Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'intervenir, ce matin, à propos du projet de loi C-13, le projet de loi de mise en oeuvre d'une partie du budget, soit celle concernant les taxes et les impôts prévus dans l'exposé budgétaire du ministre des Finances présenté il y a presque deux semaines maintenant.
À la lumière de ce projet de loi, le contenu du budget est en partie positif, mais reste en partie très négatif pour le Bloc québécois. Comme nous l'avons déjà dit, le règlement du déséquilibre fiscal ne fait pas partie du projet de loi de mise en oeuvre des mesures fiscales, bien entendu. Il s'agit plutôt d'un engagement de la part du gouvernement — engagement qui semblait ferme il y a deux semaines — de régler cette question au plus tard lors du prochain budget, au printemps 2007.
Lorsqu'un ami ou quelqu'un que vous connaissez prend des engagements envers vous et vous promet quelque chose par écrit, il vous est difficile de lui dire que vous ne le croyez pas. En effet, les paroles s'envolent, mais les écrits restent. Il faut donc lui accorder le bénéfice du doute.
Le déséquilibre fiscal constitue le dossier primordial au Québec. L'atteinte de solutions globales, définitives et à court terme dans ce dossier faisait partie de nos revendications auprès du nouveau gouvernement. Par conséquent, nous avons appuyé le budget. Autrement, nous aurions été enclins à voter contre le budget, puisque les autres mesures qu'il contient ne visent pas à réaliser les grands enjeux et les grandes priorités des Québécoises et des Québécois.
En ce qui a trait au déséquilibre fiscal, les propos tenus par le premier ministre cette fin de semaine ont déçu et ont laissé planer le doute. Nous espérons que ce n'est que passager et que le premier ministre et le Parti conservateur se ressaisiront et parleront du règlement du déséquilibre fiscal dans des termes beaucoup plus fermes.
En fin de semaine, le premier ministre a dit que les provinces ne s'étaient pas entendues entre elles, ce qui rendrait le débat difficile, tout comme l'atteinte d'une solution. C'est la première chose qu'il a dite en fin de semaine. Je lui rappellerai tout simplement qu'il n'y a pas eu consensus à cause d'une seule province, soit l'Ontario. Cette journée-là, les représentants de l'Ontario ont quitté la réunion du Conseil de la fédération en soutenant de façon éplorée que l'Ontario ne gagnait pas à son appartenance à la fédération canadienne et qu'il y avait un manque à gagner considérable tous les ans. L'Ontario n'étant pas bénéficiaire de la péréquation, il perdait au change avec une déclaration commune qui misait principalement sur une réforme de la péréquation.
Je rappellerai au premier ministre McGuinty — je pense que tout le monde doit le savoir — que s'il y a une province au Canada qui bénéficie du fédéralisme économique, c'est bien l'Ontario. Année après année, il génère des surplus commerciaux incroyables, du fait que le Québec, les provinces Maritimes, l'Ouest et la Colombie-Britannique se procurent des biens et services de l'Ontario beaucoup plus que l'Ontario ne s'en procure ailleurs au Canada. Au départ, le fédéralisme économique est très payant pour l'Ontario. L'Ontario n'est pas pauvre. Il est riche de ses relations commerciales avec le Québec et les provinces canadiennes. Alors qu'on arrête de pleurer comme le fait M. McGuinty en disant que l'Ontario est perdant tandis que les autres provinces sont privilégiées. C'est tout à fait faux et erroné. J'espère que le premier ministre remettra l'Ontario à sa place lorsque viendra le jour où l'on proposera une solution définitive au déséquilibre fiscal.
En outre, il faut examiner la région d'Ottawa, l'engagement des Ontariens dans la fonction publique et les contrats octroyés par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Les centres de recherche sont plus nombreux du côté de l'Ontario que du côté du Québec. M. McGuinty se plaint le ventre plein, comme on dit. Il n'a pas à se plaindre du mauvais traitement de l'Ontario. L'Ontario gagne sur toute la ligne par son appartenance à ce régime.
Si l'Ontario continue de pleurnicher ainsi, le premier ministre devra être ferme à l'égard d'une solution qui serait acceptée par toutes les provinces canadiennes, y compris le Québec, pour régler le déséquilibre fiscal.
Ce qui a surpris dans le discours du premier ministre en fin de semaine, c'est le fait qu'il préparait le terrain en avançant que le gouvernement fédéral a beaucoup moins de surplus que les années précédentes.
