Merci, monsieur le président.
Nous remercions les membres du comité de nous donner l'occasion de nous adresser à eux ce matin.
Je m'appelle Ernie Daykin. Je suis maire du district de Maple Ridge, en Colombie-Britannique. Je suis également membre du conseil d'administration de Metro Vancouver et président du Comité des relations avec les Autochtones de Metro Vancouver.
Comme vous l'avez mentionné, M. MacIsaac, de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique, et M. Ralph Hildebrand, directeur général et conseiller juridique d'entreprises, Services aux entreprises, de même que directeur du Comité des relations avec les Autochtones de Metro Vancouver, nous accompagnent.
Les administrations locales sont pleinement conscientes du fait que tous les Canadiens — Autochtones et non-Autochtones — doivent avoir accès à de l'eau potable saine et salubre, et nous soutenons toutes les mesures qui sont prises à cette fin. Nous sommes également totalement favorables aux mesures visant l'élimination adéquate des eaux usées.
Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter le point de vue d'une administration locale sur le projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations, et pour vous faire part de quelques problèmes avec lesquels les administrations locales sont fréquemment aux prises non seulement dans la région métropolitaine de Vancouver et en Colombie-Britannique, mais partout au pays. À cet égard, je tiens à souligner que la Fédération canadienne des municipalités partage les opinions de Metro Vancouver sur le projet de loi S-8. Quelques-unes des observations que nous formulerons à l'intention du comité permanent reflètent les commentaires qui ont été faits par les représentants de cette fédération.
Pour le bénéfice de toutes les personnes ici présentes, je vais fournir des renseignements de nature générale à propos de Metro Vancouver. Il s'agit d'un regroupement de 24 administrations locales, y compris un secteur non constitué en municipalité et une Première Nation signataire d'un traité, à savoir celle de Tsawwassen, qui, en 2009, dans le cadre du processus des traités de la Colombie-Britannique, a conclu le premier traité moderne et urbain avec les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique.
Les membres de Metro Vancouver s'entendent bien et travaillent en collaboration au moment d'exécuter des plans et de fournir des services régionaux, y compris la production d'eau potable, le traitement des eaux usées et la gestion des déchets solides. En outre, Metro Vancouver édicte des règles concernant la qualité de l'air, planifie la croissance urbaine, gère un réseau de parcs régionaux et offre des logements abordables aux résidents.
À l'heure actuelle, quelque 2,3 millions de personnes habitent à Metro Vancouver, ce qui représente plus de la moitié de la population de la Colombie-Britannique. Selon le recensement de 2011, environ 52 000 Autochtones vivent dans cette région.
Comme je l'ai mentionné, je suis président du Comité des relations avec les Autochtones. Nous avons créé ce comité permanent de manière à ce qu'il fournisse au conseil d'administration et aux municipalités des conseils touchant les négociations des traités et les relations avec les Autochtones dans la région métropolitaine de Vancouver.
Un élément important des responsabilités relevant de ce comité tient au renforcement des relations avec les Premières Nations. Nous participons activement aux négociations touchant la Première Nation Katzie et la Première Nation Tsleil-Waututh. Nous faisons partie de l'équipe provinciale de négociations qui fait de la surveillance relative aux nouveaux enjeux liés aux Premières Nations signataires ou non signataires de traités, et qui évaluent leur incidence sur les administrations régionales et municipales.
L'établissement de relations entre les municipalités et les Premières Nations et leurs rapports quotidiens dans un milieu urbain présentent un certain nombre de difficultés qui sont, à notre avis, uniques en leur genre, notamment celles liées aux grandes densités de population, aux intérêts privés contradictoires, aux éléments particuliers à prendre en considération en ce qui a trait à l'utilisation des terres, aux besoins rapidement croissants en matière de services et au nombre limité de terres publiques disponibles aux fins des règlements de traités.
En présence de ces réalités complexes, Metro Vancouver s'est engagé à établir des relations de travail efficaces et positives avec les Premières Nations. Cela assurera l'harmonisation et la réalisation de nos intérêts communs.
