rendez-vous, bien évidemment.
C'est pourquoi je pense, comme je l'ai répété à chaque réunion, je crois, que des débats sérieux sont nécessaires sur ces questions. Elles ne sont pas simples. L'adage dit qu'à tout problème complexe, il y a une solution simple, mais pas dans ce cas‑ci. C'est pourquoi nous avons besoin de plus que deux minutes pour chaque élément. Que ce soit deux minutes par paragraphe ou... Est‑ce que le paragraphe rend justice aux témoins? Si ce n'est pas le cas, est‑ce que deux minutes suffisent pour dire pourquoi? Je ne crois pas.
Nous parlons de changements d'orientation très profonds pour une institution comme l'armée. Pour certaines recommandations, aurons-nous assez de deux minutes? M. Baker l'a dit, et je l'ai dit aussi durant la présente réunion et celles qui ont précédé: il est à peu près impensable que notre rapport soit pris au sérieux si nous avons eu chacun deux minutes pour nous prononcer sur les paragraphes ou les recommandations.
Combien de fois avons-nous entendu dire que l'objectif de l'étude est de demander des comptes au gouvernement? Si la motion est adoptée, comment allons-nous demander des comptes au gouvernement s'il ne peut pas donner une réponse? Pourquoi ne voudrions-nous pas que le gouvernement réponde à nos recommandations? Il a déjà pris plusieurs mesures et il s'apprête à en prendre d'autres, comme en fait foi notamment le mandat donné à Mme Louise Arbour. Nous devons nous assurer que ce que les survivants et les experts nous ont dit se retrouvera dans notre rapport et nos recommandations, et que les mesures en tiendront compte. Si le rapport n'en fait pas état...
C'est un rapport d'une grande importance, qui contiendra beaucoup de recommandations. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition de Mme Vandenbeld de commencer par trouver celles qui font l'unanimité, pour que ce travail soit fait. Autrement, si nous disposons seulement de deux minutes et que nous n'avons aucune idée de ce qui sera adopté... Est‑il vraiment raisonnable de penser que 48 heures suffiront pour aboutir à un rapport minoritaire, alors qu'il faut s'attendre à ce que des paragraphes soient inexacts et à ce que certaines recommandations nécessitent une étude plus fouillée?
Par ailleurs, au sujet de la limitation des débats, je me demande comment le NPD ou le Bloc réagiront si ce précédent est créé et si, sous le règne d'un éventuel gouvernement majoritaire libéral ou conservateur, chaque député dispose seulement de deux minutes pour se prononcer sur des recommandations cruciales totalement incompatibles avec la philosophie de leur parti ou leurs principes. Pensez seulement aux longs débats suscités par les études en cours comme celle sur la Loi sur la radiodiffusion. Si un député a seulement deux minutes pour donner son point de vue sur une recommandation concernant cette loi, est‑ce qu'on trouverait que c'est suffisant?
Mon dernier point pour le moment concerne la partie précise de la procédure... À mon avis, nous devrions chercher un terrain d'entente et en discuter, car ce qui est proposé est une modification importante de la procédure. Quand j'étais président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, les conservateurs et les néo-démocrates ont passé plusieurs mois à débattre d'une modification de la procédure qu'ils jugeaient inappropriée. Ils ne se sont pas gênés pour chanter sur tous les tons qu'il était de la plus haute importance de ne pas modifier la procédure sans l'accord de tous les partis.
Je m'arrête ici pour cette partie de mon intervention.
J'ajouterais pour terminer, et c'est lié à mes prochaines remarques, que si nous voulons avoir plus que deux minutes pour nous prononcer sur les recommandations et les paragraphes les plus importants, il faudrait le faire maintenant. Je présume que tous les membres du Comité qui ont des propositions importantes au sujet d'un paragraphe ou d'une recommandation, à moins que cela ait changé au cours des discussions sur la motion, vont les présenter durant le débat sur les recommandations et les paragraphes pour lesquels ils ont plus que deux minutes pour donner leur point de vue, parce qu'ils n'auront pas d'autre occasion de le faire.
Merci, madame la présidente.