Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour exprimer l’appui de mon parti à la motion de l’opposition dont le Bloc nous a saisis aujourd’hui.
La motion demande à la Chambre de présenter des excuses officielles aux expropriés du parc Forillon pour le traitement abusif dont ils ont été victimes. La motion demande également que le Président de la Chambre fasse parvenir à leurs représentants et à leurs descendants une copie officielle des Journaux de la Chambre faisant état de l’adoption de la présente motion.
À entendre les interventions d’aujourd’hui, il n’y a plus aucun doute sur ce qui est arrivé aux personnes qui vivaient jadis sur le site maintenant occupé par le parc Forillon. Elles ont vécu un événement particulièrement traumatisant. C’était vraiment une tragédie. Il est inadmissible que les habitants des collectivités touchées n’aient pas été consultés au préalable, que leurs points de vue n’aient pas été entendus et que leurs volontés au sujet de l’avenir de leurs terres n’aient pas été respectées. Après tout, leurs terres étaient l’un des liens fondamentaux avec leurs racines. Malheureusement, il s’agit là d’une tendance qui s’est manifestée maintes fois dans l’histoire du Canada, une histoire entachée de réinstallations forcées et caractérisée par l’incapacité de consulter et de collaborer avec la population et les collectivités, ou d'écouter ce qu’elles ont à dire sur la façon dont elles veulent vivre et contribuer à leurs collectivités et à notre pays.
Il est essentiel pour moi d’appuyer cette motion, non seulement à cause de ce qu’ont vécu les habitants de la région de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, mais aussi en raison de ce qu’elle signifie. En effet, elle établira un précédent pour les autres populations qui ont été déplacées contre leur gré, de même que pour tous ceux dont les voix ont été réduites au silence par le gouvernement actuel et les gouvernements précédents, y compris les anciens gouvernements libéraux.
J’ai l’honneur de représenter la circonscription de Churchill, dans le Nord du Manitoba. L’histoire du Nord du Manitoba a également été particulièrement tragique, compte tenu de la façon dont le gouvernement fédéral y a traité les membres des Premières nations. Malheureusement, il y a également eu dans cette région toute une série de déplacements forcés, sans compter les déplacements qui n’étaient pas officiellement forcés, mais dont on peut dire, compte tenu de la manière dont les choses se sont passées, qu'ils ont été effectués sous la contrainte.
Bien qu’une partie de cette histoire ait été reconnue, on refuse toujours d’admettre d’autres revendications historiques présentées par les groupes les plus gravement touchés. Parmi ces groupes, il y a les Dénés sayisi qui vivent aujourd’hui dans la localité de Tadoule Lake, l’une des collectivités les plus nordiques de la circonscription que je représente. Elle est en fait située à la limite du 60e parallèle.
Tadoule Lake est une localité dénée dont les habitants racontent leurs histoires depuis maintenant des décennies. Ils ont été déplacés contre leur gré et obligés de renoncer à une vie nomade dans le nord du Manitoba, où ils suivaient les troupeaux de caribou et tiraient tout ce dont ils avaient besoin de la terre. À la suite d'une décision prise par des fonctionnaires fédéraux, décision appuyée par les dirigeants politiques de l'époque, les Dénés ont été forcés à vivre dans d'épouvantables conditions dans la localité connue aujourd'hui sous le nom de Churchill. Ils ont été réduits à la pauvreté, obligés d'adopter un style de vie qui leur était inconnu. Ils vivaient selon les saisons de chasse et de piégeage et étaient habitués à pouvoir se déplacer et à subvenir à leurs propres besoins. Leur mode de vie a été anéanti par le gouvernement du Canada lorsque celui-ci a refusé d'entendre les cris de détresse des Dénés sayisi. Même lorsque, arrachés à leur style de vie, beaucoup d'entre eux ont sombré dans l'alcoolisme, la toxicomanie et le genre d'abus que beaucoup de Canadiens ne peuvent même pas s'imaginer, leurs cris tombaient dans l'oreille d'un sourd. Ce n'est qu'après s'être battus pendant des décennies qu'ils ont obtenu le droit de s'installer sur une terre de réserve, qui porte aujourd'hui le nom de Tadoule Lake.
