Comme ma collègue, je vais faire des remarques générales sur certains problèmes que nous avons constatés et qu'il faut régler.
Étant donné que votre comité discute de la façon de gérer les successions et les possessions des Autochtones, il faut bien sûr consulter activement les Premières Nations sur tous les changements voulus, en gardant à l'esprit les objectifs que Mme Richer vient de mentionner. N'oublions pas que les Premières Nations au Canada possèdent leurs propres ordres juridiques.
Il importe aussi de se rappeler que les Premières Nations gèrent leurs possessions depuis très longtemps. Si nous envisageons de modifier la gestion des possessions d'un Autochtone décédé au Canada, nous devons tenir compte de la façon dont les Autochtones au Canada gèrent leurs possessions, conformément à leurs propres ordres juridiques, et des ressources que le Parlement doit fournir pour bien soutenir ce travail.
Il faut se souvenir que les relations entre l'État et un grand nombre de Premières Nations au Canada se fondent sur les traités. Ne soyez pas surpris si les Premières Nations examinent la question sous cet angle. Concernant les Premières Nations qui n'ont pas de traité avec l'État, il faut être prêt à ce qu'elles fassent valoir les droits autochtones. Ce sont deux points de vue très différents.
Si je comprends bien, le projet de loi d'initiative parlementaire C-428 du député Rob Clarke a plus ou moins retiré un certain nombre d'articles désuets de la Loi sur les Indiens. Ensuite, certains articles sur les testaments et successions ont été supprimés dans le projet de loi. Nous discutons donc aujourd'hui de ces articles sur les testaments et successions.
Avant d'entamer les discussions, je veux souligner diverses questions à prendre en compte dans l'examen de tout type de modification. J'ai tenté de les organiser de façon raisonnée, mais les testaments et successions constituent des questions complexes qui englobent nombre de lois. J'ai cherché à les trier et à les organiser selon certains critères.
Le concept de résident ordinaire ne s'applique pas qu'aux réserves. Même le Manuel de procédures pour les successions des défunts le reconnaît, mais les fonctionnaires d'AADNC s'appuient sur lui pour gérer les successions. Ce concept fait aussi référence aux Premières Nations qui vivent sur les terres publiques et du ministère de la Défense, dans les parcs provinciaux et nationaux et sur les terres achetées par l'État pour les Premières Nations qui n'ont pas le statut de réserve. N'oublions pas que des Autochtones qui ne résident pas dans les réserves sont aussi visés par ce concept. Par exemple, il y a un groupe d'Autochtones qui vit sur des terres publiques dans le camp Smallboy, situé sur le versant est d'une montagne en Alberta.
Le règlement des différends a été abordé brièvement devant votre comité le 8 avril. Le ministre ou les fonctionnaires d'AADNC ne disposent pas d'un outil administratif pour gérer les successions litigieuses. Si vous voulez apporter des changements, vous devriez parler aux Premières Nations pour trouver des solutions aux différends. Les Premières Nations sont le mieux placées pour connaître leurs communautés et elles auraient une bonne idée de la façon de régler les litiges. Par ailleurs, vous ne pouvez pas simplement transférer un processus administratif aux Premières Nations qui gèrent déjà les successions. Ce genre de processus demande des ressources adéquates.
Les dispositions ab intestat dans les divers régimes provinciaux prévoient des seuils. La première somme est remise au survivant, puis le reste est divisé entre les enfants et lui, ou selon la formule établie. Actuellement, la Loi sur les Indiens stipule que le seuil s'élève à 75 000 $. En Alberta, ce montant est passé récemment de 40 000 à 150 000 $ dans la nouvelle loi. Je ne suis pas certain du seuil en Colombie-Britannique. En Ontario, je crois comprendre que c'est 200 000 $. Nous devons examiner cet écart. On vient de me dire que c'est 300 000 $ en Colombie-Britannique.
Nous devons examiner pourquoi il y a cette importante disparité. De toute évidence, les provinces ne peuvent pas gérer les intérêts possessoires dans les réserves. N'oublions pas que cela excède leurs pouvoirs, aux termes des articles 91 et 92.
C'est aussi une question de clarté. On ne peut pas simplement édicter un régime qui applique la loi fédérale dans un certain contexte de gestion des successions et la loi provinciale dans un autre.
