Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, d'avoir invité l'INS à formuler des observations sur les amendements proposés au projet de loi. C'est un honneur pour notre institut qui est le plus vieux laboratoire d'idées indépendant au Canada dans le domaine du développement — et j'ajouterai, le leader mondial reconnu à ce titre ces deux dernières années, selon les résultats du sondage Global Go-To Think-Tank. Malgré notre budget annuel de moins de 5 millions de dollars, les mêmes répondants nous ont classés au premier rang des laboratoires d'idées en développement au pays.
En traitant de l'importance du projet de loi, j'ai voulu décrire brièvement le contexte mondial dans lequel il se situe. Je n'interviens pas à titre d'homme de loi ou de spécialiste sur le sujet des modifications elles-mêmes, mais plutôt en tant qu'économiste canadien en développement qui se préoccupe des défis déterminants du développement mondial au XXIe siècle. J'interviens aussi à titre de personne qui oeuvre dans le secteur du développement international depuis 1970, dont 30 années auprès de la Banque mondiale, pendant lesquelles j'ai vécu 14 années et géré le soutien financier dans quelques-uns des pays les plus corrompus du monde, selon l'indice des perceptions de corruption de Transparency International — et je ne les nommerai pas dans cette salle.
Je connais de première main l'effet insidieux et dévastateur qu'a la corruption, nourrie par l'absence de représentativité, de transparence et de responsabilité — les trois piliers de la saine gouvernance — sur l'économie et le bien-être d'une population. Ce n'est pas joli et ce n'est pas ce à quoi devraient servir les ressources des contribuables canadiens et d'ailleurs.
Comme l'ont indiqué les auteurs du récent Rapport de 2013 sur les progrès en Afrique:
La transparence et la responsabilité sont les deux piliers d'une bonne gouvernance. Ensemble, elles constituent le fondement de la confiance envers le gouvernement et de la gestion efficace des ressources naturelles, et ce fondement doit impérativement être renforcé.
Comme le suggère également cet éminent panel international, l'absence de ces piliers est particulièrement préjudiciable dans les pays riches en ressources naturelles où les enjeux financiers et les tentations de maximiser les gains personnels, auxquelles sont exposées les élites politiques et économiques, y compris les investisseurs étrangers, sont élevés. La croissance sans précédent de la demande en ressources naturelles, et en particulier les extraits essentiellement en provenance des pays émergents, provoque tant la volatilité que la hausse des prix des produits de base, la concurrence mondiale pour les ressources s'intensifiant, en particulier en Afrique, où le potentiel reste encore plutôt inexploité. Pour le Canada, un pays riche en ressources naturelles ayant des contacts partout dans le monde et dont la santé économique dépend de plus en plus de sa capacité à mondialiser ses relations commerciales, l'intensification de la concurrence pose un défi particulier. La zone de confort que constitue la production essentiellement pour le marché intérieur et les États-Unis disparaît rapidement.
Comme l'a fait remarquer le Conference Board du Canada en 2012, la dernière décennie a marqué un recul pour les exportations canadiennes:
Les années 2000 ont été une « décennie perdue » pour les exportations canadiennes de biens et de services, car les volumes ont connu essentiellement une croissance nulle, même si le volume des échanges mondiaux de marchandises a augmenté de 68 p. 100 pendant cette période... Nous avons perdu une part du marché d'exportation, qui est allé vers les marchés émergents pour une vaste gamme de produits, y compris les traditionnels produits du bois et du papier.
Pendant la même période, pour reprendre la récente déclaration de l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, « nous avons abaissé nos prévisions des exportations pour 2013 parce que nous détectons un problème de compétitivité ». En effet, pendant cette même période de 2000 à 2012, huit des pays du G20 ont perdu une part du marché mondial d'exportation, dont le Canada, qui a subi une perte d'environ 37 %, juste après le Royaume-Uni, qui a subi la plus forte baisse, soit environ 40 %. Au premier rang des 12 pays ayant gagné des parts de marché, on trouve évidemment la Chine, avec une hausse de 170 %, mais il y a aussi l'Australie, avec un gain de 50 %.
Cette perte de marché à l'exportation à l'échelle mondiale correspond aussi à une perte de compétitivité des investissements canadiens dans le secteur de l'extraction en Afrique. Alors que le Canada était le principal investisseur dans les mines du continent africain en 2007, en dépit d'une hausse des capitaux d'investissement canadiens de moins de 3 milliards de dollars à environ 31 milliards actuellement, le pays se classe cinquième, derrière la Chine, l'Australie, l'Afrique du Sud et les pays de l'Union européenne.