Le district régional a réussi à communiquer les intérêts régionaux touchant un certain nombre de nouvelles politiques et dispositions législatives qui ont été élaborées aux échelons supérieurs du gouvernement, et à assurer sa participation permanente au processus des traités de la Colombie-Britannique.
Depuis qu'il a passé l'étape de la première lecture à la Chambre des communes en juin 2012 le projet de loi S-8 préoccupe Metro Vancouver en raison des répercussions qu'il pourrait avoir sur les administrations locales. Metro Vancouver est très préoccupé par l'incidence que pourrait avoir ce projet de loi sur la prestation de ses services.
Des représentants du bureau de Vancouver d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ont donné suite à une invitation transmise en octobre 2012 par Metro Vancouver et ont assisté à une réunion du Comité des relations avec les Autochtones, dans le cadre de laquelle ils ont présenté un exposé sur le projet de loi S-8. Ils ont présenté un cadre législatif touchant la gestion de l'eau potable et des eaux usées sur les terres des Premières Nations, et ont encouragé Metro Vancouver à contribuer au processus parlementaire en se présentant devant le comité.
Vu que, par l'entremise de ses représentants, le gouvernement fédéral s'est engagé à examiner et à dissiper les préoccupations que nous avons formulées en tant que responsables de la fourniture de services d'eau aux populations locales, y compris les Premières Nations, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui et de vous présenter notre point de vue.
Afin d'exposer clairement nos intérêts et nos préoccupations en ce qui a trait au projet de loi S-8, nous avons rédigé un exposé de position sur le projet de loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations. La première version de ce document a été rédigée et présentée au conseil d'administration de Metro Vancouver en novembre 2012. À la lumière des intérêts et problèmes exposés dans ce document, les administrations locales estiment que c'est à l'échelon des collectivités que sera évaluée l'efficacité du projet de loi, y compris en ce qui concerne le financement, les améliorations et la nécessité d'exécuter et de conclure des ententes de prestation de services.
Voici les problèmes liés au projet de loi S-8 qui sont mentionnés dans l'exposé de position de Metro Vancouver. La principale préoccupation a trait au transfert des responsabilités. Selon notre interprétation du texte législatif, une obligation de fournir des services publics et d'assurer l'application des règlements pourrait être imposée aux administrations locales si le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial concluent une entente au titre de laquelle le gouvernement provincial est tenu de contraindre les administrations locales à fournir des services d'aqueduc et de traitement des eaux usées aux communautés des Premières Nations. Les gouvernements provinciaux pourraient adopter ou modifier des dispositions législatives afin d'imposer des devoirs et des responsabilités aux administrations locales en tant qu'organismes provinciaux établis en vertu d'une loi provinciale.
Les administrations locales ne veulent pas être placées dans une telle situation. Depuis longtemps, en Colombie-Britannique, les administrations locales et les Premières Nations concluent des ententes de prestation de services. En effet, quelque 550 ententes de ce genre ont été conclues entre des administrations locales et près de 200 Premières Nations.
Les niveaux de service représentent une autre préoccupation. On ignore si le projet de loi S-8 et les dispositions réglementaires adoptées sous son régime imposeront de nouvelles exigences aux administrations locales, si une administration régionale comme Metro Vancouver sera tenue de fournir des services d'aqueduc à toutes les municipalités afin de respecter les obligations imposées et si Metro Vancouver devra accroître son niveau de service pour répondre à tous les besoins découlant de la croissance et du développement sur les terres des Premières Nations.
Les administrations locales relevant de Metro Vancouver sont contraintes de se conformer à un plan de développement régional. Les prévisions en matière de croissance de la population et de développement sont coordonnées au sein de la planification et du développement des services régionaux, par exemple les services d'approvisionnement en eau potable et d'évacuation des eaux usées. L'imposition d'exigences relatives à la fourniture de ces services sur les terres des Premières Nations créeront ou pourraient créer, si elles vont au-delà des principes de la planification régionale, un déséquilibre entre les plans liés à l'eau potable et aux eaux usées et le plan de développement régional.
