propose que le projet de loi C-474, Loi exigeant l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de développement durable, la communication des progrès accomplis en fonction d'indicateurs environnementaux préétablis, la nomination d'un commissaire à l'environnement et au développement durable indépendant et responsable devant le Parlement, adoptant des objectifs précis en matière de développement durable au Canada et modifiant une autre loi en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
-- Monsieur le Président, c’est avec fierté et grand plaisir que j’interviens dans ce débat pour présenter et appuyer le projet de loi C-474, Loi exigeant l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de développement durable.
En octobre dernier, le commissaire fédéral à l'environnement a présenté un rapport qui blâmait le gouvernement pour ne pas avoir de stratégie globale en matière de développement durable, de buts et objectifs, d'indicateurs préétablis ou de calendrier de présentation de rapports, ce qui voulait dire en somme qu’il n’assurait aucune reddition de comptes dans le dossier de l'environnement.
Le gouvernement a alors mandaté le même ministère, Environnement Canada, à faire une longue étude qui devait s’échelonner sur un an, alors qu’il avait déjà failli à la tâche. Nous pouvons donc penser que d’ici là, nous pourrions avoir déjà été appelés aux urnes. Le ministère qui n’a pas réussi à forcer d’autres ministères à remplir leurs obligations dans le domaine du développement durable est maintenant chargé d’expliquer pourquoi il n’a pas réussi à le faire.
La réponse du gouvernement est loin d’être acceptable, compte tenu des préoccupations de plus en plus importantes des Canadiens à l’égard de l’environnement. Nous devons faire mieux et nous devons le faire plus rapidement. C’est là l’objectif du projet de loi que je présente aujourd’hui à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-474.
En 1995, le gouvernement libéral précédent avait réagi à la demande pour une politique plus forte en matière d’environnement en présentant des changements importants à la Loi sur le vérificateur général qui obligent tous les ministères du gouvernement fédéral à présenter leurs stratégies en matière de développement durable à tous les trois ans.
Toutefois, lorsque le troisième jeu de stratégies a été déposé en 2004, il était devenu évident que ce n’était guère plus que de simples exercices bureaucratiques non intégrés qui n’étaient pas très concluants.
En conséquence, on a demandé au ministre de l’Environnement de l’époque, qui est maintenant chef de l’opposition, de réunir toutes ces stratégies dans un même plan cohérent et de produire une stratégie nationale unique en matière de développement durable avant le milieu de 2006, comme le commissaire l’avait demandé dans son dernier rapport.
On espérait qu’une seule stratégie globale permettrait d’assurer l’établissement de buts et objectifs bien précis qui feraient l’objet de rapports réguliers, forçant ainsi le gouvernement à rendre davantage de comptes aux Canadiens et à obtenir de meilleurs résultats. Malheureusement, le gouvernement actuel a permis que l’on dépose l’an dernier, près d’un an après son arrivée au pouvoir, un quatrième jeu de stratégies qui comportait bon nombre des lacunes déjà existantes.
Même l’ancienne ministre de l’Environnement a fait part de ses préoccupations en ces termes:
Lorsqu'on regarde les rapports sur le développement durable que nous venons de publier, il est clair que ceux-ci ne se fondent pas sur une méthodologie rigoureuse. Vous allez vous en rendre compte lorsque vous les lirez. Le libellé est vague. Nous n'avons tout simplement pas, relativement aux engagements, un niveau de responsabilité établi en fonction de résultats, de points de référence ou d'objectifs.
C'est ce que la précédente commissaire à l'environnement a déclaré au Ottawa Citizen, le 15 décembre 2006.
L'actuel secrétaire parlementaire du ministre de l’Environnement a appuyé cette déclaration, dans l'édition du 5 novembre 2007 du Hill Times, lorsqu'il a dit qu'il était « crucial d'avoir une stratégie » et qu'il était « crucial que le gouvernement conservateur propose maintenant une stratégie de développement durable » pour s'assurer que les ministères soient tenus « responsables ».
Par conséquent, les deux côtés de la Chambre s'entendent pour dire que les exigences actuelles en matière de développement durable, et les rapports sur le respect de ces exigences, sont insatisfaisants.
La planification de la prochaine série de stratégies ministérielles va commencer dans environ un an, mais nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une autre pile de rapports ministériels décousus dans deux ans. Il faut corriger la situation.
Il y a une meilleure façon de faire les choses.