Nous avons récemment débattu de ces questions lors du Forum d'Ottawa de l'INS, intitulé « Gouvernance des ressources naturelles au service du développement en Afrique » — et là je veux ajouter que tant Dean Allison que Lois Brown ont apporté d'importantes contributions à la discussion — et nous nous sommes penchés sur les moyens que pourrait utiliser le Canada pour remonter dans ce secteur et devenir un chef de file dans l'exploitation des ressources naturelles et l'investissement dans ces ressources sur le continent.
Nous sommes à une époque où les gouvernements africains eux-mêmes et les pays membres du G8 cherchent de plus en plus à faire une utilisation plus rentable des ressources minières et énergétiques, s'assurant ainsi d'en faire une bénédiction sur le plan économique plutôt que le cauchemar qu'elles ont eu tendance à être.
En effet, lors du forum, un vice-président principal d'une importante société d'investissement canadienne dans le secteur de l'extraction en Afrique a déclaré que les sociétés minières canadiennes ne pouvaient plus battre la concurrence en raison des coûts uniquement, qu'il faut d'autres attributs.
Une meilleure image de marque du Canada est l'un d'eux, tout comme il est préférable d'établir soi-même des politiques de lutte contre la corruption dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles que de se les voir dicter. Le Canada doit être vu comme un chef de file dans la définition de pratiques exemplaires à l'international, en particulier à un moment de l'histoire où les gouvernements africains, dont beaucoup sont des démocraties, prennent des mesures pour accroître la mobilisation des ressources intérieures et endiguer la sortie illicite des ressources financières.
À titre d'exemple, on estime qu'en 2012, quelque 63 milliards de dollars sont sortis de façon illicite de l'Afrique au moyen de la falsification des prix des échanges commerciaux, de la fixation des prix de cession interne, et cetera, dépassant les entrées de quelque 62 milliards sous forme d'aide au développement et d'investissements directs étrangers. La nouvelle vision du secteur minier africain élaborée par l'Union africaine en collaboration avec la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies propose un programme convaincant pour accompagner de tels changements, en déplaçant le point de mire de la simple extraction de minerais à des impératifs de développement beaucoup plus larges dans lesquels politique minière et politique de développement forment un tout. Cela se traduit par une véritable réglementation visant l'industrie extractive, le renforcement de l'autorité institutionnelle et la mise en oeuvre de politiques qui garantissent que les ressources générées seront consacrées à la production de retombées durables et plus équitables.
Aux yeux de la communauté internationale, cela signifie une égalisation des conditions de concurrence, en vertu de quoi les investisseurs dans le secteur des ressources naturelles seront assujettis à la même réglementation que tout le monde, forte de l'amendement Cardin-Lugar aux États-Unis et de la directive sur la transparence de l'UE adoptée plus tôt cette semaine, de sorte que les sociétés oeuvrant en Afrique appliqueront les mêmes principes comptables et la même norme de gouvernance qu'elles sont tenues de respecter dans les pays riches. Elles doivent également admettre que la divulgation a de l'importance.
À notre avis, le projet de loi S-14 représente une étape importante à cet égard, puisqu'on y resserre la responsabilité des entreprises canadiennes actives dans les pays émergents et qu'on cherche à appliquer la norme établie au Canada partout ailleurs. Par conséquent, nous félicitons le gouvernement d'avoir rédigé ce projet de loi.
Isolément, par contre, il ne répond pas au besoin du Canada d'être considéré comme un chef de file mondial dans la lutte contre la corruption, car le texte ne traite que d'un seul pilier d'une bonne gouvernance, soit la responsabilité. En effet, la Chine a adopté un huitième amendement à son code pénal en 2011, une loi qui ressemble au projet de loi canadien. Il manque également un règlement obligeant les investisseurs canadiens à faire preuve de transparence. Comme l'a rappelé le premier ministre britannique David Cameron en préparation à la réunion du G8 prévue plus tard ce mois-ci:
Nous devons lever le voile du secret qui permet trop souvent aux sociétés et aux agents officiels corrompus de contourner la loi. Les pays du G8 doivent chercher à définir une norme internationale commune qui obligera les industries extractives à publier toutes les sommes versées à des gouvernements et les gouvernements à déclarer ces recettes. Nous favoriserons ainsi plus d'investissements dans les pays riches en ressources naturelles et égaliserons les conditions de concurrence.