Ce faisant, les provinces et le Québec auraient donc des difficultés à se montrer gourmands dans leurs revendications.
Je veux seulement rappeler au premier ministre que nous le suivons de près et que nous le talonnerons jusqu'à ce qu'il trouve une solution globale au déséquilibre fiscal. Celle-ci passe par une réforme des transferts fédéraux en matière d'éducation postsecondaire, de santé, d'aide sociale et autres. Ils seraient transformés en transferts de champs fiscaux, beaucoup plus prévisibles, beaucoup plus solides et beaucoup plus enclins à livrer au Québec et aux provinces des ressources fiscales stables, en vue de satisfaire à leurs mandats fondamentaux.
Deuxièmement, le règlement du déséquilibre fiscal doit se baser sur une réforme de la péréquation. Celle-ci doit entraîner, dans l'évaluation du montant de la péréquation par habitant que le Québec doit avoir, que la norme soit la moyenne des dix provinces, la capacité fiscale des dix provinces à aller chercher des taxes et des impôts auprès de leurs citoyens; non pas la moyenne de cinq provinces sur dix. Si l'on veut être représentatif de la richesse à la grandeur du pays, pour pouvoir juger de la pertinence de verser un paiement de péréquation à une province, il faut une vraie moyenne, pas une moyenne tronquée depuis déjà deux décennies et demie, se limitant à cinq provinces.
Il faut aussi une réforme des paramètres, tels que l'impôt foncier. C'est anormal. Le Québec se bat depuis 15 ans, à l'encontre de la méthode de calcul de Statistique Canada, où on en arrive à faire des évaluations tout à fait emberlificotées, d'une complexité incroyable, digne des plus originaux économistes que j'ai pu connaître dans ma carrière. Pourtant c'est si simple d'aller voir la véritable valeur foncière d'une province ou du Québec en se basant sur les vrais chiffres. Cela fait perdre de l'argent, au Québec en particulier. Cela fausse la représentativité de la richesse foncière de chacune des provinces. Il faut que cela change.
Ce sont les deux paramètres qui doivent nous guider dans la réforme du régime fiscal relatif entre le gouvernement fédéral, le Québec et les provinces, pour régler le déséquilibre fiscal.
Encore une fois, si le premier ministre veut reculer, il va nous trouver sur son chemin. Il prétend toujours respecter ses engagements depuis qu'il a été élu, mais celui-ci est le plus important.
Je parle également d'une grosse déception liée directement au budget, quant au versement des 1 200 $ par enfant de moins de six ans.
Ma collègue de Trois-Rivières a travaillé très fort pour en persuader le gouvernement, et j'ai fait de même avec le ministre des Finances: nous aurions souhaité que ces 1 200 $ soient convertis en crédit d'impôt remboursable, pour la simple raison qu'on n'entrait pas dans les plates-bandes du gouvernement du Québec et des provinces, avec un transfert direct qui heurte de plein fouet la prérogative du Québec, en particulier, en matière de politique familiale; et parce qu'on évitait qu'on paie des impôts sur ce montant de 1 200 $ par enfant de moins de six ans.
Le gouvernement a préféré concrétiser cette suggestion de verser 1 200 $ en espèces, donc 100 $ par mois, pour chaque enfant de moins de six ans. Il a extrait de la réduction des bénéfices aux familles la Prestation nationale pour enfants. Par contre, le Supplément de la Prestation nationale pour enfants, qui intervient pour les familles les plus démunies, sera aboli à partir de l'an prochain.
C'est assez spectaculaire d'entendre le discours de mes collègues conservateurs, du premier ministre même et de la ministre des Ressources humaines et du Développement social, où on dit que leur clientèle principale se compose des familles dont un des deux parents reste à la maison. Lorsqu'on examine les réalités du budget, ce sont justement les familles dont un des parents reste à la maison qui vont écoper de la disparition du Supplément de la Prestation nationale pour enfants. La famille qui n'a pas de frais de garde — la clientèle privilégiée par les conservateurs, ce qui sous-entend qu'un des parents reste à la maison avec les enfants — devra assumer une perte de 486 $ par année, en plus de l'impôt sur le revenu, à cause de la disparition de ce programme de l'an prochain.
On donne d'un côté et on enlève de l'autre. On prétend privilégier ce type de famille alors qu'elle est la principale victime de ce budget. Si on avait converti ce transfert de 1 200 $ en crédit d'impôt remboursable, on aurait fait trois choses.
