Merci, monsieur le président.
En guise d'introduction, je suis en compagnie de Chris Matier, notre économiste principal, qui fait nos analyses économiques et financières; M. Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, responsable de l'analyse économique et financière; et Sahir Khan, notre directeur parlementaire adjoint du budget, responsable des analyses des dépenses et des revenus.
Merci.
Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vous remercie de nous avoir invités, mes collègues et moi, à vous parler des perspectives économiques et budgétaires du Canada dans le contexte de vos consultations préalables au budget de 2012.
Vous n'êtes pas sans savoir que le DPB a publié, hier, un rapport sur les perspectives à court et moyen terme. Le 29 septembre 2011, le DPB a rendu public son rapport sur la viabilité financière de 2011 qui porte sur la structure financière du Canada dans une optique à long terme. La Loi sur le Parlement du Canada confie au directeur parlementaire du budget le mandat d'offrir au Sénat et à la Chambre des communes une analyse indépendante de l'état des finances nationales et des tendances qui se dégagent de l'économie nationale.
L'objectif du DPB est de vous procurer une analyse du contexte de planification pour appuyer vos débats sur les priorités et les orientations en matière de politique, et, en tant que députés de la Chambre des communes, l'exercice de votre pouvoir qui consiste à exiger les comptes du gouvernement en ce qui concerne la gestion prudente des finances publiques.
Soucieux de vous présenter un contexte de planification étoffé, le DPB vous propose un examen indépendant de la perspective économique et budgétaire en toute transparence. Il vous propose également une analyse pour appuyer votre travail.
Nous proposons une analyse de la façon dont l'économie doit, selon les prévisions, se comporter par rapport à la production potentielle — la taille de ce qu'on appelle « écart de production ».
Nous proposons une analyse de la nature de nos déséquilibres budgétaires — la proportion du déficit fédéral qui est cyclique et se résorbera lorsque l'économie retrouvera son plein potentiel, et la proportion du déficit qui est structurelle.
Nous proposons une analyse de l'incertitude — ce que l'histoire des projections économiques du secteur privé par rapport aux résultats signifie pour les intervalles de confiance des projections du PIB nominal et des équilibres budgétaires.
Enfin, nous ne perdons pas de vue le long terme. Nous proposons des estimations de l'écart budgétaire pour vous informer sur la viabilité des structures budgétaires actuelles et l'ampleur des mesures nécessaires pour stabiliser la dette par rapport à la taille de l'économie, compte tenu du vieillissement démographique et des autres pressions sous-jacentes à long terme sur les coûts.
Dans le plan budgétaire déposé en juin 2011, le gouvernement s'engage à équilibrer le budget d'ici 2014-2015 au moyen de compressions des dépenses qui seront définies et mises en application dans le budget de 2012. Celui-ci doit également arrêter le cadre des négociations avec les provinces et les territoires prévues pour 2014 sur les transferts fédéraux, qui représentent 30 p. 100 des dépenses fédérales au titre des programmes.
Je voudrais mettre en lumière trois défis dans le contexte de vos délibérations sur les priorités et les grandes orientations dans la période qui précède le budget de 2012.
Premièrement, les perspectives sont moins bonnes que dans le cadre de planification du budget de 2011. Deuxièmement, les perspectives financières à moyen terme sont très incertaines. Troisièmement, les défis pour la fiabilité financière à long terme découlant du vieillissement démographique et des autres pressions qui s'exercent sur les coûts sont réels, il faut en prendre acte et les relever.
Les perspectives de l'économie canadienne se sont dégradées aux yeux de presque tous les prévisionnistes en raison d'un contexte extérieur qui justifie moins d'optimisme. Les effets négatifs du désendettement, de l'austérité budgétaire et de la perte de confiance qui se manifeste par la turbulence des marchés financiers expliquent en grande partie les projections de croissance plus modestes.