J'essaie de me rappeler si j'ai déjà conseillé un client sur un dossier complexe qui demandait d'effectuer des recherches sur les deux régimes. Je peux vous dire que ce serait très coûteux, plus qu'un dossier qui porte sur un seul régime et qui s'appuie simplement sur la jurisprudence.
M. Gray a signalé le 8 avril qu'environ 20 % des successions sont gérées par les administrateurs d'AADNC et le reste par les administrateurs familiaux.
Nous craignons qu'AADNC se distance des décisions de ces administrateurs familiaux, afin de se soustraire à toute responsabilité éventuelle.
Dans ce contexte, les administrateurs familiaux sont en quelque sorte laissés à eux-mêmes pour prendre les décisions. Ils ont pourtant beaucoup à apprendre, comme les avocats. Nous devons en tenir compte, soutenir leur prise de décisions et leur donner des directives claires. Sinon, les successions ne seront pas gérées ou réglées.
Je ne savais pas qu'il existe des administrateurs dans les gouvernements provinciaux, mais M. Gray ou M. Saranchuk a dit le 8 avril que des contrats lient deux provinces pour la gestion des successions.
C'est assez intéressant. En plus des Premières Nations liées par ces contrats, le comité pourrait inviter ces administrateurs pour connaître leur point de vue sur le processus et pour savoir s'il y a des améliorations à apporter.
On a fait des commentaires sur les disparités régionales à votre dernière séance. Si on répartit les 20 % de successions gérées par AADNC, il existe une grande disparité entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, par exemple. Il semble que personne ne comprenait pourquoi, d'après la transcription de la dernière séance. Je vais donc vous donner mon point de vue, fondé sur les discussions de notre groupe de réflexion.
Il faut examiner comment les intérêts possessoires dans les réserves sont reconnus sur le plan juridique au pays. En Colombie-Britannique, beaucoup plus de certificats de possession ou d'occupation sont délivrés, ce que nous appelons des intérêts possessoires légitimes. En Alberta, il y en a beaucoup moins. Lorsqu'une personne décède, bien moins d'intérêts doivent être gérés qu'en Colombie-Britannique.
La Colombie-Britannique a aussi un processus relatif aux traités auquel un certain nombre de Premières Nations participent. Bien des gens doivent examiner toutes les successions en instance et se pencher sur les intérêts échus dans les réserves.
Certaines nations songent également à adopter la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Il faut examiner un certain nombre d'intérêts échus dans les réserves.
Si on vend sa maison située sur une terre ordinaire, on doit tenir compte de l'hypothèque et peut-être d'un certificat d'affaire en instance ou d'un genre de bref sur le titre de propriété. Avant de vendre la maison, on doit régler les intérêts en suspens.
C'est le même principe dans les réserves. Avant le transfert de la terre en vertu d'un traité, d'un accord d'autonomie gouvernementale ou de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, il faut examiner tous les intérêts échus. En Colombie-Britannique, il y a un grand nombre de certificats de possession qui sont délivrés et de vieilles successions qui prennent beaucoup de temps à régler. Je pense que les processus soulèvent ce genre de questions bien plus souvent en Colombie-Britannique qu'en Alberta, par exemple.
Cela explique sans doute pourquoi il y a une disparité entre les provinces.
Le testament olographe est assez facile à préparer et consiste à rédiger ses intentions sur la gestion de ses possessions après la mort. En général, il n'est pas litigieux si les intentions sur les possessions sont clairement indiquées et que la signature de l'intéressé y figure.
En gros, c'est les critères qu'il faut respecter en vertu des dispositions sur la rédaction testamentaire dans la Loi sur les Indiens. MM. Gray et Saranchuk en ont parlé à votre dernière séance.
Nous craignons qu'en remplacement de ces dispositions sur le testament olographe, l'exigence d'un testament solennel va forcer un Autochtone à consulter un avocat et l'empêcher de rédiger son testament dans la réserve, à l'aide de quelques directives.
Le testament est très différent du testament olographe, et certaines formalités doivent être respectées. Un témoin testamentaire ne peut pas être désigné à titre de bénéficiaire dans le testament. Ce sera difficile, car il faut informer tout le monde. Par exemple, vous avez pleine confiance en votre soeur parce qu'elle s'occupe beaucoup des affaires de votre famille. Or, si vous voulez aussi qu'elle reçoive quelque chose, alors elle ne peut servir de témoin pour votre testament, mais vous voulez qu'elle vous aide à le préparer.