Le Canada devrait suivre l'exemple de pays comme le Royaume-Uni et la Suède qui, en vertu de leurs lois, exigent la présentation d'une stratégie nationale de développement durable, assortie de buts précis et de rapports objectifs. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Tant le Royaume-Uni que la Suède font beaucoup mieux que le Canada sur le plan environnemental, lorsque des comparaisons sont faites à l'échelle internationale.
Le Canada pourrait être un chef de file international s'il adoptait un tel cadre législatif. C'est la raison pour laquelle je propose une loi nationale sur le développement durable, qui lancerait une nouvelle ère en matière de responsabilité environnementale au Canada.
En vertu de cette loi, le gouvernement serait légalement tenu d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale solide de développement durable au Canada. Cette stratégie ferait l'objet d'un contrôle en fonction d'indicateurs environnementaux préétablis, par un commissaire à l'environnement et au développement durable indépendant, qui ferait directement rapport aux Canadiens. Il n'y aurait pas de poudre aux yeux, seulement une présentation objective de la réalité.
Avant de discuter du projet de loi plus en détail, j'aimerais souligner le travail de la Fondation David Suzuki, relativement au projet de loi. En janvier 2007, la fondation a publié un rapport intitulé La durabilité en une génération: Une nouvelle vision pour le Canada. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la fondation, lors de la rédaction du projet de loi. Je remercie ses membres de leur aide.
Je veux aussi souligner le travail de l'organisme The Natural Step. Ce groupe, créé en Suède mais très présent au Canada, nous a aidés à élaborer les objectifs de développement durable qui sont énoncés dans le projet de loi.
Trois des grands principes préconisés par The Natural Step sont à la base de nos objectifs de développement durable, et ils sont énoncés dans le projet de loi au paragraphe 5(1).
Le gouvernement du Canada accepte comme principe fondamental que, dans une société durable, la nature ne doit pas être soumise à l’accroissement systématique:
a) de la concentration des substances extraites de la croûte terrestre;
b) de la concentration des substances générées par la société;
c) de sa dégradation par des moyens physiques.
Nous avons intégré ces principes dans le projet de loi, mais nous reconnaissons que l'organisme The Natural Step en est l'auteur.
Les objectifs eux-mêmes suivent, aux alinéas 5(2)a) à f).
Il adopte par conséquent les objectifs ci-après pour le Canada en matière de développement durable:
a) devenir un chef de file mondial:
(i) en assurant un mode de vie durable et la protection de l’environnement,
(ii) en assurant une utilisation efficace et efficiente de l’énergie et des ressources,
(iii) en modifiant les habitudes de production et de consommation en vue de reproduire les cycles de la nature et de réduire ainsi radicalement la production de déchets et la pollution,
(iv) en réduisant la pollution atmosphérique et en atteignant les normes de qualité de l’air nécessaires pour éliminer les impacts sur la santé humaine,
(v) en gérant bien ses ressources en eau par la protection et la restauration de la quantité et de la qualité de l’eau douce dans les écosystèmes canadiens;
On trouve ensuite les objectifs suivants, toujours dans le projet de loi:
b) jouer un rôle de premier plan dans la révolution mondiale de l’énergie propre;
c) faire en sorte que l’agriculture canadienne fournisse des aliments sains et nutritifs tout en protégeant les terres, l’eau et la biodiversité;
d) se faire reconnaître à l’échelle mondiale comme chef de file dans la conservation, la protection et la restauration de la beauté naturelle de son paysage ainsi que de la santé et la diversité de ses écosystèmes, parcs et réserves intégrales;
e) faire en sorte que les villes canadiennes deviennent dynamiques, propres, prospères, sûres et durables et offrent une bonne qualité de vie;
f) faire la promotion de la durabilité dans les pays en développement.
Comment s'y prendre pour y parvenir? Les paragraphes 6(1) et (2) proposent des modifications de l'appareil gouvernemental.
Le paragraphe 6(1) précise ceci:
Le gouverneur en conseil constitue un comité du Cabinet chargé du développement durable, présidé par le ministre, pour surveiller l’élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable.
On parle ici du ministre de l'Environnement.
Le paragraphe 6(2) ajoute:
Le gouverneur en conseil crée un secrétariat du développement durable au sein du Bureau du Conseil privé pour soutenir les activités du comité du Cabinet chargé du développement durable.
Autrement dit, il faut un comité du Cabinet, qui oeuvre au coeur du gouvernement et au niveau du Cabinet, qui aura pour objectif constant et inébranlable d'assurer la réalisation d'une stratégie de développement durable. Ce comité du Cabinet aura besoin de l'assistance d'un secrétariat du développement durable qui fera partie du Bureau du Conseil privé.
