Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je m'appelle Yvan Lebel, je suis le président du Conseil scolaire fransaskois de la Saskatchewan. M. Bernard Roy, qui est le directeur de l'éducation, m'accompagne.
Permettez-moi d'abord de vous remercier de cette invitation et aussi de l'occasion de vous faire connaître la communauté scolaire fransaskoise de la Saskatchewan et ses défis.
Le but de cette présentation est de sensibiliser les membres de ce comité au besoin et à la nécessité d'un appui du gouvernement canadien, tant pour assurer le respect de la loi constitutionnelle de notre pays que pour fournir à la communauté fransaskoise des moyens pour l'aider à soutenir son développement et son épanouissement.
La situation que nous décrivons dans le mémoire démontre que nos droits sont altérés et que les moyens dont dispose le Conseil scolaire fransaskois, le CSF, demeurent encore déficients et ne lui permettent pas d'assumer ses responsabilités en vertu de la Loi sur l'éducation — en français en Saskatchewan — de 1995, et ainsi que conféré par la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés.
Le CSF s'est vu confier la responsabilité de la mise en oeuvre d'un système scolaire en français langue première en Saskatchewan de qualité équivalente à celle des écoles de la majorité. Également, le conseil répond non seulement au volet éducatif de son mandat, mais aussi, selon l'article 23 de la Charte, au volet culturel communautaire et au volet identitaire de nos élèves, contribuant ainsi à l'épanouissement et à la vitalité francophone de la province.
En Saskatchewan, au début du siècle dernier, on dénombrait 80 communautés francophones où l'enseignement se faisait en français. En 1918, des lois répressives viennent limiter l'enseignement en français à une heure par jour. Pire encore, en 1931, il devient illégal d'enseigner le français en Saskatchewan. Ce n'est que vers 1967 que le gouvernement de la Saskatchewan permet à nouveau un certain pourcentage d'enseignement en français dans les conseils scolaires anglophones. Le 15 avril 1982, suite à l'entrée en vigueur de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, un regroupement de parents d'ayants droit revendique auprès du gouvernement de la Saskatchewan une commission scolaire francophone gérée par les parents. Le gouvernement refuse et un recours judiciaire est donc déposé en 1986. Un jugement favorable est rendu en février 1988, mais ce n'est que sept ans plus tard, soit en 1995, que le gouvernement autorise la gestion scolaire par et pour les parents francophones, et adopte la Loi sur l'éducation de 1995. Le 9 novembre 1998, le CSF est établi. Il aura donc fallu près de 15 ans après l'adoption de la Charte pour qu'on puisse obtenir ce minimum de reconnaissance de nos droits linguistiques. Aujourd'hui, il ne reste qu'une douzaine de communautés francophones actives sur les 80 du début du siècle. Sur le plan géographique, le CSF doit répondre au défi d'une grande dispersion des communautés francophones partout en province.
J'espère que nous pourrons revenir sur l'aspect de la réparation des torts du passé lors de la période de questions.
En matière d'effectifs scolaires, les inscriptions de la maternelle à la 12e année ont presque doublé depuis 1998 pour atteindre 1 565 élèves au 30 septembre dernier. Le nombre d'écoles est passé de huit écoles à 16 écoles aujourd'hui. Nous estimons que ce nombre pourrait quadrupler si nous avions des facilités et des ressources adéquates comparables à celles de la majorité.
Les centres de la petite enfance, les prématernelles et les maternelles à temps plein sont des outils indispensables pour le recrutement et le développement des capacités linguistiques des enfants ainsi que pour leur cheminement identitaire en tant que francophones. Présentement dans nos centres de la petite enfance, il y a une liste d'attente de 250 enfants.
En ce qui a trait au sous-financement du système scolaire francophone de la Saskatchewan, nous vous présentons dans notre mémoire des exemples démontrant que, depuis la création du CSF, le financement accordé à ce dernier ne répond pas aux besoins de la clientèle actuelle ou de la clientèle latente, et que les effets sont cumulatifs. Les barèmes de financement ne considèrent pas les coûts réels des services que nous devons fournir pour assumer pleinement notre responsabilité.
Malgré un facteur francophone introduit en 2002, de nombreux recours judiciaires — oui, monsieur le président, nous sommes encore devant les tribunaux! — et une promesse d'une formule de financement maintes fois reportée, qui est maintenant prévue pour 2012, tous ces moyens ne répondent toujours pas aux besoins de notre système scolaire. Malheureusement, il semble que le recours judiciaire soit encore trop souvent requis pour la défense de nos droits. Or cela coûte vraiment très cher au conseil et aux francophones. Cette énergie pourrait être investie ailleurs, ce qui serait à l'avantage de nos enfants.
Vous donner tous les détails de la liste de services sous-financés ou sans aucun financement serait trop long. Vous trouverez dans notre mémoire une énumération et quelques exemples des principaux domaines qui justifient nos revendications. Nous pouvons quand même vous dire que selon notre évaluation, il nous manque toujours environ 13 millions de dollars pour combler le manque à gagner et répondre aux besoins de notre système scolaire, que ce soit en matière de transport scolaire, de services spécialisés, d'équipement technologique, de capacité de formation ou dans d'autres domaines. La formule de financement est déficiente et découle des besoins de la majorité. Il faut aussi comprendre notre situation de dispersion et d'isolement, le fait qu'il nous est impossible de générer des économies d'échelle, et beaucoup plus encore.
Nous avons soumis 10 recommandations dans notre mémoire. Je vais vous les résumer en disant simplement qu'il est impératif d'obtenir une plus grande implication de la part du gouvernement fédéral pour le soutien des responsabilités des conseils scolaires francophones oeuvrant en situation minoritaire. Que ce soit en petite enfance, en services spécialisés ou dans tout autre domaine, la situation requiert des moyens accrus. Il est nécessaire que l'on porte aussi une attention particulière à la mise en oeuvre de mesures compensatoires pour la réparation des torts subis dans le passé.
En conclusion, depuis la reconnaissance constitutionnelle du droit à l'instruction dans la langue de la minorité et la création de notre Conseil scolaire fransaskois, des progrès importants ont été réalisés. Il faut nous permettre de continuer à bâtir sur ces progrès afin que nous puissions assumer pleinement ce droit.
Sera-t-il possible un jour de compenser les énormes pertes subies dans le passé?
L'abolition récente de la Direction de l'éducation française au ministère de l'Éducation de la Saskatchewan n'est certes pas l'exemple le plus positif et encourageant. Tous reconnaissent la responsabilité exclusive des gouvernements provinciaux dans le domaine de l'éducation. Par contre, nous devons aussi reconnaître la particularité de l'éducation dans la langue de la minorité, qui est protégée par nos droits constitutionnels, et, par extension, le rôle du gouvernement du Canada relativement à la protection des minorités de langue officielle. Les enjeux sont différents et les moyens doivent au moins être équivalents à ceux de la majorité. Ils doivent s'adapter aux réalités de la minorité.
Par ailleurs, il est impératif — et cela va au-delà de la responsabilité exclusive des provinces — que le gouvernement fédéral s’assure que des conditions favorables sont créées et que les outils nécessaires sont disponibles pour assurer le plein épanouissement de ces communautés linguistiques de langue officielle vivant en situation minoritaire.
Merci de votre écoute. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.