Une autre préoccupation qui a été soulevée concerne les règlements administratifs et leur application. Si nous avons bien compris, le projet de loi S-8 autorisera les administrations locales à appliquer leurs règlements administratifs sur les terres des Premières Nations afin de régir l'utilisation des services liés à l'eau potable et aux eaux usées par les communautés des Premières Nations. Cependant, le gouvernement fédéral n'a pas indiqué clairement la façon dont il favorisera l'application des règlements administratifs des administrations locales dans les réserves en ce qui a trait à la prestation de services publics et d'autres services aux Premières Nations. Cela englobe les terres des Premières Nations qui feront l'objet d'une demande en vue d'être ajoutées à une réserve.
Une préoccupation connexe concerne le pouvoir de réglementation. Il est difficile de déterminer comment le gouvernement fédéral entend protéger les administrations locales en ce qui a trait aux responsabilités en matière d'environnement et de santé publique relatives aux ententes de service avec les Premières Nations, alors que les administrations municipales n'ont pas de pouvoir de réglementation sur les réserves et que les bandes indiennes ne disposent pas des pouvoirs d'une personne physique leur permettant d'établir des accords contractuels avec les administrations locales.
Notre exposé de position mentionne également une préoccupation touchant les responsabilités financières. La réglementation de l'eau potable dans les réserves des Premières Nations aurait des répercussions importantes sur le plan des capacités et des ressources pour les administrations locales. Il est difficile de savoir dans l'immédiat comment le projet de loi S-8 protégera les administrations locales qui offrent des services publics aux Premières Nations de manière à se qu'elles n'aient pas à assumer de responsabilité financière si elles n'ont pas de pouvoir de taxation sur les terres des Premières Nations bénéficiaires des services.
Aux responsabilités financières vagues s'ajoutent des responsabilités juridiques non définies. Par exemple, l'article 13 du projet de loi S-8 semble exempter le gouvernement du Canada des responsabilités juridiques découlant des dispositions réglementaires qui seront élaborées et mises en application sous le régime de la loi.
À cet égard, la Fédération canadienne des municipalités nous a chargés de demander au comité permanent de fournir des éclaircissements quant à la personne ou à l'organisme auquel sera conférée la responsabilité juridique relative à ces dispositions réglementaires.
De plus, il y a une préoccupation au sujet de la capacité de financement. Il est difficile de savoir si le gouvernement fédéral et les Premières Nations du Canada ont la capacité de financement nécessaire pour procéder aux améliorations proposées aux infrastructures des réserves indiennes en application du projet de loi S-8.
Dans le rapport d'évaluation national publié en juillet 2011, on a estimé que, au cours des 10 prochaines années, les coûts combinés des immobilisations et d'exploitation qu'on prévoit engager pour offrir les services d'aqueduc et de traitement des eaux usées nécessaires des 618 Premières Nations différentes du Canada s'élèveront à environ 4,7 milliards de dollars, en plus d'un budget d'exploitation et d'entretien prévu de 419 millions de dollars par an.
Le rapport révèle aussi que, en 2009, les systèmes d'aqueduc ou de traitement des eaux usées de 153 des 203 Premières Nations de la Colombie-Britannique étaient considérés comme des systèmes à risque élevé. Comme l'indique le Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes de 2012, produit par la Fédération canadienne des municipalités, les administrations locales du Canada sont aussi confrontées à d'importants défis tandis qu'elles tentent de maintenir et de gérer leur infrastructure d'aqueduc et de traitement des eaux usées, qui se dégrade, pour répondre aux besoins actuels de la population et respecter des normes de rendement minimales. L'important déficit touchant ces infrastructures est extrêmement préoccupant pour les administrations municipales et locales.
La mise à niveau et le remplacement des systèmes d'eau potable et de traitement des eaux usées exigeront d'importants investissements dans bon nombre de collectivités canadiennes. Par conséquent, la capacité des administrations locales d'élargir leurs systèmes et services d'aqueduc et de traitement des eaux usées sera peut-être limitée. Il faut combler l'écart touchant la capacité de l'infrastructure des administrations locales et des Premières Nations pour s'assurer que tous les Canadiens ont accès à une eau potable propre et salubre.