Les Dénés sayisi de Tadoule Lake demandent au gouvernement du Canada d'officiellement reconnaître leur tragique histoire, qui les marque encore à ce jour. En effet, les taux de suicide et de toxicomanie dans leur collectivité sont parmi les plus élevés au Canada, et le traumatisme dont ils souffrent encore aujourd'hui est exacerbé par le fait que le gouvernement du Canada refuse d'accéder à leurs demandes, qui consistent à obtenir non seulement des excuses, mais aussi une indemnisation pour tout ce qu'ils ont perdu.
Il est impossible d'exprimer en chiffres les vies disparues, les avenirs perdus et l'incidence du passé sur les générations futures. Les Dénés sayisi veulent toutefois qu'on reconnaisse leur déplacement forcé, sous la forme non seulement d'une indemnisation monétaire, mais aussi d'un engagement envers la guérison de la part du gouvernement du Canada.
Il demeure qu'en 2011, leur souhait n'a toujours pas été exaucé. Ils considèrent néanmoins comme positives certaines des mesures prises par le gouvernement, mais nous attendons encore que leur déplacement forcé soit reconnu, ce qui permettrait enfin aux Dénés sayisi de clore ce chapitre de leur histoire.
Il faut mettre un terme à ce genre d'histoire. Il faut respecter la volonté des gens qui ont vécu ce traumatisme. Ce n'est pas le gouvernement, mais bien les gens ordinaires et les communautés qui font de notre pays ce qu'il est aujourd'hui. C'est pourquoi nous devrions examiner cette motion et l'appuyer à l'unanimité. Nous devrions être à l'écoute des désirs des gens dont l'histoire et les volontés ne sont pas prises en compte.
Je trouve intéressant que, dans la motion, on demande quelque chose d'aussi fondamental que des excuses de la part de la Chambre. Dans ce contexte, nous devrions tous convenir de la pertinence de la proposition. Cela va de soi, étant donné que le Canada estime de plus en plus que la présentation d'excuses constitue un moyen de tourner la page.
Un des moments que je n'oublierai jamais, c'est lorsque le gouvernement du Canada, avec la bénédiction de la Chambre, a présenté ses excuses aux survivants des pensionnats indiens. J'ai eu l'honneur de vivre ce moment historique avec de nombreux survivants chez moi, à Thompson, au Manitoba. Ce fut poignant d'entendre le gouvernement, avec l'appui de la Chambre des communes, présenter ses excuses aux gens dont la vie avait été détruite lors de cet épisode honteux de notre histoire.
Lors de la présentation de ces excuses, les gens ont perçu une lueur d'espoir qui leur permettrait d'aller de l'avant, de tourner la page et de travailler avec les collectivités. Ils pouvaient alors se dire: « Ils nous ont entendus et reconnaissent les torts qui nous ont été causés. Nous pouvons maintenant passer à autre chose. »
À la suite de cet événement, nous avons également espéré que cet esprit continuerait d'être présent et que d'autres mesures concrètes seraient proposées en vue d'améliorer le bien-être des survivants et de leurs communautés. Je pense qu'en tant que députés et représentants de la population canadienne, nous devons absolument être à l'écoute de ces voix.
Dans le contexte de ce débat ici aujourd'hui, les députés néo-démocrates espèrent que la volonté des gens de la Gaspésie — région que bon nombre de Canadiens connaissent — sera entendue non seulement aujourd'hui à la Chambre, mais aussi dans l'avenir. Ainsi, ces gens, leurs familles et les générations futures sauront que nous nous soucions de leur sort et que nous sommes désolés de ce qui leur est arrivé.