Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole relativement à ce projet de loi. Je ne suis pas juriste, mais je suis assez intelligent pour lire des projets de loi. Je sais voir, par rapport à ce qui se passe dans la réalité, si un projet de loi est pertinent ou tout à fait impertinent. Mes 13 ans d'expérience en tant que député et législateur en cette Chambre m'ont appris à distinguer les bons projets de loi de ceux qui n'apportent rien à la société québécoise ou à la société canadienne.
Le projet de loi C-27, qui est devant nous, n'aide strictement en rien à combattre la criminalité, à réduire cette criminalité et à décourager des criminels potentiels de commettre des actes. Ce projet de loi est tout à fait inutile et n'atteint pas ces objectifs.
J'écoutais plus tôt mon collègue conservateur qui disait que si on est contre ce projet de loi, c'est qu'on est contre les victimes d'actes criminels. Quelle démagogie!
Un projet de loi de ce type, qui n'apporte rien, peut même nuire au processus normal des tribunaux. Si on se fie à l'expérience américaine des dernières années alors que les Américains avaient mis de l'avant des mesures similaires, ce genre de projet de loi pourrait nuire à la lutte contre la criminalité plutôt que de lui donner des outils supplémentaires. Aucune étude ne prouve que cette politique de « trois prises, retiré » peut apporter une contribution positive.
Aux États-Unis, où l'on retrouve le plus haut taux de criminalité au monde, l'expérience des dernières années nous a prouvé que même avec une politique de cette nature, le taux de criminalité n'avait pas été réduit. Il y a surtout des études qui associent la durée de l'incarcération à l'augmentation des probabilités de récidive pour ces criminels. C'est donc tout le contraire de ce qu'on vient de nous énoncer par rapport à ce projet de loi.
De plus, ce projet de loi bafoue un principe fondamental en droit, et c'est celui de la présomption d'innocence. Avant même qu'un criminel passe à un autre acte, c'est à lui de faire la démonstration qu'il n'est pas délinquant dangereux, et qu'il n'a pas besoin d'être incarcéré pour une période indéterminée. C'est à lui de faire cette preuve. Je ne crois pas que de mettre un individu devant cette responsabilité face au système de justice soit la bonne méthode ni que cela respecte les chances auxquelles tout individu a droit. Ce renversement de la preuve ne fait pas partie de la tradition du droit britannique, sauf dans quelques exceptions précises, comme les biens acquis par des activités criminelles.
Récemment, par l'entremise du Bloc québécois, nous avons adopté un projet de loi en vertu duquel, après une condamnation, quelqu'un ayant participé à des activités du crime organisé doit faire la preuve que tous les biens qu'il possède ont été acquis légalement: Mercedes, maison, résidence secondaire. C'est ce type d'exception qui est souhaitable lorsqu'on regarde tous les groupes criminalisés.
L'opération Printemps 2001 nous a permis de mesurer ce qu'il a fallu de ressources judiciaires et de ressources des contribuables, et ce qu'on a dû déployer pour faire la preuve que tous les biens acquis par les Nomades, les Hells Angels ou les autres groupes criminalisés étaient des biens acquis de façon illégale.
Lorsque nous regardons ce projet de loi, nous pouvons constater qu'il peut même nuire au processus judiciaire. J'écoutais plus tôt mon collègue conservateur. Il disait avoir reçu des appels téléphoniques de ses commettants qui lui demandaient pourquoi attendre la troisième fois avant de déclarer un délinquant « délinquant dangereux » et l'incarcérer pour une période indéterminée.
Je lui pose la même question mais dans un autre sens.
Pourquoi attendre la troisième infraction, alors qu'à l'heure actuelle, un procureur de la Couronne peut demander, en fonction de la gravité et de la brutalité d'un crime, que cet individu soit considéré délinquant dangereux dès le premier crime?
Il n'est pas nécessaire d'attendre la troisième fois. Dès le premier crime, s'il s'agit d'un crime particulièrement brutal, un procureur de la Couronne peut demander que cet individu soit considéré délinquant dangereux. Le juge peut acquiescer à cette demande et déclarer cet individu délinquant dangereux dès la première infraction.