Notre stratégie précédente en matière de développement durable n'a pas réussi en raison d'une combinaison de facteurs, notamment l'absence de volonté politique et de soutien bureaucratique.
L'article 7 du projet de loi prévoit la création d'un Conseil consultatif sur le développement durable dont la composition serait représentative de divers éléments de la société canadienne.
L'article 8 définit le processus d'élaboration d'une stratégie nationale de développement:
8.(1) Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi et tous les trois ans par la suite, le ministre élabore, conformément au présent article, une stratégie nationale de développement durable fondée sur le principe de la prudence.
(2) La stratégie nationale de développement durable prévoit:
a) des cibles à court terme (un à trois ans), à moyen terme (cinq à dix ans) et à long terme (vingt-cinq ans) pour hâter considérablement l’élimination de tous les problèmes environnementaux, notamment des cibles relatives à chacun des éléments énumérés à la colonne 2 de l’annexe;
b) une stratégie de mise en oeuvre visant l’atteinte de chaque cible, qui peut notamment comprendre les éléments suivants:
(i) des plafonds d’émissions, par secteur et par région, qui sont conformes aux cibles,
(ii) des mesures économiques, tel un système d’échange de droits d’émission assorti de plafonds décroissants,
(iii) des sanctions en cas d’inobservation,
(iv) une gestion écosystémique,
(v) la méthode du coût de revient complet;
c) un échéancier pour l’atteinte de chaque cible;
d) le responsable de la mise en oeuvre de la Stratégie
Autrement dit, nous tentons d'intégrer tous les aspects du système.
Enfin, le paragraphe 8.(3) prévoit ce qui suit:
(3) Le ministre transmet la version préliminaire de la stratégie nationale de développement durable au Conseil consultatif sur le développement durable, au commissaire...
C'est-à-dire le commissaire à l'environnement.
...aux comités parlementaires compétents...
La rétroaction est très importante.
...aux intervenants visés et au public, et il leur accorde un délai d’au moins cent vingt jours pour qu’ils puissent en faire l’examen et présenter leurs observations.
Après un processus décrit de façon plus détaillée dans le projet de loi qui prévoit la participation du comité du Cabinet sur le développement durable, la stratégie nationale en matière de développement durable sera déposée à la Chambre et le ministre de l'Environnement prendra un règlement où seront prescrits les plafonds et les cibles de la stratégie. Par la suite, tous les ministères élaboreront des plans conformes à la stratégie.
Il est prévu à l'article 13 que le commissaire à l'environnement et au développement durable assurera la surveillance de l'efficacité de la stratégie et publiera annuellement un « rapport de surveillance de la durabilité de l'environnement ».
Telles sont les grandes lignes du projet de loi C-474. Je signale également à votre attention une annexe importante du projet de loi. La première colonne contient les objectifs, et la deuxième, les éléments correspondants. Les objectifs et les éléments s'inspirent dans une certaine mesure de la réussite suédoise en matière d'objectifs de qualité environnementale.
Voici certains exemples des objectifs énoncés dans l'annexe.
Par exemple, l'idée de « générer une richesse véritable » constitue un objectif. Pour ce faire, il nous faut un indice d'un type nouveau, qui nous permettra de mesurer la richesse véritable, par opposition à la richesse qui est fondée sur la destruction de l'environnement.
Le deuxième objectif est « Améliorer l’efficacité environnementale ». Comment y arriverons-nous? Selon la colonne 2, nous pourrions nous concentrer sur la consommation d'énergie, la consommation de matières et la consommation d'eau.
Le troisième objectif est « Adopter l’énergie propre », ce qui, en toute logique, nous fait penser que nous devons porter davantage attention aux énergies non renouvelables, comme il est indiqué.
Le quatrième objectif nous dit que nous devons réduire les déchets et la pollution et couvre une foule d'éléments, dont les gaz à effet de serre.
À la lumière de ce résumé, la question qui se pose est de savoir si le premier ministre et le gouvernement, qui ont critiqué notre incapacité de faire rapport sur la durabilité, feront obstruction au projet de loi C-474 ou s'ils en permettront l'adoption rapide.
Les Canadiens exigent clairement des mesures environnementales. Nous avons perdu presque deux ans avec le gouvernement conservateur. C'est maintenant au tour du Canada de faire preuve d'autant de leadership que le Royaume-Uni et la Suède, qui ont adopté leur propre loi sur le développement durable, comme celle que je présente.
Si nous avions un nouveau cadre de responsabilisation environnemental en place au début de l'année, les ministères auraient le temps de s'adapter au nouveau régime avant le début de la planification, l'automne prochain. Nous devons rien de moins aux Canadiens.