Le DPB prévoit que le PIB réel du Canada augmentera de 2,2 et de 1,5 p. 100 respectivement en 2011 et 2012. La faiblesse de la croissance à court terme fait diminuer davantage le rythme de l'économie en deça de sa capacité de production, ce qui creuse l'écart de production et entraîne le taux de chômage à la hausse. Par conséquent, le DPB prévoit que la Banque du Canada maintiendra son taux cible du financement à un jour à 1 p. 100 jusqu'au troisième trimestre de 2013 et le relèvera ensuite peu à peu pendant le reste de la période de projection.
Les perspectives présupposent que la crise de la dette souveraine en Europe sera contenue et que la restructuration financière des États-Unis se fera de façon ordonnée. Le DPB projette, à court terme, des résultats moins bons que les perspectives moyennes du secteur privé. Il estime que la prépondérance des risques, dans les projections du PIB nominal faites par le secteur privé, est défavorable en raison d'une reprise plus lente de l'économie américaine à court terme (croissance du PIB réel de 1,6 p. 100 au lieu de 2 p. 100 en 2012), d'un impact plus marqué du fléchissement récent des prix des produits de base (nous prévoyons une inflation du PIB de 1,2 p. 100 comparativement aux 2 p. 100 des perspectives moyennes du secteur privé) et du lourd endettement des ménages canadiens qui freinera probablement la croissance à court terme de façon plus importante que les prévisionnistes du secteur privé ne semblent l'avoir pris en compte.
En ce qui concerne le solde budgétaire, en fonction du statu quo, les perspectives du DPB veulent que le déficit passe de 37,3 milliards de dollars en 2011-2012, soit 2,2 p. 100 du PIB, à 30,5 milliards de dollars en 2012-2013, c'est-à-dire 1,7 p. 100 du PIB, et enfin à 7,3 milliards de dollars en 2016-2017, soit 0,3 p. 100 du PIB. Ces chiffres demeurent nettement meilleurs que les projections d'autres pays du G7 et ils sont conformes aux cibles que le G20 a établies à Toronto en 2010 pour la réduction du déficit. Le progrès reflète la réduction des soldes cycliques et structurelles à moyen terme. La réduction appréciable du déficit structurel s'explique en partie par les compressions prévues dans les dépenses directes au titre des programmes.
Le DPB présume que, pendant la période de 2011-2012 à 2016-2017, ces dépenses augmenteront modestement, au rythme annuel moyen de 1,6 p. 100, ce qui est nettement plus faible que le taux observé dans les cinq années qui ont précédé le ralentissement, soit 6,1 p. 100. À plus long terme, le DPB prévoit une augmentation du déficit structurel, en fonction du statu quo, à cause de l'impact du vieillissement démographique et d'autres pressions sous-jacentes sur les coûts.
Le rapport sur la viabilité financière du DPB, en 2011, conclut que le Canada n'a pas une structure financière, au niveau fédéral et provincial territorial, capable de stabiliser le rapport de la dette du PIB à long terme. Nous sommes engagés dans une transition démographique majeure qui ralentira la croissance économique, qui freinera la progression des revenus de l'État et qui exercera des pressions à la hausse sur les dépenses. Le DPB estime que pour rétablir la viabilité, il faudrait des mesures permanentes au plan des politiques représentant 2,7 p. 100 du PIB, soit 1,5 p. 100 au niveau provincial territorial et 1,2 p. 00 au niveau fédéral.
Certes, ces mesures sont bien moins importantes que les restrictions imposées dans les années 1990, mais il faudrait qu'elles soient maintenues durablement. Il n'est pas nécessaire de prendre ces mesures immédiatement, à un moment où l'économie est loin de tourner à plein régime, mais de longs atermoiements obligeraient par la suite à prendre des mesures correctives nettement plus énergiques.
Les défis du contexte de planification font ressortir des considérations importantes pour les parlementaires concernant l'orientation de la politique budgétaire du Canada, ses objectifs, sa crédibilité et sa viabilité.
