Monsieur le Président, il n'y a pas de doute sur ce que nous pensons. Le premier ministre veut écraser toute opposition alors qu'il a un gouvernement minoritaire et qu'il n'a pas encore compris qu'il a eu moins de 40 p. 100 des voix. Après avoir dépensé des millions de dollars en publicité, il n'a réussi à gagner que 2 p. 100 de voix et quelques sièges supplémentaires. Les Canadiens ont tout de même eu le bon sens de le priver d'une majorité, et c'est la deuxième fois qu'ils le font.
Les députés de l'opposition représentent plus de 60 p. 100 des suffrages exprimés et 55 p. 100 des députés à la Chambre.
Une personne et une seule décide de tout au Parti conservateur, et c'est le premier ministre. Les autres ministres et les membres du caucus sont là uniquement pour faire tapisserie. Donc c'est le premier ministre, et lui seul, qui a décidé d'inclure ces déclarations dans l'énoncé économique.
Je n'ai pas beaucoup d'estime pour le ministre des Finances, mais même moi je ne crois pas que ce soit lui l'auteur de ces attaques en règle contre la démocratie qui ont suscité toute une controverse, et j'aimerais à ce sujet vous lire un passage de l'article de Margaret Wente dans le Globe and Mail de ce matin.
Je sais que certains députés l'ont déjà entendu, mais cela mérite d'être répété. Comme mes collègues le savent, Margaret Wente n'est pas précisément entichée du Parti libéral ou des autres partis de l'opposition. Elle écrit: « [le premier ministre] était censé tenir la barre d'une main ferme.» C'est un peu absurde en soi. Il n'a jamais dit aux Canadiens que nous étions en déficit depuis des mois. Elle poursuit en ces termes:
Or, mêmes les loyaux conservateurs de longue date murmurent qu'il ne la tient plus. Ils ont raison. On peut endurer un petit tyran. On peut même endurer un petit tyran paranoïaque et contrôlant. Toutefois, on ne saurait endurer un petit tyran paranoïaque et contrôlant qui n'a pas de jugement.
Elle écrit que cette atteinte à la démocratie dans la mise à jour budgétaire a été une erreur de jugement « catastrophique ». Et elle ajoute:
Leur chef est brillant, mais il a l'intelligence émotionnelle d'un garçon de 13 ans. La générosité dans la victoire lui échappe. Cet outsider en veut à tout le monde parce qu'il sait qu'il est le plus brillant dans la salle, mais n'arrive pas à inspirer le respect.
Voilà ce que disent les amis des conservateurs.
Toujours dans le Globe and Mail de ce matin, Gordon Gibson, autre journaliste qui lui aussi ne porte pas exactement le Parti libéral du Canada dans son coeur, écrit ceci:
— il faut descendre un filin de secours avant de trancher l'autre [...] Quoi qu'il en soit, cette tentative de sabrer le financement était vile, vulgaire, excessive, méprisable, mesquine, méchante, retorse, ignoble et sordide, en tout cas indigne d'un grand parti politique. Tout électeur est en mesure de le comprendre.
Voilà ce que les amis des conservateurs disent.
Comme tous les autres députés, j'ai reçu des tonnes de courriels, certains en faveur de la coalition proposée, certains tout à fait contre.
Lorsqu'un gouvernement est dirigé par un tyran paranoïaque qui commet une erreur de jugement catastrophique, la démocratie du Parlement de Westminster a une procédure pour régler le compte de ce genre de personne. C'est le vote de confiance. C'est une procédure très simple.
De temps en temps, dans les démocraties parlementaires s'inspirant de Westminster, il y a des tyrans paranoïaques qui commettent des erreurs de jugement catastrophiques, et le système est conçu pour régler ces problèmes. Cependant, dans le cas qui nous préoccupe, le tyran paranoïaque ayant commis des erreurs de jugement catastrophiques craint la Chambre. Je présume que c'est son côté paranoïaque en action. Il a peur de demander le vote.
Aujourd'hui, une simple déclaration du chef du Parti conservateur, le premier ministre du Canada, aurait suffi pour mettre fin à la période des questions. Il aurait pu dire qu'à 18 heures ce soir, nous voterions et qu'il n'y aurait soudainement plus de problème. D'une façon ou d'une autre, le problème aurait été réglé. Comme ce ne fut pas le cas, le Parti conservateur compte lancer une initiative de bombardement en tapis entre vendredi et la reprise des travaux de la Chambre. Le premier ministre va proroger le Parlement.
Tout le butin de la tirelire conservatrice sera dépensé pour financer des campagnes publicitaires visant à convaincre les Canadiens que la démocratie parlementaire devrait être mise sens dessus dessous pour que le premier ministre puisse poursuivre son mandat.
C'est un concept très simple. Lorsqu'un premier ministre perd la confiance de la Chambre et qu'il est à la tête d'un gouvernement minoritaire, il doit comprendre. D'une façon ou d'une autre, une coalition se forme.
Au cours de la journée, j'ai entendu des députés se plaindre des séparatistes. Quelle ironie quand on pense que pour les deux premiers budgets du gouvernement conservateur, durant la 39e législature, ils étaient apparemment de bons séparatistes. Ils étaient de gentils séparatistes. Les conservateurs adoraient ces séparatistes là parce que c'est grâce à eux que leur gouvernement avait pu survivre à la présentation de ces deux budgets. Nous en sommes à la 40e législature et ceux qui, jadis, étaient de très bons séparatistes, sont devenus de vilains séparatistes, de méchantes personnes. Ces vilains séparatistes disent maintenant qu'après avoir étudié la mise à jour financière, et pour des raisons qui leur appartiennent, ils estiment qu'un gouvernement de coalition serait en fait mieux en mesure que le gouvernement conservateur de servir les intérêts du Québec et de notre nation.
