Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de pouvoir proposer l'amendement 4-G visant l'article 15 du projet de loi C-36.
Monsieur le président, après mûre réflexion, je pense que ce que nous avons entendu de la part de la majorité des témoins de la semaine passée, c'est que le projet de loi C-36 est un changement de paradigme dans la façon dont le Canada envisage et traite la prostitution.
Nous avons entendu des histoires d'horreur qui n'auraient jamais dû se dérouler dans notre pays. Je pense à Bridget Perrier, Timea Nagy et Katarina MacLeod, et à toutes les autres qui sont venues nous raconter leurs histoires terribles — des événements qui se sont étalés sur des années et des années. Timea Nagy nous a dit à quel point elle espérait que quelqu'un la sauve.
Il y a des victimes, et je suis convaincu que bon nombre des femmes et des jeunes hommes qui sont pris dans ce milieu sont des victimes. Je dirais que c'est la majorité d'entre eux. Nous avons en tout cas entendu des histoires importantes. Mais même si c'est une minorité, plutôt que la majorité, nous ne pouvons rester sans rien faire, monsieur le président.
La Cour suprême nous a dit qu'à titre de députés au Parlement, nous avons le droit de faire quelque chose. C'est au Parlement qu'il importe de penser à une nouvelle démarche, et c'est pour le faire que nous sommes ici aujourd'hui. En criminalisant pour la première fois dans l'histoire du Canada l'achat de services sexuels, la marchandisation des corps des pauvres personnes piégées dans ce commerce, nous nous attaquons enfin à cette vilaine situation qui dure depuis trop longtemps au Canada.
Je ne doute pas que des personnes choisissent ce métier. Je ne doute pas que certaines de ces personnes ont tout le pouvoir nécessaire pour assurer leur propre sécurité, dans leurs relations avec le client. D'après moi, ces personnes auront maintenant la possibilité de le faire en toute sécurité, ce qui répond directement à l'arrêt Bedford.
Mais s'il y a quelque part une Bridget Perrier, il faut que nous fassions quelque chose. Dans l'article 15, nous ne parlons que d'une infime partie de notre vaste pays, le deuxième plus grand pays du monde, en superficie, et l'un des moins densément peuplés du monde. Nous disons aux personnes qui décident de travailler dans la rue parce qu'elles ne souhaitent pas être à l'intérieur, là où elles seraient en sécurité, de laisser leur espace aux enfants.
Nous avons entendu plusieurs experts techniques nous dire que les dispositions sont vagues et qu'il y a risque d'erreur d'interprétation, selon le libellé actuel. Nous avons écouté ces experts, monsieur le président. Même si une personne pour qui j'ai le plus grand respect, le sous-ministre adjoint de la Justice, un spécialiste en droit pénal, est venu nous dire que la distinction relative aux endroits où l'on peut s'attendre à trouver des personnes de moins de 18 ans est relativement étroite et bien comprise en droit, nous avons pris des mesures en vue de lever toute ambiguïté en réponse à ceux qui disaient que c'était vague.
Ce que nous disons aujourd'hui, c'est qu'il y a des endroits au Canada qui sont sacro-saints, et je ne voudrais pas faire de toute femme prise dans ce vilain métier une victime. Nous leur disons — et nous les en avertissons amplement — de se tenir à distance des terrains de jeu, des cours d'école et des garderies. Si vous y allez, nous allons demander aux forces de l'ordre de vous enlever de là. C'est une demande toute simple. Ce n'est pas difficile à comprendre, d'après moi.
Mes amis de l'autre côté soutiennent que les seules personnes que nous avons entendues qui ont besoin de ce pouvoir sont les représentants de la police. Et bien, vous savez, ils représentent 50 % de l'équation dans ce cas-ci. Lorsque nous aurons terminé notre travail ici et que le projet de loi sera adopté, nous retournerons tous à la maison, et nous demanderons ensuite aux responsables de l'application de la loi au Canada de mettre en oeuvre cette loi. Ils ont besoin d'outils pour accomplir leur travail. Nous les avons entendus: ils n'ont aucunement l'intention de cibler les victimes. Ils souhaitent plutôt les aider, et parfois, ces victimes doivent être retirées d'une situation dangereuse.
