Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'imagine que j'ai été invité à cause d'une interview que j'ai donnée et dans laquelle je m'interrogeais sur l'idée de changer le calendrier parlementaire pour prévoir des semaines de quatre jours. En fait, je crois qu'il y a de bons arguments en faveur d'un tel changement, mais je ne pense pas que vous en ayez discuté jusqu'ici dans vos délibérations.
Vous ne perdriez pas grand-chose en ne siégeant pas les vendredis. À l'heure actuelle, il n'y a ni votes à la Chambre ni réunions des comités ce jour-là. Seuls quelques ministres assistent à la période des questions, et la plupart des députés sont en route pour l'aéroport avant l'ajournement de la Chambre. Toutefois, l'idée n'a pas été bien accueillie d'après ce que j'ai vu dans les médias. Mon exposé en expliquera peut-être les raisons.
En 1982, je travaillais pour le comité qui a introduit le premier calendrier parlementaire. Il comptait alors 160 jours, au lieu des 175 jours par année en moyenne à l'époque où le Parlement ne suivait pas de calendrier fixe. Le calendrier actuel prévoit un maximum de 135 jours. Or, au cours des 10 dernières années, la Chambre a siégé au plus 129 jours, et ce n'est qu'à une seule occasion. Les années où elle a siégé moins de 100 jours ne sont pas rares. Autrement dit, le calendrier prévoit au plus six mois de travail et six mots de relâche. Si la Chambre reprenait ses travaux plus tôt après la fête du Travail et après le Nouvel An et éliminait toutes les semaines de relâche sauf deux — une en novembre et une à Pâques —, elle pourrait avoir un calendrier d'environ 160 jours sans siéger le vendredi.
Je sais que les députés sont mécontents lorsque les journalistes et les universitaires qualifient les semaines de relâche de vacances. Je sais aussi que vous travaillez tous fort durant ces semaines en circonscription. C'est néanmoins un congé du Parlement, où personne ne demande des comptes au gouvernement et où, le plus souvent, les comités ne siègent pas.
Ces semaines de relâche sont sans doute fort prisées, en particulier des ministres qui n'ont pas à affronter la période des questions. Toutefois, je me permets de signaler que cet horaire très généreux en semaines de relâche comporte trois écueils, en plus du fait qu'il donne faussement l'impression que vous êtes en vacances. Premièrement, les semaines de relâche encouragent l'obstruction, car si l'opposition parvient à retarder un projet de loi jusqu'au jeudi qui précède une semaine de relâche, elle a réussi à le stopper pendant 10 jours ou plus. Cette situation a eu pour résultat d'augmenter considérablement le nombre de motions d'attribution de temps. Je dirais même que les projets de loi omnibus tant redoutés s'expliquent en partie par le nombre limité de jours de séance. Si le statu quo est maintenu, je crains que le gouvernement actuel, en dépit de ses promesses, ne soit contraint de recourir souvent aux attributions de temps, voire aux projets de loi omnibus, avant la fin de la législature.
Deuxièmement, je pense que les semaines de relâche font en fait partie d'une campagne électorale permanente et représentent un énorme avantage pour les députés en place. Elles sont essentiellement empruntées à une pratique américaine établie parce que les membres du Congrès sont toujours à la recherche de fonds en prévision des prochaines élections. Ils se servent de ces semaines pour organiser des activités de financement. Notre système est différent, tout comme nos lois sur le financement électoral. À mon avis, l'intérêt public serait mieux servi et la Chambre des communes serait plus propice à la vie de famille si les activités de circonscription et de financement se tenaient principalement les vendredis et si la Chambre avait moins d'interruption qu'à l'heure actuelle.
Le troisième point, qui est probablement un peu théorique, c'est que les semaines de relâche semblent présenter le parlementaire comme un délégué dont le principal rôle est de présenter le point de vue de ses électeurs. Cela peut sembler évident, mais il existe une vision plus traditionnelle du rôle du député, énoncée pour la première fois par Edmund Burke. Selon lui, le rôle d'un parlementaire consiste à porter un jugement indépendant sur les questions d'intérêt public du moment. Bien sûr, ce jugement repose sur le point de vue des électeurs, mais en cette ère de communications et de médias sociaux, est-il vraiment nécessaire d'être dans sa circonscription pour connaître l'opinion de ses électeurs?
Enfin, au sujet du calendrier, il serait possible à mon avis de favoriser la vie familiale en recourant simplement au pairage, vieille pratique qui semble être tombée en désuétude. Le greffier en a brièvement parlé à votre dernière réunion. Cette pratique permet à un député du gouvernement ou de l'opposition d'avertir son whip d'un conflit d'horaire qui lui impose de s'absenter. Le whip communique alors avec son homologue de l'autre parti, et tous deux s'entendent pour qu'un député de l'autre parti s'abstienne lui aussi de voter. Le pairage est consigné dans les Journaux. Comme je l'ai dit, cette pratique pourrait servir beaucoup plus qu'à l'heure actuelle ou qu'au cours de la dernière décennie.
Je ne suis pas un spécialiste des chambres parallèles, mais j'ai examiné le règlement des Communes britanniques, qui semblent y recourir notamment pour ce que nous appelons les initiatives parlementaires et pour interroger les ministres. Dans le contexte canadien, il me semble envisageable de créer une chambre parallèle qui servirait à des débats particuliers. Par exemple, le débat sur le budget pourrait être divisé de façon à ne durer que la moitié du temps actuel. Il en irait de même pour le débat sur le discours du Trône. On pourrait de plus y débattre une partie des initiatives parlementaires, à l'exclusion du vote.
Toutefois, ma vraie question est la suivante: que cherchez-vous à accomplir? Si vous cherchez un moyen pour les députés de faire connaître leur point de vue, il suffirait de leur permettre de faire paraître leurs discours dans une annexe du hansard. Par ailleurs, si vous cherchez à libérer davantage de temps pour que la Chambre puisse discuter des projets de loi, je crois qu'il existe de meilleurs moyens de le faire.
Pourquoi ne pas limiter le débat de deuxième lecture à une journée? Cette mesure peut sembler draconienne, mais elle est courante au Royaume-Uni: le ministre présente le projet de loi et donne les raisons pour lesquelles il mérite d'être appuyé. Le porte-parole de l'opposition expose les raisons qu'il y a de s'y opposer. Ensuite, il suffit que quelques députés intéressés interviennent avant que le projet de loi ne soit renvoyé au comité. Bien sûr, il y aurait des exceptions à cette règle lorsque des mesures législatives posent des questions de conscience et que les députés ont un intérêt légitime à faire connaître un point de vue personnel différent de celui des leurs chefs.
En conclusion, je voudrais présenter quelques observations générales. Ces 10 dernières années, le Parlement a fait l'objet de bien des critiques. « Dysfonctionnel » est peut-être le qualificatif le plus souvent utilisé pour décrire notre plus importante institution démocratique. J'espère que la nouvelle législature s'attaquera à quelques-uns des problèmes qui ont donné lieu à ces critiques.
Je parle notamment de la période des questions. J'ignore si le modèle britannique de la période des questions du premier ministre fait partie de votre mandat, mais j'espère que vous pourrez l'examiner.
Il y a aussi le problème des motions de défiance. Le moment de les présenter dépend dans une grande mesure du gouvernement. Cela a occasionné directement deux fâcheux incidents dans la dernière décennie. Il serait facile de remédier à ce problème en modifiant le Règlement.
Je constate que je m'écarte du thème d'une Chambre des communes plus propice à la vie de famille. Je vais donc m'arrêter là. J'attends avec intérêt vos questions.
Je vous remercie.