Il est à la fois intéressant et un peu ironique, mais aussi totalement hypocrite, que, pour une raison quelconque, il y a tout juste un an ou deux, ces séparatistes étaient de bons séparatistes et qu'ils sont aujourd'hui devenus de vilains séparatistes.
Monsieur le Président, vous êtes un passionné d'histoire. Vous savez que le Parti libéral est le parti de Paul Martin, de Jean Chrétien, de Frank McKenna et de John Manley. Nous sommes porteurs d'un riche héritage. Notre partenaire au sein de la coalition est le parti de Roy Romanow et de Tommy Douglas, deux anciens premiers ministres de la Saskatchewan qui, à leur époque, avaient fait preuve de prudence financière.
Il n'y a donc rien d'extraordinaire dans une entente où deux partis, porteurs d'un tel héritage, déclarent: « Nous baignons en pleine gabegie budgétaire et nous sommes au bord du gouffre. Pendant que le premier ministre accorde son violon, Rome est en train de brûler; nous allons faire front commun pour proposer à l'ensemble du pays une façon de sortir de ce fouillis ». La première chose pour y parvenir consistera à faire preuve d'honnêteté, à commencer par les chiffres.
La mise à jour financière prévoit un déficit de 6 milliards de dollars. Le ministre des Finances a déclaré que jamais il ne plongerait le pays dans le déficit. Voilà qu'il parle maintenant de déficit structurel. J'ai entendu un commentateur dire que les déficits, c’est un peut comme les croustilles: il suffit d'en manger une et l'on ne peut plus s'arrêter.
Avant même de nous pencher sur cette mise à jour économique farfelue, nous devons composer avec un déficit de 5,9 milliards de dollars. En deux ans, l'excédent budgétaire s’est volatilisé. C'est difficile à faire et je m'étonne que les conservateurs y soient parvenus. En deux ans, nous sommes passés d'un excédent budgétaire de 13 milliards de dollars à un déficit de 5,9 milliards de dollars, mais les conservateurs ne veulent rien dire à personne.
C'est ensuite qu'interviennent tous les chiffres farfelus. Ces chiffres farfelus viennent après le déficit de 5,9 milliards de dollars et les conservateurs parlent de gestion efficace des dépenses gouvernementales. Il semblerait que, jusqu'à présent, les dépenses gouvernementales n'aient pas été gérées efficacement, mais voilà que les conservateurs ont vu la lumière et qu'ils vont administrer efficacement les dépenses du gouvernement. C'est de la belle formulation et j'admire la créativité des gens du ministère des Finances qui sont, pourrait-on dire, parvenus à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Le problème, c’est qu’on va brader de gros éléments d’actif pour combler le déficit. On va se défaire d’environ 4,3 milliards de dollars d’éléments d’actif.
Monsieur le Président, je sais que vous venez de Haliburton. C’est un beau coin. J’aime bien Haliburton. Cependant, la plupart des habitants de Haliburton n’engageraient pas l’argent devant provenir de la vente de leur maison avant même d’avoir posé l’affiche « À vendre ». C’est fondamental. Aucun principe comptable, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement, ne permet d’inscrire aux livres la vente d’un élément d’actif avant de mettre vraiment une affiche « À vendre » sur cet élément d’actif, ni même d’indiquer la vente de cet actif. En termes simples, cela revient à dépenser le produit de la vente de la maison bien avant d’avoir vendu la maison.
La situation ne serait pas si compliquée si le ministre des Finances admettait simplement qu’il y a un déficit. Pourquoi ne peut-il pas accepter ce qu’a dit le directeur parlementaire du budget: le déficit que nous accusons maintenant résulte des décisions stratégiques du gouvernement conservateur.
Nous vivons dans une économie internationale, mais le directeur parlementaire du budget a dit que nous accusons un déficit qui n’est pas causé par des difficultés dans notre économie locale et dans l’économie internationale, mais que nous éprouvons des difficultés qui font suite aux décisions stratégiques prises par le gouvernement conservateur. Le Parti libéral a maintes fois averti le gouvernement qu’il ne pouvait pas continuer de dépenser sans compter et réduire ainsi sa capacité financière sans qu’il y ait des conséquences. Le résultat direct, comme nous l’avons dit au gouvernement, c’est que ces dépenses aboutissent à un déficit financier. Surprise, surprise! Nous nous retrouvons face à un déficit. Le ministre des Finances refuse de dire la vérité aux Canadiens et voilà le résultat.
L’économie tourne au ralenti et il nous faut des mesures de relance budgétaire. Tous les autres pays adoptent de telles mesures. Les Américains stimulent leur économie à hauteur de 1 859 milliards de dollars, soit 1,8 billion de dollars. C’est beaucoup d’argent. Même la Chine stimule son économie à hauteur de 726 milliards de dollars et le Japon y va de 341 milliards de dollars. Au Canada, la relance financière se chiffre comme suit: -4,3 milliards de dollars.
Le ministre des Finances conservateur prévoit un déficit zéro d’ici à trois ans. La réalité est que nous aurons un déficit nettement plus élevé que cela.
Le Parti libéral du Canada a averti le gouvernement à maintes reprises et nous n’en avons récolté que des moqueries, une imposante campagne publicitaire visant à détruire la réputation du chef du Parti libéral. Mais, ô surprise! Le Parti libéral a raison, le Parti conservateur a tort et c’est tout le pays qui va en pâtir.