Nous reconnaissons que, pour mener le processus à bien, il faudra augmenter le financement. Le projet de loi S-8 décrit un cadre législatif de gestion de l'eau potable et du traitement des eaux usées dans les réserves indiennes. Cependant, il manque encore un plan de mise en oeuvre adéquat, qui fournirait par exemple des précisions et des renseignements nécessaires pour améliorer la gestion des ressources en eau sur les territoires des Premières Nations.
Les enjeux dont je viens de parler montrent bien les difficultés découlant du projet de loi S-8. Dans les administrations locales, qui rédigent les plans, les règlements administratifs et les règlements qui ont un impact sur les résidents et les entreprises de la région, on demande des commentaires, on procède à des consultations et on met en place d'autres processus pour s'assurer d'avoir une vision globale des conséquences de nos actions, qu'on pourra vraiment dissiper ces préoccupations et qu'on pourra éviter toute conséquence inattendue.
Dans ce cas-ci, malheureusement, les administrations locales n'ont pas participé à la rédaction du projet de loi habilitant. Les rédacteurs du projet de loi S-8 n'ont pas tenu compte des intérêts des administrations locales. Des communications adéquates et de réelles consultations avec les administrations locales sont nécessaires, parce que ce sont elles, selon nous, qui seront touchées par le projet de loi S-8.
En résumé, j'aimerais rappeler que les administrations locales reconnaissent et appuient totalement le besoin de tous les Canadiens, autochtones et non autochtones, d'avoir accès à de l'eau potable et à des systèmes de traitement des eaux usées. Pour réaliser cet objectif, les échelons supérieurs de gouvernements doivent accorder un financement approprié aux collectivités des Premières Nations.
En tant qu'administrations locales, nous croyons posséder un point de vue unique sur la question, son application et ses conséquences potentielles. Nous continuons d'espérer que le règlement qui accompagnera le projet de loi S-8 tiendra compte des exigences suivantes: certification fiable des opérateurs de systèmes d'alimentation en eau et de systèmes de traitement des eaux usées; normes contraignantes et cohérentes en ce qui concerne l'eau potable; responsabilités claires en matière de surveillance et de production de rapports; présentation claire du rôle des responsables du secteur de la santé, de l'environnement et de l'eau, y compris des représentants des Premières Nations et de leurs administrations; clarté et exhaustivité des systèmes de surveillance et d'analyse de l'eau potable; clarté dans la présentation des responsabilités en cas d'événement indésirable; possibilités de participation du public, communication et transparence; occasions de recevoir des conseils d'une tierce partie experte en la matière; ressources accessibles et mécanismes de financement; et planification appropriée des immobilisations et des infrastructures au fil du temps.
Le travail qui nous attend est imposant et constitue un défi pour tous les ordres de gouvernement, y compris les organisations des Premières Nations. Par conséquent, toutes les parties doivent travailler ensemble. Beaucoup d'investissements ont déjà été faits à ce sujet par le gouvernement fédéral et les Premières Nations.
Je crois qu'il est important de souligner que les administrations locales ont elles aussi fait beaucoup d'investissements. Il faut le reconnaître. Les administrations locales veulent obtenir de plus amples renseignements sur le recouvrement des coûts et les problèmes touchant la responsabilité mentionnés plus tôt et soulevés dans l'exposé de position de Metro Vancouver.
Le projet de loi S-8 a des répercussions potentielles sur les administrations locales. Compte tenu des enjeux cernés, ces administrations demandent au gouvernement fédéral de s'engager à modifier le projet de loi S-8 en consultation avec elles et des représentants des Premières Nations.
De plus, les administrations locales aimeraient que le gouvernement fédéral confirme qu'elles ne seront pas touchées par le projet de loi S-8 et qu'il s'engage à les tenir informées et engagées dans le cadre du processus d'élaboration de la réglementation liée au projet de loi S-8.
Cela conclut ma déclaration préliminaire.
Merci.
Je vais céder la parole à M. MacIsaac.