D'abord, on aurait respecté le budget de 9,6 milliards de dollars prévu pour cette mesure. On ne serait pas sortis du cadre financier. Deuxièmement, les familles à faible, à moyen et à revenu moyennement élevé n'auraient pratiquement pas payé d'impôt sur ce 1 200 $ par enfant. Troisièmement, on aurait atteint les clientèles voulues par cette mesure. Or, on se retrouve dans une situation où les ménages les plus riches seront les principaux bénéficiaires — ce n'est pas normal. On ne peut pas avoir un discours et des gestes inconséquents. C'est une grande déception.
Le Bloc québécois a un message pour les familles, à propos du 1 200 $. Le message est de mettre de côté quelques centaines de dollars, car la surprise sera brutale lorsque, le printemps prochain, ces familles devront remplir leur rapport d'impôt. À ce moment-là, après avoir dépensé le montant de 1 200 $ par enfant, elles réaliseront qu'elles devront payé de l'impôt sur ce montant.
En ce qui a trait au logement social, le Bloc aurait préféré avoir une plus grande générosité de la part du gouvernement. Évidemment, le montant de 800 millions de dollars qui a été pris à même le surplus de 2005 et de 2006 est un bon départ. Au gouvernement, depuis 1993, aucun sou n'avait été investi dans le logement social. Ainsi, le fait de se retrouver avec 800 millions de dollars, c'est mieux que rien. Par contre, des milliards de dollars dorment à la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Je pense que près de 4 milliards de dollars dorment à la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Cette somme pourrait être utilisée pour réaliser du développement au chapitre du logement social. D'ailleurs, le Bloc n'a pas attendu le gouvernement. En effet, ma collègue de Québec, qui doit compenser pour l'inertie et l'incompétence des nouveaux députés de la région de Québec — notamment des députés conservateurs — déposera un projet de loi afin qu'on puisse utiliser les surplus de la SCHL pour construire du logement social.
Parlons maintenant de l'assurance-emploi. On s'attendait à ce qu'il y ait au moins une prise de conscience du gouvernement conservateur. On sait que cela ne fait pas partie de sa philosophie de base, mais il me semble que cela fait assez longtemps qu'on se bat pour une réforme de l'assurance-emploi. Alors que les conservateurs étaient dans l'opposition, nous avons mené des batailles ensemble. Soixante pour cent de la clientèle, et ce chiffre augmente lorsqu'on parle des femmes et des jeunes, est exclu du régime d'assurance-emploi depuis que le gouvernement précédent a décidé, à partir de 1996, d'y mettre la hache, de resserrer les critères d'admissibilité et de mettre en place un programme qui est tout à fait sauvage et qui enlève la dignité aux personnes qui sont déjà frappées par le fléau du chômage. Il n'y a rien sur l'assurance-emploi.
Pour ce qui est du PATA, le Bloc et le gouvernement ont discuté pendant trois semaines. Pour ma part, je me suis particulièrement entretenu avec le ministre des Finances. Le but était de convaincre ce gouvernement de mettre en place le programme d'aide aux travailleurs âgés, tel qu'il existait en 1997. C'est urgent. Dans son discours sur le budget, le ministre des Finances s'est engagé à se pencher sur ce programme. Il ne faudrait pas qu'il tombe dessus et que ce programme reste lettre morte pendant de nombreuses années. Il s'est engagé à faire une analyse de faisabilité. Dans notre esprit, une analyse de faisabilité permet d'évaluer les coûts annuels de ce programme, de voir si ce régime pourrait devenir un régime explosif — avec une expansion des dépenses, année après année. Cette analyse des coûts doit être faite rapidement.
En 1997, lorsque le PATA a été aboli, il coûtait 17 millions de dollars annuellement au Canada. Cet argent servait à sauver des ménages composés de personnes de 55 ans et plus qui étaient victimes de mises à pied collectives. Cette année, on prévoit que les coûts auraient été d'environ 100 millions de dollars pour tout le Canada, si le programme avait été mis en place. Cette évalution est généreuse. En fait, le montant pourrait tourner autour de 75 et 80 millions de dollars de plus que 100 millions de dollars. Cela ne coûte pas cher et peut permettre d'éviter des tragédies, surtout dans des régions monoindustrielles ou quasi-monoindustrielles où il n'y a qu'un seul employeur principal.
À cause des pays émergents et de la mondialisation, il y a des mises à pied massives. On peut comprendre que les entreprises doivent se réorganiser, renforcer leur compétitivité et faire en sorte d'affronter ces nouveaux pays émergents et la concurrence internationale. Toutefois, les victimes, ce sont bien souvent les travailleurs les plus âgés.