Dans mes échanges avec les membres de l'Association minière du Canada, dont certains ont participé à notre récent forum, j'entends le même souhait exprimé ainsi que la crainte que le désir de réappropriation des ressources nationales exprimé en Afrique et ailleurs ne vise d'abord les entreprises de pays considérés comme faisant preuve de peu de rigueur dans l'application des lois visant à endiguer la corruption exercée par leurs propres entreprises. De fait, dans son rapport, le panel APP mentionne explicitement le Canada: « Les opposants [à des règles plus strictes] ne sont pas tous issus de l'industrie. Le gouvernement canadien s'est opposé à la mise en place de normes de divulgation obligatoires. »
Que le Canada soit perçu comme un pays récalcitrant par les gouvernements et la société civile de l'Afrique n'est bon ni pour notre image de marque, ni pour notre compétitivité à court terme. L'allocution prononcée par le premier ministre Stephen Harper à Londres, hier, dans laquelle il a indiqué que le Canada allait mettre en place une nouvelle norme de déclaration obligatoire des sommes versées aux gouvernements étrangers et du pays par les sociétés canadiennes du secteur de l'extraction, constitue un virage intéressant et il faut applaudir chaleureusement ce geste posé par le gouvernement.
Cette nouvelle politique permettra de changer les mentalités et d'améliorer notre image de marque. S'il devait y prévoir la conformité à l'Initiative pour la transparence des industries extractives, le Canada s'alignerait sur les 23 pays qui appuient déjà cette dernière. Seize autres pays envisagent de l'adopter, dont l'Australie et les États-Unis. La France et le Royaume-Uni feraient connaître leur position favorable pendant le Sommet du G8, alors que l'Allemagne a récemment indiqué à l'ancien président de l'ITIE, de nationalité allemande, qu'elle aussi était sur le point de l'adopter.
L'adoption de l'Initiative par le Canada attesterait de notre grand souci de transparence et rassurerait les gouvernements et la société civile du continent africain quant au fait que les industries extractives canadiennes présentes en Afrique sont assujetties à une seule norme, peu importe où se déroulent leurs activités.
Cette mesure favorisera le développement économique de l'Afrique et la prospérité économique du Canada. Elle remettra le Canada en position de chef de file dans le domaine de la gouvernance des ressources naturelles.
Merci, monsieur le président.
Thank you, Mr. Chairman.
I want to thank you and other members for inviting the NSI to comment on the proposed amendments to this bill. It's an honour for the institute, Canada's oldest independent development think-tank—and, I might add, ranked for the past two years as the world's leading development think-tank by the Global Go-To Think-Tank survey. Despite our annual budget of less than $5 million, we were also ranked in the same survey as Canada's leading development think tank.
In addressing the significance of the bill, I wanted to briefly describe the global context in which the bill is being considered. I don't do it as a lawyer or as an expert on the amendments themselves, but rather as a Canadian development economist concerned about the defining challenges of 21st century global development. I also do it as someone who has worked in international development since 1970, including 30 years with the World Bank, including 14 years living in and managing financial support to some of the most corrupt countries on the planet, according to Transparency International's Corruption Perceptions Index—and I won't name them in this room.
I know first-hand the insidious and devastating effect that corruption, fed by an absence of representativeness, transparency, and accountability—the three pillars of good governance—has on a society's economic and social health. It's not pretty and it's not how Canadian or any other taxpayers' resources should be used.
As noted in the recent “Africa Progress Report 2013”:
Transparency and accountability are the twin pillars of good governance. Taken together, they are the foundation for trust in government and effective management of natural resources—and that foundation needs to be strengthened.
As also suggested by this eminent international panel, the absence of these pillars is especially damaging in resource-rich states where the financial stakes and temptations to maximize personal gains by political and economic elites, including foreign investors, are high. The unprecedented growth in demand for natural resources, particularly extracts coming largely from the emerging economies, is producing both volatility and rising commodity prices, with global competition for resources intensifying, especially in Africa where the potential is as yet relatively unexploited. For Canada, a globally connected resource-rich country whose economic health depends increasingly on its capacity to globalize its trade relations, the intensified competition constitutes a particular challenge. The comfort zone of producing primarily for domestic consumers and the U.S. market is quickly evaporating.
As noted by the Conference Board of Canada in 2012, the past decade has effectively been a lost decade for Canadian exports:
The 2000s were a “lost decade” for Canadian exports of both goods and services, as essentially no growth in volumes occurred—even though the volume of global trade in goods expanded by 68 per cent during this period.... We have lost export market share to emerging markets in a wide variety of products, including Canadian stalwarts like wood and paper products.
During the same period, as noted recently by the former Governor of the Bank of Canada Mark Carney, “We've dampened our [2013] forecast of exports because we're seeing a competitiveness challenge...”. Indeed, among the G-20 countries during the same period of 2000 to 2012 Canada was one of eight economies that lost market share of world exports, by about 37%, just behind the U.K., which had the biggest loss of about 40%. The 12 gainers were led, not surprisingly, by China with a gain of 170%—but Australia also saw a gain of 50%.
