Monsieur le Président, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-5 sans aucun amendement, à la lumière notamment de la discussion que j'ai eu le privilège d'entendre à la Chambre aujourd'hui.
Je voudrais poursuivre à partir des observations de mon collègue de Mississauga—Erindale, qui avaient trait à un certain nombre de questions fondamentales et sous-jacentes à ce projet de loi concernant l'avenir de l'énergie nucléaire au Canada. Je veux aussi abonder dans le sens de ce qu'a dit mon collègue de Western Arctic, à savoir que, lorsque nous pensons à l'avenir, nous devons penser non seulement aux intérêts de l'industrie nucléaire, mais également à ceux de l'ensemble de la population canadienne.
Tout d'abord, sur le plan le plus fondamental, ce projet de loi soulève un certain nombre de questions très profondes concernant l'avenir, l'avenir de l'énergie nucléaire au Canada, d'EACL, de l'organisme de réglementation du nucléaire, du réacteur Candu du Canada, de technologies nucléaires qui sont en évolution partout dans le monde, des technologies qui font concurrence au Candu et même de l'énergie nucléaire partout dans le monde.
Il est évident que le débat au sujet de l'énergie nucléaire s'est transformé tout particulièrement en raison des changements climatiques. Ce phénomène a complètement modifié la nature du débat, la façon dont nous réfléchissons sur ces questions.
Permettez-moi de dire que, à titre d'environnementaliste de longue date, j'ai été parmi ceux qui, au fil des années, ont exprimé des réserves au sujet de l'industrie nucléaire. Par la suite, je suis devenu agnostique en quelque sorte mais, aujourd'hui, lorsque j'évalue les probabilités et les dangers, je me retrouve du côté de ceux qui préconisent un avenir nucléaire pour le Canada. Il est inévitable, selon moi, que l'énergie nucléaire devienne un élément de plus en plus important de notre portefeuille énergétique national au cours des années à venir.
Même sans financer ni construire de nouvelles centrales nucléaires au Canada, notre pays aurait un avenir nucléaire pour encore fort longtemps. Ici-même, à la Chambre, et c'est vrai pour l'ensemble de l'Ontario, deux ampoules sur cinq sont alimentées à l'énergie nucléaire. Quarante pour cent de l'énergie produite à l'heure actuelle provient de générateurs nucléaires.
Leur importance est d'autant plus grande que nous savons quel est l'avenir des centrales au charbon dans cette province. Elles seront éliminées, de sorte que l'énergie nucléaire est appelée à assumer une part grandissante de la production, dans cette partie du monde tout au moins. Il n'existe aucune source d'énergie de rechange ayant l'importance et l'envergure de l'énergie nucléaire pour remplacer les centrales au charbon.
Deuxièmement, l'argument fondé sur les changements climatiques nous place dans un monde où nous devons équilibrer les risques, et c'est à nous qu'il incombe de le faire. Nous sommes ici pour faire des choix. Gouverner, c'est choisir.
Un monde où les émissions de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre continuent de s'accroître de façon exponentielle met notre avenir en péril. Le danger deviendrait bien réel une fois que les températures moyennes à l'échelle mondiale auraient augmenté de 2 °C. Cela nous mettrait dans une situation que nous n'avons pas vécue depuis des générations, en fait depuis des millions d'années. Par comparaison, les risques de l'énergie nucléaire sont bien connus, notamment les accidents nucléaires, les menaces terroristes et l'élimination des déchets nucléaires. Cela n'a rien de banal, mais nous devons choisir. Nous devons décider ce qui représente le plus grand danger et nous demander si nous pouvons gérer les risques de l'autre côté.
Le projet de loi C-5 lui-même et le débat sur ses amendements portent sur la gestion des risques et sur la responsabilité, qui doit se situer quelque part entre l'absence totale de responsabilité et la responsabilité illimitée. Le comité a décidé d'augmenter le montant de 75 millions de dollars qu'il était à 650 millions de dollars. C'est une question de gestion des risques.
Le problème en ce qui concerne les changements climatiques, c'est que ce n'est pas un risque gérable si nous continuons de ne rien faire à ce sujet. Le défi, c'est que nous sommes dans une situation dont nous pourrions perdre la maîtrise. L'énergie nucléaire doit faire partie de la solution.