La semaine dernière, une citoyenne d'Acton Vale m'écrivait à ce sujet. Cette travailleuse d'Airbus a travaillé pendant 28 ans pour la même entreprise. Cependant, pour rencontrer des besoins d'amélioration et de compétitivité, l'entreprise a dû réduire son personnel, augmenter les cadences et faire en sorte qu'un employé puisse produire plus qu'auparavant, soit une fois et demie de plus.
Ces personnes ont donné 28, 35 ou 40 ans de leur vie à une entreprise où le travail est dur, telles les entreprises manufacturières du textile, du vêtement, de la chaussure — chaussure militaire en particulier. Elles ont consacré toutes ces années à une entreprise. Elles sont donc fatiguées à l'orée de leur retraite, à 55 ans ou plus. Elles ne peuvent se retrouver un emploi facilement, puisqu'elles ont toujours effectué le même travail — et leur conjoint a toujours fait de même pour la même entreprise. Elles se retrouvent alors devant des situations difficiles. Ces personnes ayant travaillé toutes ces années, après avoir épuisé leur minces prestations d'assurance-emploi, sont obligées de liquider tous leurs biens pour arriver à vivre pendant la période s'échelonnant de 55 ans à 65 ans, l'âge de la retraite.
Ces personnes perdent ainsi toute dignité. Après avoir contribué aux bénéfices de l'entreprise, au développement et à la croissance des régions, elle se retrouvent, à 55 ans, tassées massivement. En effet, on leur dit de se débrouiller toutes seules et on ne leur démontre aucune reconnaissance.
À mon avis, on doit avoir plus de reconnaissance et de compassion qu'à l'heure actuelle. Je ne peux croire que l'on ne puisse pas trouver 100 millions de dollars par année, à même un budget de 198 milliards de dollars, pour aider les travailleuses et les travailleurs âgés victimes de licenciement collectif.
Dans le secteur manufacturier, on s'attendait à obtenir un plan d'aide afin d'améliorer la compétitivité et de donner un coup de pouce à ces entreprises. Les secteurs manufacturiers que l'on dit fragilisés, comme ceux du meuble, du vêtement, du textile et du bois d'oeuvre, compte tenu de tout ce qui s'est passé ces dernières années, ont besoin d'un coup de pouce. Toutefois, il n'y a rien dans le budget à cet égard. C'est une grande déception pour nous.
Il en est de même pour le Protocole de Kyoto. Le Canada est en train de perdre toute crédibilité en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. On a toujours dit que le Protocole de Kyoto est un accord « minimal minimorum », comme on dit en sciences économiques. Le minimorum, c'est le plus petit minimum sur une courbe. Il fallait aller beaucoup plus loin pour veiller à ce que les générations à venir ne soient pas pénalisées par nos gestes de détérioration de l'environnement posés dans le passé.
L'urgence est planétaire. M. Suzuki, entre autres, n'arrête pas de le répéter. Il faut mettre en place des mesures qui iront plus loin que le Protocole de Kyoto. Actuellement, on se retrouve aux prises avec un gouvernement qui considère que le défi de réaliser ce « minimum minimorum » est trop grand.
Il y a un autre irritant. Je n'aurai pas le temps de passer tout cela en revue. Parlons de la Commission canadienne des valeurs mobilières. Cela fait 15 ans que l'on nous rebat les oreilles avec cette Commission canadienne des valeurs mobilières qui, rappelons-le, est de la compétence du Québec et des provinces. Le fédéral n'a pas à y mettre son nez. La Commission canadienne des valeurs mobilières ne ferait que favoriser Toronto et Bay Street. D'ailleurs, c'est la seule province qui est solidement ancrée à cette idée depuis à peu près 13 ans.
J'aurais pu vous parler de la culture, qui cause également une grande déception. Mon collègue, le député de Saint-Lambert, en a suffisamment parlé. On s'attendait à 150 millions de dollars. Or on se retrouve avec 50 millions de dollars pour deux ans.
N'eût été l'engagement ferme sur le déséquilibre fiscal, nous aurions voté allégrement contre ce budget. Pour la suite des choses, nous espérons que le gouvernement comprendra, ne reculera pas sur le plan du déséquilibre fiscal, enclenchera des mesures relatives à l'assurance-emploi, et instaurera rapidement le PATA, y compris le programme-pilote spécial relatif à l'assurance-emploi qui se terminera le 30 juin prochain.