Les parlementaires souhaiteront peut-être discuter de la valeur d'une politique qui consisterait à tenir le cap, en politique budgétaire, pendant les perspectives sont moins reluisantes. Les pertes de production projetées par rapport au potentiel qui sont associées à l'actuelle crise financière mondiale sont plus graves que lors des ralentissements économiques du milieu des années 1990 et du début des années 1980. On estime maintenant que l'écart de production devrait se combler en 2017.
L'analyse que le DPB propose des résultats sur le plan du solde budgétaire, étant donné l'incertitude économique évaluée en fonction de l'exactitude des prévisions moyennes du secteur privé au cours des 16 dernières années, révèle que la probabilité d'atteindre l'équilibre budgétaire, si la politique demeure inchangée, est d'environ 10 p. 100 pour 2014-2015 et de 25 p. 100 pour 2015-2016.
Dans le conteste d'un écart de production relativement important et persistant à moyen terme, de l'incertitude des perspectives financières à moyen terme et de pressions budgétaires qui émergeront à long terme, les parlementaires souhaiteront peut-être discuter des avantages et inconvénients de nouvelles mesures de stimulation ou d'austérité ainsi que de la réalisabilité, des avantages relatifs et compromis en matière de priorités associés à un objectif d'équilibre budgétaire en 2014-2015.
Alors que beaucoup d'autres pays sentent les pressions du marché les incitant à renforcer leur plans budgétaires à moyen terme, les parlementaires voudront peut-être profiter de la situation financière meilleure dont jouit le Canada pour renforcer la crédibilité de son plan budgétaire à moyen et à long terme.
Un ancien sous-ministre des Finances, Scott Clark, a rédigé récemment un document qui souligne les quatre critères propres à une politique budgétaire crédible. La politique budgétaire doit être réaliste, responsable, prudente et transparente. Selon M. Clark, une politique budgétaire crédible doit reposer sur une conception équilibrée des défis, perspectives et risques et non sur une perception optimiste ou peu réaliste. Ainsi, un article de portée internationale récent de l'économiste Jeffrey Frankel, publié par le National Bureau of Economic Research, a souligné la tendance répandue dans beaucoup de pays à utiliser des prévisions exagérément optimistes, ce qui a favorisé la complaisance et contribué à des baisses des impôts et à des hausses des dépenses.
À cet égard, les projections sous-jacentes au budget de 2011 ne sont pas plus réalistes. Les parlementaires souhaiteront peut-être se demander si la mise à jour des prévisions moyennes du secteur privé correspond à une perception réaliste, ou ils voudront peut-être recommander que le ministère des Finances fournisse des perspectives économiques indépendantes.
Une politique budgétaire responsable veut dire que le gouvernement établit un plan budgétaire à moyen et à long terme qui est viable et selon lequel la dette ne croîtra pas plus rapidement que l'économie. Les parlementaires souhaiteront peut-être demander au gouvernement de fournir une analyse de viabilité financière à long terme, comme il l'a promis en 2007.
Une politique budgétaire prudente veut dire que le gouvernement se prémunit contre les erreurs de prévision et le risque que les objectifs budgétaires ne soient pas atteints en raison d'imprévus. Compte tenu du degré élevé d'incertitude, les parlementaires souhaiteront peut-être débattre des avantages de réserve pour éventualité et de marges de prudence dans l'établissement d'objectifs budgétaires à moyen et à long terme.
Enfin, une politique budgétaire transparente veut dire que sont entièrement divulgués les analyses, les renseignements et les risques. Les parlementaires voudront peut-être assurer la pleine divulgation des mesures issues de l'examen stratégique et fonctionnel, dont l'application doit figurer dans le budget de 2012, ainsi que dans les rapports annuels sur les plans et les priorités, et ce, de façon aussi détaillée que dans le plan de stimulation de 2009.
De la même façon, les parlementaires voudront peut-être demander la pleine divulgation des plans ministériels associés aux mesures de restriction opérationnelles du budget de 2010 et des rajustements du cadre de planification budgétaire associés au programme gouvernemental de lutte contre la criminalité.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous adresser la parole.
Nous attendons vos questions.