Je pose la question: pourquoi attendre trois fois, alors que dans le système actuel, avec la flexibilité donnée aux procureurs et aux juges, on peut en arriver, avec intelligence et aussi avec discernement, à voir s'il y a des chances de réhabilitation dès le premier crime commis à la lumière de la nature, de la gravité et de la brutalité d'un crime?
Je disais tout à l'heure qu'aux États-Unis, on avait expérimenté ce genre de politique. Là-bas, on se retrouve avec des prisons pleines. Lorsqu'on dit que le premier ministre du Canada est une copie conforme de George W. Bush, c'est également dans ce sens-là. Ce n'est pas seulement au niveau des politiques guerrières, au niveau des politiques économiques ou au niveau du soutien aux pétrolières, par exemple, mais aussi au niveau du système de justice et du système pénitencier qu'on veut instaurer au Canada par rapport à ce qu'on a à l'heure actuelle.
Aux États-Unis, les prisons sont pleines à craquer. On emprisonne sept fois plus qu'au Canada. Pourtant, même avec une politique de « trois crimes équivalent à délinquant dangereux », aux États-Unis, il y a un taux d'homicides trois fois supérieur à ce qu'on retrouve au Canada et quatre fois supérieur à ce qu'on retrouve au Québec. Cela doit être significatif quelque part. Lorsqu'un système ne fonctionne pas, comme aux États-Unis par exemple, un des pays les plus criminalisés au monde, cela veut dire qu'il ne faut pas copier ce système et qu'il faut faire les choses autrement. Il ne faut pas prendre une copie conforme du système américain. Pour se faire une belle jambe, les conservateurs nous présente un projet de loi de cette nature en donnant l'impression qu'ils sont les seuls garants de la sécurité des individus, de la poursuite des criminels jusque dans leur dernier retranchement, les seuls garants aussi de la justice dans ce pays. C'est une prétention qui est tout à fait dénaturée par rapport au discours et au contenu du projet de loi.
Lorsqu'on est un législateur, on a une énorme responsabilité. Cette responsabilité va bien sûr au traitement des victimes, les victimes passées comme les victimes potentielles de criminels. Il faut s'en préoccuper, mais il faut se doter d'outils corrects pour faire cela. Si on regarde au cours des 10 dernières années, les crimes graves au Canada ont connu une diminution. Qu'on ne vienne pas nous dire, en prenant les données de 2004-2005, que la situation est tout à fait terrible et qu'elle est tellement terrible qu'il faut prendre des mesures. Soit, mais pas des mesures qui sont tout à fait décrochées de la réalité comme celles-là.
Il faut prendre des vraies mesures et ces vraies mesures, les conservateurs ne les prennent pas. Ce sont des apparences de mesures. Ils veulent montrer qu'ils ont pris des engagements politiques tout à fait dénués de sens au cours de la dernière campagne électorale, dont, justement, d'en arriver à cette politique de « trois crimes équivalent à délinquant dangereux ». Là, ils nous présentent ce projet de loi. Cela n'a ni queue ni tête. Cela ne colle pas à la réalité et n'ajoute rien à la démonstration. Cela n'ajoute aucun outil de lutte contre les crimes graves au Canada.
Parmi les choses à faire — et qu'ils ne font pas —, il y a un outil qui est fondamental, c'est le contrôle des armes à feu. On vient d'avoir les dernières données de Statistique Canada. Ce ne sont pas nos inventions, c'est Statistique Canada. Cet organisme nous dit que, au Québec, par exemple, et à l'Île-du-Prince-Édouard, le taux de criminalité est beaucoup moins élevé que dans le reste du Canada. La ville championne au plan du taux de criminalité et des crimes graves est Edmonton. Calgary est deuxième. C'est significatif.
Lorsqu'on vient d'une région où le taux de criminalité est le plus élevé, peut-on avoir un peu plus d'intelligence pour trouver une approche pour contrer cette criminalité? Le contrôle des armes à feu et le registre des armes à feu, c'est ce dont nous avons besoin. Hier, on disait par exemple dans les bulletins d' informations, qu'à Edmonton, 80 p. 100 des crimes ont été commis à partir d'armes qui n'étaient pas enregistrées. Donc 20 p. 100 des armes étaient enregistrées. N'est-ce pas un indice qu'il faudrait augmenter les contrôles? Il faudrait faire en sorte qu'il y ait un registre bien tenu.
Des voix: Oh, oh!