Je suis désolé d'avoir appris tout cela, et de savoir que lorsq'un proxénète violent et abusif force une femme à se prostituer, il ne se tient pas à ses côtés dans la rue, car cela éloignerait les clients. Il se tient tout près. Il est dans les environs, et il la surveille. Si la prostituée parle à un policier de son plein gré, elle sera battue plus tard, car cela éloigne les clients, et ce n'est pas bon pour les affaires.
Dans ces circonstances, les policiers ont besoin de tous les outils qu'on peut leur procurer pour isoler cette personne et l'amener avec eux. Parfois, il sera évident pour le policier que la personne a été blessée, qu'elle est sous l'effet de la drogue ou de l'alcool, et qu'elle ne fait pas de bons choix. Si le policier lui dit seulement qu'il veut l'aider et qu'elle devrait collaborer, le proxénète la battra plus tard. Ce dernier lui infligera des blessures terribles et continuera de la forcer à se livrer à la prostitution. Toutefois, les outils que nous offrons aux policiers dans l'article 15, dans le nouvel article 213, permettront aux agents de la paix d'isoler la prostituée, de l'amener dans un endroit sécuritaire, et de la présenter aux gens qui peuvent l'aider.
On essaie vraiment de compter le nombre d'anges qui peuvent danser sur la tête d'une épingle. Pour l'amour du ciel, nous parlons seulement des terrains d'écoles, des terrains de jeux, des garderies... Et mes collègues de l'autre côté ne veulent même pas accepter cela, car ils se contenteraient de laisser les prostituées se promener sur les terrains de jeux en plein après-midi pour chercher des clients.
J'ai des nouvelles pour eux. À mon avis, les clients ne se trouveront pas dans ces endroits. L'idée selon laquelle les clients seront repoussés dans l'ombre... Selon moi, monsieur le président, les clients sont toujours dans l'ombre, car ils ne veulent pas que leur famille, leurs amis, leurs collègues ou leurs voisins voient ce qu'ils font. Peu importe ce que nous faisons aujourd'hui, nous n'encouragerons pas les acheteurs de services sexuels à se rendre sur la rue Wellington cet après-midi, ou sur la rue Yonge à Toronto, ou sur la rue Robson à Vancouver. Ils ne le feront pas; ils se tiennent déjà dans l'ombre.
Ce que nous devons dire aux travailleuses du sexe, c'est qu'elles doivent exercer leurs activités de manière sécuritaire, c'est-à-dire qu'elles doivent cesser de se tenir dans les rues, et faire un choix. Si vous pouvez librement faire un choix — et nous entendons dire qu'elles sont libres de faire un choix, mais tout le monde nous dit que travailler dans la rue est la chose la plus dangereuse qu'on puisse faire —, s'il vous plaît, choisissez de travailler de manière sécuritaire. Nous vous offrons ce pouvoir. Les policiers ne vous harcèleront pas dans votre propre appartement ou lorsque vous faites de la publicité pour vos propres services, car cette disposition vise à fournir aux enfants innocents du Canada un endroit où ils peuvent être des enfants, où ils n'ont pas à être témoins de la négociation de transactions sexuelles à quelques pas de leur balançoire.
Nous tentons de préciser les choses, et nous tentons de répondre à ceux qui ont exprimé leurs préoccupations à l'égard de la façon dont les tribunaux pourraient interpréter cette disposition. À mon avis, l'amendement dont nous sommes saisis accomplira cela, car il facilitera le travail d'interprétation des tribunaux, ce qui leur permettra de fournir aux policiers les outils nécessaires pour secourir les victimes qui en ont besoin.
Pour ces raisons, nous appuierons l'amendement.