Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du comité de me donner de nouveau l’occasion de leur faire un exposé.
Pour ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas, je m’appelle Travis Toews. Ma famille et moi exploitons un ranch près de Beaver Lodge, en Alberta, et je suis le président de la Canadian Cattlemen's Association en ce moment. Je suis accompagné aujourd’hui de Ryder Lee, le directeur des Relations fédérales-provinciales de la CCA qui est posté ici, à Ottawa.
Dans l’énoncé de politiques de la Canadian Cattlemen's Association, on retrouve des principes ayant trait à la participation du gouvernement dans le secteur de l’élevage bovin. Voici ce que dit le préambule:
La CCA croit que la vision partagée de l’industrie et du gouvernement doit consister à créer un milieu ouvert qui permet aux entreprises de réaliser leur plein potentiel dans un marché libre et concurrentiel. Nous reconnaissons que, dans un marché concurrentiel, toutes les exploitations ne survivront pas et que la taille de l’industrie variera en fonction des conditions du marché.
En ce qui concerne la gestion des risques opérationnels, la politique indique ce qui suit:
L’appui gouvernemental accordé à l’industrie doit être offert dans le cadre de programmes nationaux qui réduisent au minimum les risques de répercussions négatives sur le commerce international et interprovincial, la distorsion des forces du marché et l’influence exercée sur les décisions opérationnelles. Les programmes ne doivent pas perturber l’équilibre concurrentiel qui existe entre les secteurs ou les régions agricoles.
Ces extraits de la politique de la CCA servent de base à ce que je vais dire aujourd’hui. Ces paroles je les ai déjà prononcées à cette table dans le passé.
Il y a également un autre principe qui mérite d’être pris en considération lorsqu’on discute de la gestion des risques. Je crois fermement que les programmes de gestion des risques administrés par le gouvernement ne devraient pas récompenser l’instabilité ou dissuader les producteurs de faire ce qu’ils peuvent pour gérer leurs propres risques opérationnels.
Dans l’industrie de l’élevage bovin, les producteurs gèrent les risques en constituant des stocks de fourrage, en diversifiant leurs activités, en adaptant de manière responsable la taille de leur troupeau à la superficie de leur terrain et en gérant leur production de manière à satisfaire aux exigences annuelles en matière de flux de trésorerie. Les programmes de protection des revenus globaux des exploitations agricoles du genre d’Agri-Stabilité sont fondés sur la marge de production. Lorsqu’on les applique pour assurer la stabilité plutôt que dans les cas de désastres, ils ont tendance à récompenser l’instabilité et, dans certains cas, à dissuader les producteurs d’adopter des pratiques de gestion des risques. Les risques opérationnels quotidiens, souvent définis comme les premiers 30 p. 100 de la marge de production, devraient être gérés par les producteurs. Ces derniers devraient être encouragés à utiliser tous les outils dont ils disposent pour gérer leurs risques opérationnels normaux, notamment des programmes d’assurance, la diversification, une bonne gestion de leur production et des stratégies de protection du revenu.
Pendant que nous examinons les outils dont les producteurs canadiens de bovins disposent pour gérer les prix, il est à noter qu’une assurance-prix leur serait très utile.
Je suis heureux de comparaître devant votre comité à un moment où des prix presque record sont enregistrés pour toutes les catégories de bovins. Partout au pays, les membres du secteur de l’élevage bovin manifestent un optimisme que je n’ai pas observé depuis 2002. Toutefois, ces prix élevés s’accompagnent d’une augmentation du coût des intrants et d’un risque accru que le marché se replie.
Le programme Agri-stabilité offre une certaine protection contre ce risque, mais à l’échelle de l’exploitation agricole et accompagnée de tous les problèmes de transparence, de prévisibilité et d’opportunité que le programme comporte. Nous soutenons qu’un modèle fondé sur un programme d’assurance serait opportun et prévisible.
