Comment pouvons-nous restaurer la foi des Canadiens à l'égard du Parlement? Je crois que l'on peut tout d'abord accomplir un petit, mais important pas dans cette direction en réformant la période de questions.
S'il est une chose que les députés entendent depuis quelques années — ce n'est peut-être pas une question qui domine les débats, mais elle revient constamment pendant les campagnes électorales et entre les élections, dans les écoles publiques —, c'est que bien des gens désapprouvent la manière dont la période de questions se déroule. Je crois donc que le schisme s'élargit entre un corps politique qui est de plus en plus apolitique et un Parlement qui devient de plus en plus partisan.
Mais où est donc le vrai problème avec la période de questions? Je crois que de façon générale, le public et ceux qui suivent les débats du Parlement considèrent que le comportement est atroce et que les débats sont creux et par trop théoriques. Même si tout cela est indéniable, ce n'est qu'un symptôme d'un problème bien plus profond. Je crois que le problème vient du fait que les députés se sont fait enlever le droit de poser des questions au gouvernement; ainsi, la vaste majorité d'entre eux ne participent plus vraiment à la période de questions, se contentant d'un simple rôle de spectateurs.
Permettez-moi de m'arrêter un instant pour faire trois brèves remarques. Tout d'abord, la classe d'élus actuelle n'est pas en cause. Je ne crois pas que les élus actuellement en poste au Parlement soient moins compétents ou talentueux que leurs prédécesseurs. Le comportement qui prévaut à la Chambre ne signifie pas que les députés soient un groupe de citoyens de bas étage. En fait, nombreux sont ceux qui, comme Ned Franks, ont fait remarquer que les élus de notre pays se sont déjà comportés bien plus mal qu'aujourd'hui, particulièrement avant l'installation de caméras de télévision. À mon avis, n'importe quel groupe de 308 Canadiens siégeant dans cette pièce finira par descendre à ce niveau en un délai de six mois. Je crois que fondamentalement, le problème vient de la formule de la période de question, une formule qui régit les comportements.
Je voudrais également traiter de la dégradation du décorum. D'aucun considèrent qu'il en a pris pour son rhume ces dernières années, ce que certains contestent. D'autres, comme M. Ned Franks, de l'Université Queen's, considèrent que le Parlement n'a jamais connu d'époque glorieuse.
Peu importe qui a raison, quelque chose a changé aujourd'hui. La technologie moderne, avec Internet, les iPads et les téléphones intelligents, permet à des procédures que l'on ne voyait pas et qui n'étaient pas télévisées d'être non seulement diffusées directement à la télévision, mais aussi de se retrouver instantanément dans les voitures, les salles de réunion, les salles du conseil, les cuisines et les salles à manger de tout le pays grâce aux nouveaux médias. Les Canadiens voient maintenant ce qui leur échappait auparavant, et ce qu'ils voient ne leur plaît pas.
Sachez enfin que l'on ne veut pas transformer la période de questions en dégustation de thé et de petits biscuits. On ne souhaite pas étouffer l'intensité et la passion des débats à la Chambre pour faire une grande table ronde où l'on se tient tous par la main et s'étreint. On ne veut pas enlever le mordant aux débats, mais simplement corriger certains des aspects les plus dysfonctionnels du processus afin de le rendre plus pertinent.
Ce à quoi je veux en venir aujourd'hui, c'est que s'il y a un point que je considère primordial dans les six propositions que compte la motion, c'est le fait que les députés ont été relégués au rôle de simples spectateurs et ne participent plus à la période de questions.
Il y a une trentaine d'années, la présidente Jeanne Sauvé a déposé des changements empêchant les députés d'intervenir spontanément à la Chambre pour attirer l'attention du président afin de poser une question. Ainsi, à moins qu'un député ne s'inscrive sur la liste du parti et ne fasse examiner ses questions à l'avance, il ne peut poser de question. Le président n'accorde la parole qu'aux députés figurant sur la liste des quatre partis qui lui est remise chaque jour. Par conséquent, la plupart des députés —je dirais 250, 260, 270 sur 308 —sont relégués au rôle de spectateurs, puisqu'ils se retrouvent rarement sur la liste. Plutôt que de porter attention et d'être à l'affût d'occasions d'intervenir, ils agissent comme n'importe quel spectateur le ferait, peu importe l'endroit.
J'aimerais vous faire remarquer que jusque dans les années 1980, les députés avaient le droit —comme le président Jerome l'a fait remarquer, c'est un droit, et non un privilège —d'intervenir en Chambre, d'attirer l'attention du président et de poser des questions au gouvernement, souvent en fonction des commentaires entendus au cours de leur visite dans leur circonscription, le week-end précédent. Mais cette époque est révolue. Je crois que c'est en partie de là que vient le fossé qui sépare de plus en plus la population que nous représentons et les sujets dont nous débattons à la Chambre.
Les listes de parti portent également atteinte à l'autorité et au pouvoir disciplinaire du président. Si un député se comporte mal lors d'une période de questions et figure sur la liste du parti le lendemain, le président ne peut refuser de lui donner la parole. Jusque dans les années 1980, il pouvait, pendant des jours et même des semaines, refuser d'accorder la parole aux députés s'étant rendus coupables d'inconduite. Le député en question finissait par comprendre que s'il voulait représenter ses électeurs, il devait s'amender pour que le président lui accorde la parole.
Je crois que ces listes sont elles aussi responsables en large partie du tumulte qui trouble fréquemment la période de questions.
Ma motion comprend six points à réformer: je ne tiens pas mordicus à chacun d'entre eux. Le Parlement compte 308 députés. C'est aux 12 membres du comité qu'il incombe de décider, dans leur sagesse, quelles réformes ou propositions ils recommanderont. Il reviendra ensuite à la Chambre d'adopter le rapport.
Si je devais choisir l'une de ces six propositions, celle que je juge la plus importante serait la quatrième, qui consiste à attribuer chaque jour la moitié des questions à des députés d’arrière-ban.
Le comité dispose de six mois pour examiner ces propositions et d'autres réformes. Il peut décider de les rejeter, de les modifier, de les adopter ou d'y ajouter d'autres mesures.
Je crois que les propositions de réforme que comprend cette motion sont viables et raisonnables, et j'espère que le comité pourra faire rapport à la Chambre d'ici le 6 avril 2011.
Merci beaucoup.