Merci.
Avant de passer au vote sur l'article 9, j'aimerais en parler, monsieur le président.
C'est un autre point du projet de loi S-7 qui a soulevé une controverse. De nombreux témoins se sont prononcés contre cet article. Des gens qui interviennent en première ligne auprès des victimes nous ont fait part de leurs inquiétudes. Ils craignent que l'article 9 ne marginalise et n'isole davantage les victimes. C'est un risque.
Tout au long de cette étude, tout le monde était d'accord sur l'intention de ce projet de loi, mais l'intention n'est pas suffisante. Il faut examiner les répercussions que chacune des mesures d'un projet de loi peut avoir. Si l'intention réelle est de protéger les femmes et les enfants, alors il faut voter contre cet article et étudier plus en profondeur les répercussions qu'il pourrait avoir, et ce, avant que le projet de loi soit mis en oeuvre.
Je ne dis pas que je suis contre la criminalisation. Bien sûr, quand un crime ou un acte inacceptable comme le mariage forcé est commis, il faut qu'une peine soit imposée et qu'il y ait une punition. Il faut démontrer qu'un tel acte est inacceptable.
En ce qui concerne le mariage forcé, il est évident qu'un des plus grands problèmes de ce phénomène est le secret qui l'entoure. Très peu de victimes font une dénonciation et passent par le système judiciaire. Que pourrait-on mettre en place pour s'assurer que les victimes seront protégées et obtiendront gain de cause devant les tribunaux? Ce n'est pas l'effet qu'aura l'article 9 tel que libellé.
S'il s'agissait d'un article n'ayant pas un grand effet, je ne m'y opposerais pas. Plusieurs témoins ont dit que le Code criminel contient déjà tout ce qu'il faut pour incarcérer les personnes ayant commis une infraction liée au mariage forcé. Cependant, non seulement l'article 9 n'est-il pas sans conséquences, mais il pourrait fort probablement marginaliser davantage les victimes. Il faut qu'on se pose des questions. Il y a matière à rediscuter de cela plus en profondeur.
Nous avons entendu un témoin du Royaume-Uni qui a expérimenté ce genre de mesures et de lois qui avaient été mises en oeuvre il y a quelques années. Elle nous a dit que, non seulement ces mesures n'avaient pas eu d'incidence sur le niveau de dénonciation ou sur le processus de criminalisation des gens ayant commis une infraction liée au mariage forcé, mais qu'en plus, il y avait eu une diminution du nombre de personnes qui dénoncent un mariage forcé. Une disposition comme l'article 9 pourrait mener à une diminution des dénonciations.
Plus important encore, d'autres pays ont des mesures différentes de celles prévues à l'article 9. Les victimes de ces autres pays ont le choix entre une voie civile et une voie criminelle. Le fait de leur donner ce pouvoir leur donne davantage confiance pour faire une dénonciation. Le but n'est pas nécessairement d'incarcérer la famille et les amis, mais bien de protéger la victime. Il faut toujours garder cela à l'esprit quand on étudie un projet de loi comme celui-ci. Ce n'est pas l'intention qui compte, mais l'incidence potentielle sur les victimes. Cet article permettra-t-il de lutter contre les mariages forcés? Peut-être, mais cela nuira fort probablement aux victimes. J'espère que le gouvernement a entendu tous ces témoignages, qu'il est prêt à remettre ce débat à plus tard et à faire une consultation et une étude plus en profondeur.
Un tel projet de loi ne doit pas viser simplement à plaire à une base électorale. Le but n'est pas de démontrer qu'on est inquiets et qu'on fait quelque chose à cet égard. Il faut le faire avec sérieux, ce qui n'a pas été le cas ici. Les seules études et consultations ont eu lieu en comité sénatorial et ici. Les experts nous ont fait part de leurs inquiétudes. Si l'on veut que cette consultation ait une valeur, il faut écouter ces experts et faire d'autres études plus en profondeur avant d'aller de l'avant avec ce projet de loi.
J'espère que le message a été compris et que cette étude servira à quelque chose. Si cette étude ne devait servir qu'à une seule chose, cela devrait être qu'on se soit assuré que ce projet de loi ne nuira pas davantage aux victimes. Je suis certaine que ce n'est pas l'objectif du gouvernement. Je suis convaincue que les gens du parti gouvernemental ne veulent pas marginaliser, stigmatiser ou rendre les victimes davantage vulnérables.
Ce n'est pas ce que je suis en train de dire, mais j'espère qu'ils ont entendu et qu'ils ont pris au sérieux les préoccupations qui nous ont été signalées. C'est peut-être la bonne mesure, mais peut-être pas et peut-être qu'elle va nuire. Donc, si nous avons seulement l'ombre d'un doute qu'une telle mesure peut nuire, il faut l'étudier plus en profondeur.