Au cours des deux ou trois dernières années, l’Alberta a entrepris d’élaborer et de mettre en oeuvre un programme fondé sur une assurance-prix à l’intention des producteurs de bovins allant des veaux de naissage aux bovins gras. Grâce à ce programme, si les producteurs décident qu’ils aimeraient se protéger contre un éventuel repli du marché, ils disposent d’un moyen pratique de s’assurer contre ce risque.
Comme vous le savez, il existe aujourd’hui des méthodes pour se protéger contre une partie du risque de prix. Toutefois, la complexité de ces méthodes et, dans certains cas, leur manque de corrélation complète avec le marché canadien ont entraîné une faible participation de la part des producteurs et une participation extrêmement rare de la part des petites et moyennes exploitations.
Le modèle fondé sur une assurance-prix pour le secteur du bétail est unique en ce sens que cet outil gère à lui seul les risques futurs, le risque de corrélation et le risque de change. Si les producteurs paient un supplément, l’assurance peut en fait leur garantir un prix plancher fondé sur les prix futurs attendus. Étant donné que l’assurance repose seulement sur les prix futurs attendus, elle n’altère pas le marché.
Dans la conjoncture actuelle, les producteurs sont certains de se heurter à la volatilité du marché. Un programme fondé sur une assurance-prix pour le secteur du bétail serait un outil précieux pour les producteurs qui gèrent leur exploitation dans ce climat volatile.
Malheureusement, on ne peut souscrire à ce genre de protection contre le risque de change, de corrélation et de prix qu’en Alberta. Nous sommes encouragés par le fait que le gouvernement fédéral appuie un appel d’offres récemment lancé par Agriculture Manitoba et examine la possibilité d’offrir ce programme dans les quatre provinces de l’Ouest. La CCA est d’avis que ce genre de programme devrait être offert à l’échelle nationale et que le coût de ses cotisations devrait être partagé. Nous aimerions que, dans le cadre de Cultivons l’avenir 2, le programme soit étendu à l’ensemble du Canada.
Pour rester sur le thème des grandes politiques et principes, j'aimerais discuter de l'assurance-récolte et de ses effets de distorsion sur l'aménagement du territoire. Dans toutes les provinces, il y a une assurance pour les récoltes annuelles à laquelle adhèrent de nombreux agriculteurs. Ce mécanisme leur permet de gérer et d'écarter certains des risques liés au climat. Les primes sont payées par le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les producteurs qui souscrivent à l'assurance.
Ce n'est pas entièrement la faute des gouvernements s'il n'y a pas de programme efficace pour les cultures vivaces. Il est toutefois vrai que dans la plupart des régions du pays, il n'y a que très peu, voire aucune, assurance-fourrages et assurance-pâturages. Ce déséquilibre a pour effet d'encourager les cultures annuelles plutôt que vivaces sur les terres marginales. La possibilité de pallier aux pertes grâce à une prime subventionnée fait que, dans bien des cas, il est plus logique, au plan économique, d'avoir des cultures annuelles.
La CCA collabore avec le groupe de travail fédéral-provincial sur l'assurance relative aux cultures fourragères afin de mettre au point un produit qui permettra de remédier à cette injustice. Il faut en effet déployer tous les efforts nécessaires pour mettre sur pied et mettre en oeuvre un tel produit d'assurance qui supprimera l'effet de distorsion lié à la décision d'exploiter des cultures annuelles ou fourragères.
Nous avons des recommandations particulières pour améliorer le programme Agri-stabilité. Dans les années difficiles que l'industrie du bétail a connues, essentiellement par rapport à l'accès au marché restreint par l'ESB, le programme n'a pas toujours permis d'offrir un filet de sécurité adéquat. Les marges de référence ont baissé et, dans certains cas, des marges négatives ont empêché les producteurs de se prévaloir du programme; dans d'autres, des plafonds en ont limité l'utilisation pour les grandes exploitations. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'exploitations viables prises dans la tourmente économique.
