Merci, madame la présidente.
C'est un plaisir pour moi de comparaître aujourd'hui au sujet du projet de loi C-24.
Permettez-moi de commencer par me faire l'écho du consensus au sujet de la nécessité de mettre à jour la Loi sur la citoyenneté et de remercier le gouvernement d'avoir pris l'initiative à cet égard.
Nous avons bien hâte de voir les immigrants bénéficier des droits et responsabilités de la citoyenneté canadienne rapidement, efficacement et avec une plus grande intégrité, et cela, dans un cadre juridique réformé.
La citoyenneté canadienne est l'un des biens les plus précieux et les plus respectés au monde, mais c'est loin d'être uniquement un statut prestigieux. Ici, la citoyenneté est un ensemble équilibré de droits et de responsabilités qui reposent sur un éventail de valeurs fondamentales et visant à garantir la dignité, la liberté et l'égalité pour tous.
L'histoire du Canada est largement une histoire d'immigrants, une réalité que les communautés juives de partout au Canada connaissent bien.
En dépit de la sombre période de la politique canadienne qui disait « aucun, c'est encore trop » pour les immigrés et des réfugiés juifs, nous avons pu venir ici, des quatre coins du monde, au cours des 200 et quelques dernières années, et contribuer de manière positive à l'histoire canadienne, à l'instar de nombreux autres groupes avec lesquels nous apprécions l'extraordinaire chance et le privilège que nous avons d'être Canadiens.
Au Canada, les immigrants sont une source de vitalité culturelle et une force économique. Bon nombre de ceux qui choisissent de venir au Canada adoptent nos valeurs, car ils connaissent la dure réalité de vivre sans ces valeurs.
Les immigrants sont parmi les plus fiers patriotes et bâtisseurs de ce pays. En fait, la modernisation de la Loi sur la citoyenneté profitera à tous.
La vaste majorité des citoyens canadiens apprécient le cadeau qu'ils ont reçu, mais il y en a malheureusement qui rejettent nos valeurs fondamentales et qui abusent de la confiance qui sous-tend notre contrat social. Nous saluons les mesures préconisées par le projet de loiC-24visant à promouvoir le rapprochement avec le Canada et l'adhésion aux valeurs canadiennes fondamentales.
Nous accueillons favorablement l'introduction de critères plus rigoureux en matière de résidence, notamment la présence effective pour obtenir la citoyenneté.
Cela, avec les exigences linguistiques et de savoir, facilitera l'intégration des immigrants et diminuera leur possible marginalisation.
En outre, cela fera beaucoup pour prévenir l'importation de points de vue antisémites qui, même s'ils sont marginaux au Canada, sont encore endémiques dans certaines régions du monde.
Nous appuyons également les mesures proposées pour veiller à ce que les demandeurs de citoyenneté canadienne aient réellement l'intention de conserver des liens significatifs avec le Canada, après avoir prêté serment. Les dispositions concernant l'« intention de résider » jouent un rôle important à cet égard et pourraient avoir pour effet de diminuer considérablement le nombre de citoyens de convenance. Il y a le problème des personnes qui profitent de la citoyenneté canadienne, qui tirent parti de la générosité canadienne, mais qui n'ont absolument aucun lien réel avec ce pays, ni ne font rien pour lui. Leur citoyenneté est purement une question de convenance et elles n'ont pas réellement l'intention de résider au Canada.
Cela étant dit, nous reconnaissons que cette disposition risque de faire l'objet d'abus. Il ne semble pas y avoir de protection qui empêcherait un ministre d'entamer des procédures de révocation contre une personne ayant déclaré son intention de résider au Canada, mais qui serait partie à l'étranger pour étudier, travailler ou s'occuper d'un parent malade. Même s'il est peu probable que le ministre le fasse, cela demeure une possibilité.
À notre avis, on pourrait résoudre le problème d'abus éventuel en exigeant du ministre qu'il obtienne une déclaration du tribunal dans les cas de fausse déclaration sur l'intention de résider, comme on l'exige dans d'autres cas de fraude. En plus de l'intention de résider, le projet de loi permettra de simplifier le processus de révocation de la citoyenneté de ceux qui ont obtenu leur citoyenneté canadienne en ayant fait de fausses déclarations sur leur participation à des violations des droits de la personne ou des droits internationaux.
Étant donné qu'il a été très laborieux d'essayer de renvoyer les criminels de guerre nazis du Canada, renvois pour lesquels le Congrès juif canadien, une des organisations qui nous a précédés, s'est battu pendant si longtemps, il s'agit d'une mesure dont la communauté juive se réjouit tout particulièrement. Avec les changements proposés, le Conseil des ministres ne pourra plus renverser la décision du tribunal de renvoyer quelqu'un qui aura menti sur sa participation à de tels actes haineux, ce qui s'est d'ailleurs produit avec les criminels de guerre nazis. Le processus en sera renforcé pour veiller à ce que les criminels en question puissent être renvoyés du Canada dans des délais raisonnables.
Lors d'une réunion précédente de ce comité, quelqu'un a affirmé que, plutôt que de protéger davantage les Canadiens juifs, comme je l'ai laissé entendre, ce projet de loi allait en fait les rendre particulièrement vulnérables au risque de voir leur citoyenneté révoquée en raison de la Loi sur le retour d'Israël. Cela n'est pas le cas.