This loss of market share in exports at the global level is also consistent with a loss of competitiveness of Canadian extracted investments in Africa. Whereas in 2007 Canada was the leading investor in mining on the continent, notwithstanding an increase in the stock of Canadian investment from just under $3 billion to about $31 billion today, we are now fifth, exceeded by China, Australia, South Africa, and the countries of the European Union.
We recently discussed some of these issues at NSI's Ottawa forum entitled “Governing Natural Resources for Africa's Development”—and here I should add that both Dean Allison and Lois Brown made important contributions to that discussion—and addressed how Canada could elevate itself in that sector to being a leader on the continent in natural resource exploitation and investment.
This is at a time when African governments themselves and members of the G-8 are increasingly concerned about using mineral and energy resources more effectively, thereby ensuring that they become the economic blessing they should be rather than the curse they have tended to be.
Indeed, a senior vice-president of one of Canada's leading mining investors in Africa said during the conference that Canadian mining companies could no longer compete on the basis of cost alone, that we needed other attributes.
Enhancing the Canadian brand is one of them, as is being a policy-maker on dealing with corruption in natural resource exploitation, rather than being a policy-taker. Canada needs to be seen as a leader in setting global best practice standards, especially at a point in history where African governments, many of them democracies, are taking active measures to enhance domestic resource mobilization and stem the illicit outflow of financial resources.
Just to give you an example, it's estimated that the outflow of illicit funds in the form of mispriced trade, transfer pricing, etc., from Africa was about $63 billion in 2012, exceeding the inflow of aid and foreign direct investment of about $62 billion. The new Africa mining vision that was developed by the African Union in collaboration with the UN Economic Commission for Africa sets out a compelling agenda for facilitating such changes by shifting the focus from simple mineral extraction to much broader developmental imperatives in which mineral policy integrates with development policy. This means effective regulations governing extractive companies, the strengthening of institutional capacity, and policies that ensure that resources generated are spent to produce sustainable and more equitable outcomes.
For the international community, this means creating a level playing field where natural resource investors are subject to the same set of rules, building on the U.S. Cardin-Lugar amendment and the EU transparency directive adopted by the Europeans earlier this week, so that companies operating in Africa apply the same accountability principles and the same standards of governance that they are held to in rich countries. They should also recognize that disclosure matters.
In our view, Bill S-14 is an important step in that direction, in that it would strengthen the accountability of Canadian firms operating in developing countries and seek to apply the same standards as applied in Canada. We therefore commend the government for preparing it.
On its own, however, it falls short of what is needed for Canada to be seen as a global leader in stemming corruption in that it only deals with one of the pillars of good governance, namely, accountability. Indeed, China adopted its eighth amendment to its criminal code, a law not dissimilar to the Canadian legislation, in 2011. What is also needed is regulation that requires transparency on the part of Canadian investors. Per the call of Prime Minister David Cameron in the lead-up to the G-8 meeting later this month:
we must lift the veil of secrecy that too often lets corrupt corporations and officials in some countries run rings around the law. The G-8 must move toward a global common standard for resource-extracting companies to report all payments to governments, and in turn for governments to report those revenues. This will encourage more investment in resource-rich countries and level the playing field for business.
In my discussions with members of the Mining Association of Canada, some of whom participated in our recent forum, I've heard the same desire expressed, along with concerns that rising resource nationalism in Africa and elsewhere will first target the firms from those countries seen as being less rigorous in their application of laws to stem corporate corruption by their own firms. Indeed, the Africa Progress Panel report explicitly cited Canada, stating: “Not all the opposition [to stronger regulation] emanates from industry. The Canadian government has opposed the introduction of mandatory standards.”
Canada being perceived by African governments and civil society as one of those recalcitrants is neither good for our brand nor for our competitiveness in the medium term. The statement, therefore, by Prime Minister Harper yesterday in London that Canada “will establish new, mandatory reporting standards for payments made to foreign and domestic governments by Canadian extractive companies” is a welcome development, and the government is to be warmly applauded for this step.
This new policy will help change perceptions and enhance our brand, and should it include compliance with the Extractive Industries Transparency Initiative, Canada would align itself with 23 countries that are currently compliant with this initiative. An additional 16 are candidate countries, including Australia and the United States. France and the U.K. will apparently announce their compliance during the G-8 summit, while Germany recently informed EITI's former chairman—who's a German—that it too is on the verge of joining.
Canada's compliance would demonstrate our full commitment to transparency and provide comfort to Africa's governments and civil society that Canadian extractive firms investing in Africa are being subject to the same standards they would be in Canada.
This would contribute both to Africa's economic development and Canada's economic prosperity. It would also move Canada, once again, into a position of global leadership in the area of natural resource governance.
Thank you, Mr. Chair.