Troisièmement, il faut mentionner que nous voyons une renaissance de l'énergie nucléaire partout dans le monde. On compte actuellement 439 réacteurs nucléaires en exploitation dans le monde. Ensemble, ils représentent 10 000 années-réacteurs d'expérience. On prévoit maintenant la construction de 200 nouvelles centrales nucléaires dans le monde. Depuis qu'on a commencé à exploiter des centrales nucléaires, il n'y a eu que deux accidents, soit ceux de Three Mile Island et de Tchernobyl. Seul ce dernier a causé des décès, et il va sans dire qu'il s'agissait d'un accident extrêmement grave.
Lorsque nous pensons aux risques, nous avons toutefois tendance à oublier les conséquences du charbonnage et des émissions provenant des centrales au charbon. Le nombre de décès attribuables chaque année au charbonnage qui nous permet d'alimenter les centrales au charbon dépasse largement le nombre de décès associés à la catastrophe de Tchernobyl, et pourtant nous ne tenons jamais compte de ces risques. En tant que législateurs, c'est à nous qu'il incombe de faire des choix, d'équilibrer du mieux que nous pouvons les risques et d'essayer de protéger l'avenir des Canadiens.
Mon quatrième point porte sur les déchets nucléaires eux-mêmes. C’est un problème qu’en définitive, la technologie sera en mesure de contrôler. Le plus intéressant à cet égard, c’est que les déchets nucléaires représentent une source d’énergie possible pour l’avenir, que nous n’avons pas encore trouvé le moyen d’exploiter. Il y aura une nouvelle génération de réacteurs qui pourront extraire de l’énergie de nos déchets nucléaires existants pendant un temps infini. Il est vrai que nous ne savons pas exactement ce que l’avenir nous réserve dans ce domaine, mais nous savons par contre à quoi ressemblera notre monde si nous ne faisons rien pour affronter les changements climatiques qui feront grimper la température de 2 °C. Nous en avons en fait une très bonne idée. Encore une fois, nous avons un choix à faire pour rétablir l’équilibre.
Mon cinquième point est qu’EACL est un chef de file mondial et un pionnier de la révolution nucléaire, tant sur le plan de l’énergie que dans le domaine des radio-isotopes médicaux et d’autres secteurs. La société s’occupe d’une technologie en pleine évolution qui aura un avenir extraordinaire. Il y aura bien quelqu’un, quelque part dans le monde, qui mettra au point la génération suivante de réacteurs nucléaires. Cela étant, pourquoi ne serait-ce pas le Canada, qui est un pionnier et un chef de file de ce domaine depuis un demi-siècle? Si nous nous orientons de toute façon vers un avenir nucléaire, pourquoi laisserions-nous la France ou la société General Electric le faire à notre place?
Cela m’amène à mon sixième point qui est l’intérêt national. Nous avons récemment tenu un débat intéressant sur une société canadienne, MDA, qui a créé RADARSAT et le Canadarm, et avons parlé de l’intérêt national dans le contexte des sociétés de haute technologie. Le gouvernement a dit – et je lui en sais gré – que, dans des domaines tels que la technologie spatiale, l’intérêt national est en jeu. J’estime qu’EACL est dans la même situation. Il y va de l’intérêt national de donner à cette technologie les ressources et le soutien nécessaires pour aller à l’étape suivante et pour mettre à la disposition du monde des moyens novateurs, tant pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques que pour créer de la richesse au Canada.
Enfin, en adoptant le projet de loi C-5, nous donnons le feu vert à l’avenir de l’énergie nucléaire au Canada. Autrement, nous n’aurions pas eu besoin de cette mesure. Nous avons tout à gagner en faisant en sorte que le Canada demeure un chef de file dans ce domaine. Lorsque le député de York-Centre jouait dans l’équipe des Canadiens de Montréal et que ses camarades étaient un peu découragés avant une partie, il avait l’habitude de dire: « Eh bien, puisque nous devons jouer de toute façon, autant essayer de gagner! » Je crois qu’on peut dire la même chose dans le cas de l’énergie nucléaire.