Aux termes de la Convention de l'ONU de 1954 relative au statut des apatrides, un apatride est toute personne qu'aucun État ne considère comme ressortissant par application de sa législation. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a précisé que la convention ne demandait pas si une personne devait ou pouvait être ressortissante d'un État particulier d'après sa législation, mais plutôt si la personne était ressortissante d'un autre État. Israël ne considère pas les Juifs du Canada comme étant des ressortissants de l'État et visés par la Loi sur le retour; ils ont plutôt le droit de se faire naturaliser et de devenir des citoyens israéliens, par le biais d'un processus d'immigration volontaire assujetti à certaines restrictions.
Pour qu'un Juif canadien soit considéré comme citoyen israélien, il doit d'abord demeurer en Israël et être certifié en tant que nouvel immigrant.
La possibilité de devenir citoyen israélien n’équivaut pas à la double nationalité pour les juifs canadiens, selon la Convention de l’ONU sur le statut des apatrides ou selon le projet de loiC-24. Si le ministre demandait la révocation de la citoyenneté d’un Canadien d’origine juive, la personne menacée de révocation n’aurait qu’à prouver qu’elle n’est pas citoyenne d’un autre État – qu’il s’agisse d’Israël, du Royaume-Uni ou d’ailleurs – pour éviter la révocation, en raison des obligations internationales du Canada concernant l’apatridie. La situation est la même pour les juifs et tous les autres citoyens canadiens. Tant que les Canadiens d’origine juive n’ont pas la double citoyenneté et qu’ils ne commettent aucune infraction désignée, le ministre ne pourra pas révoquer leur citoyenneté.
Le projet de loi prévoit un recours pour révoquer la citoyenneté des Canadiens ayant la double citoyenneté et qui commettent certaines infractions, notamment des actes de trahison ou d’espionnage,ou qui prennent les armes contre les Forces canadiennes. Ces infractions sont essentiellement des actions contre l’institution de la citoyenneté et contre l’État lui-même. La révocation de la citoyenneté est une conséquence raisonnable de ces actions et il est surprenant que le Canada soit une des seules démocraties occidentales qui ne puisse pas révoquer la citoyenneté de ressortissants ayant la double nationalité dans de pareils cas.
Il existe d’autres crimes politiques qui sont de nature tellement haineuse qu’ils s’attaquent aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose la citoyenneté canadienne. Les actes de terrorisme sont un exemple où le retrait de la citoyenneté est une conséquence raisonnable. Nous nous réjouissons de voir cela inscrit dans le cadre du projet de loi.
Bien que nous appuyions le principe de la révocation de la citoyenneté comme conséquence du terrorisme, nous soulignons que cette disposition pourrait être mieux appliquée.
Nous prenons au mot leministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et ses collaborateurs lorsqu’ils disent que les Canadiens possédant la double citoyenneté et condamnés à l’étranger pour terrorisme seront assujettis à une évaluation en deux temps pour déterminer si l’infraction de terrorisme commise à l’étranger est équivalente à une infraction de terrorisme aux termes du Code criminel, ici, au Canada, et pour s’assurer que le processus judiciaire de condamnation est juste, transparent et indépendant. Cette évaluation en deux étapes est cruciale et pourtant la seconde ne semble pas être explicitement prévue par le projet de loi, comme exigence préalable à toute révocation.
Par conséquent, il semble qu’un futur ministre pourrait fort bien renoncer à la seconde étape de ce processus primordial. Cela pourrait avoir comme conséquence imprévue de retirer la citoyenneté à des Canadiens possédant la double nationalité sur la base de fausses accusations, de chefs d’accusation fondés sur des motifs politiques et une procédure judiciaire devant un tribunal fantoche. Ainsi, nous estimons que le projet de loi devrait être modifié pour inscrire explicitement le recours à des normes équivalentes en matière de preuve et à un processus en bonne et due forme, dans le cas de condamnations à l’étranger, pour faire en sorte que le ministre puisse s’en servir comme motifs pour révoquer la citoyenneté des personnes concernées.
En outre, nous suggérons que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides soient également ajoutés à la liste des motifs de révocation de la citoyenneté. Comme avec le terrorisme, il s’agit de crimes politiques d’une nature tellement haineuse qu’ils s’attaquent aux valeurs fondamentales sur lesquelles la citoyenneté canadienne est basée.
Le principe qui s'applique au terrorisme s'applique aussi à ces cas.
De plus, tout comme un terroriste qui peut se servir de la citoyenneté canadienne pour jouir d’une plus grande mobilité en vue de perpétrer ses attaques et échapper à la justice, on devrait également priver les auteurs de ces crimes de l’utilité de la citoyenneté canadienne. Nous trouvons aberrant que l’on puisse révoquer la citoyenneté aux Canadiens disposant de la double nationalité qui ont menti sur leur participation à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des génocides, avant de devenir citoyens, mais qu’on ne puisse pas le faire pour les personnes ayant commis ces actes en brandissant le passeport canadien. La communauté juive a trop souvent été victime de tragiques attentats terroristes, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
Je vous remercie de l'attention portée à notre perspective sur ces enjeux importants.