Pour ce qui est du programme Agri-stabilité, nous recommandons particulièrement d'enlever le test de viabilité, de faire passer de 60 à 70 p. 100 la couverture pour marges négatives, d'offrir aux producteurs l'option de la moyenne olympique la plus avantageuse, ou la moyenne des trois dernières années pour le calcul des marges de référence et, enfin, de supprimer les plafonds.
J'aimerais élaborer brièvement sur l'une de ces recommandations concernant les plafonds. Je crois fermement qu'on ne devrait pas, aux termes des programmes gouvernementaux, faire de la discrimination contre certaines structures commerciales, et notamment par rapport à la taille de l'exploitation. Si nous voulons assurer la compétitivité d'une industrie sur la scène mondiale, nous devons laisser les marchés orienter les décisions à prendre quant à la structure commerciale optimale et non créer des règles du jeu inégales.
Par rapport aux plafonds, nous avons le même problème dans les programmes Agri-stabilité et Agri-investissement et, en fait, dans tous les autres programmes. Les plafonds sont discriminatoires à l'égard des grandes exploitations. Dans la majorité des cas, ces exploitations ont grandi grâce aux pratiques concurrentielles. Ces grandes exploitations contribuent de façon significative aux débouchés d'emploi dans les collectivités et à la prospérité des régions rurales. La CCA suppose que les programmes de gestion des risques de l'entreprise de Cultivons l'avenir sont conçus pour aider les exploitations agricoles à gérer les risques, quelle que soit leur taille. Dans cette optique, il faudrait supprimer les plafonds de façon à ce que toutes les exploitations soient traitées également.
La catastrophe économique qu'a provoquée la découverte de l'ESB dans l'industrie du bétail au Canada rend d'autant plus nécessaire, à notre avis, l'existence d'un programme prévisible et transparent. La création du programme Agri-relance est un pas dans la bonne direction, mais nous recommandons qu'il soit mieux défini. Une définition claire des désastres pour lesquels on peut se prévaloir du programme et des mesures prises en conséquence, rendrait le mécanisme beaucoup plus efficace. Une plus grande transparence et prévisibilité permettra aux producteurs de prendre des décisions meilleures et plus opportunes en temps de crise économique.
Je terminerai en faisant remarquer deux efforts qu'il faut déployer de manière indirecte, mais qui sont d'une importance incroyable par rapport à la gestion des risques de l'entreprise. Étant donné la grandeur du territoire et la petitesse de la population, l'utilisation dynamique de ressources visant à améliorer et à défendre l'accès au marché est un élément vital de la gestion des risques pour l'industrie canadienne du bétail en particulier, et pour l'agriculture canadienne en général. Nous devons faire en sorte que notre politique commerciale reflète le fait que notre pays dépend des exportations pour se suffire à lui-même et optimiser les débouchés en faveur des producteurs.
Lorsque j'ai témoigné devant vous il y a six semaines, j'ai accordé une grande priorité à l'innovation et je le fais encore aujourd'hui. Les programmes de gestion des risques de l'entreprise peuvent être — et sont — des outils utiles face à des événements inattendus. Mais ces programmes sont conçus pour répondre à des événements à court terme et sont très peu utiles pour la compétitivité et la durabilité à long terme de notre industrie.
Je soulignerais une fois de plus que le meilleur moyen de bâtir et de consolider l'industrie du bétail et toute l'agriculture d'ailleurs est de faire en sorte de fonctionner dans un milieu commercial très concurrentiel, au pays et à l'étranger, et d'accroître les investissements dans la recherche, l'innovation et les transferts de technologie.
Je suis persuadé qu'au cours des vingt prochaines années, l'agriculture aura un visage bien différent. Notre politique doit donc être tournée vers l'avenir pour optimiser les débouchés, faute de quoi, nous limiterons gravement les possibilités de nos agriculteurs.