Vous voudrez aussi probablement demander conseil pour savoir si vos legs ou les dispositions testamentaires seraient valides aux termes de votre testament. Pour le transfert de terres de réserves, si vous avez un intérêt légitime en tant que possesseur légal, comme un certificat de possession, vous voudrez en tenir compte dans votre testament et le transférer.
Il existe un concept que l'on appelle le bail au noir, qui est en quelque sorte un intérêt non officiellement reconnu sur les terres de réserve. Beaucoup de membres des Premières Nations vivent dans une roulotte depuis longtemps, et tout le monde sait qu'ils vivent sur une certaine parcelle de terre. Nous pouvons appeler cela un intérêt, mais ce n'est pas reconnu aux termes de la Loi sur les Indiens, et c'est un intérêt légitime non reconnu. Quand la personne qui vit dans la roulotte sur ce terrain rédige un testament, peut-elle vraiment transférer ce terrain à quelqu'un d'autre? C'est une chose que l'on doit aborder dans la Loi sur les Indiens, car il y a beaucoup d'intérêts de ce genre.
Je dirais qu'il vous faut beaucoup consulter les Premières Nations sur la façon de régler cette question, car il ne s'agit pas seulement d'introduire un régime de titres. Il y a de nombreuses questions à ce sujet en raison du caractère collectif des terres de réserve.
En ce qui concerne l'homologation, lorsqu'on veut rédiger un testament, on doit le faire homologuer et approuver par un tribunal. Si on vit dans une réserve à trois heures de route, on devra se rendre à un palais de justice ou ailleurs pour obtenir l'information ou, si on a la chance d'avoir accès à l'Internet, on peut imprimer le document et le remplir. Il faudra payer des frais d'homologation et probablement demander une aide ou des conseils juridiques.
Je ne sais pas si une personne vivant dans une réserve peut demander l'aide juridique et si elle satisfera aux exigences minimales pour l'aide juridique dans les provinces; de plus, comme nous le savons tous, les budgets pour l'aide juridique ont été réduits partout au pays.
De plus, que ferons-nous en ce qui concerne les 8 % de gens qui ont déjà un testament? On en a également discuté. Si 8 % des membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves ont rédigé des testaments et que nous prenons de nouvelles mesures, y aura-t-il quelque chose dans une loi ou ailleurs qui tiendra compte de ces testaments existants? Ces anciens testaments olographes seront-ils maintenus, ou exigerons-nous que les personnes obtiennent des conseils juridiques et rédigent un nouveau testament? Il sera difficile de retrouver ces gens. Il faudra leur dire qu'ils doivent reconsidérer tout cela, qu'ils ne peuvent céder cela de cette manière et qu'il est nécessaire d'adopter une nouvelle approche.
Au sujet des tuteurs et curateurs publics, je crois comprendre, d'après la séance de discussions où nous avons entendu trois tuteurs et curateurs publics de la Saskatchewan, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, qu'actuellement, ils n'ont pas les connaissances administratives ni l'expertise nécessaires pour régler les problèmes des Premières Nations dans les réserves. Certains en ont un peu. Il existe des cas de jurisprudence — mais ils sont rares — dont ils peuvent s'inspirer. Ils n'ont pas les connaissances ni le budget pour s'occuper de cela.
Si vous réfléchissez à l'idée de confier aux provinces la responsabilité de s'occuper de ces successions, pensez aux 3 600 dossiers ouverts actuellement et à leur transfert aux provinces. Imaginez l'exercice bureaucratique et administratif nécessaire pour déterminer quel groupe est inclus, ou que quelqu'un doit traiter avec le groupe de Colombie-Britannique parce que les dossiers sont beaucoup plus nombreux et que l'on devra affecter davantage de personnel. En Alberta, en Saskatchewan, dans les territoires et partout au pays, ce serait la même chose.
Voilà quelques éléments à garder à l'esprit, car cela semble être un processus relativement simple, mais il est en fait assez compliqué et il exigera beaucoup d'efforts.
Voilà mes commentaires.