Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Barry Fordham. Je représente la Newfoundland Federation of Hunters and Anglers. Je suis un cofondateur et agent de relations publiques de cet organisme. C'est à la fois un grand honneur et un privilège pour moi d'avoir la possibilité de vous parler aujourd'hui de la pêche récréative et de subsistance et de représenter ma province, Terre-Neuve-et-Labrador.
Ici, dans la belle province de Terre-Neuve-et-Labrador, la pêche à la morue représente un mode de vie traditionnel qui nous lie à nos racines historiques. Notre pêche à la morue jadis abondante faisait vivre une importante population rurale dans toute la province. Les résidents et leurs collectivités bénéficiaient d'une indépendance et d'une stabilité économique.
La morue est, et sera toujours, une importante source traditionnelle de nourriture pour la population de Terre-Neuve-et-Labrador. Les pêcheurs ne pêchent pas seulement pour le sport. Ils préparent soigneusement le poisson comme source traditionnelle de nourriture pendant l'hiver.
La pêche à la morue est également importante parce qu'elle sert de pont culturel pour transmettre à nos jeunes, des faits historiques, des noms, des histoires, des événements et des savoir-faire que nous voulons leur faire connaître. Ils pourront partager ces connaissances avec leurs enfants, ce qui garantira que notre héritage historique sera transmis aux prochaines générations et ne sera jamais oublié. Vous pourriez dire: « Oublié? C'est ridicule. C'est absurde. » Nous pensons que cela pourrait arriver.
Je vais prendre l'exemple de la pêche côtière commerciale. Avant le moratoire, la pêche côtière était surtout une activité familiale, les fils pêchant avec leurs pères et grands-pères et apprenant tout ce qu'il faut savoir pour pouvoir se lancer seuls. Ils pouvaient ensuite enseigner à leurs fils, assurant ainsi la transmission des connaissances et du savoir-faire.
La pêche côtière est maintenant fermée depuis près de 23 ans. Il s'est écoulé énormément de temps et au moins trois générations ou plus d'expérience, de connaissances et de savoir-faire ont peut-être été perdues, au point où si la pêche côtière commerciale était rouverte aujourd'hui, il n'y aurait peut-être pas assez de gens pour y participer à cause de la perte du savoir-faire ou de l'intérêt.
Après l'annonce du moratoire, en 1992, un nuage d'incertitude a plané au-dessus des régions rurales de Terre-Neuve et du Labrador. Le gouvernement fédéral a fourni aux pêcheurs une aide monétaire pendant un certain temps, mais les gens ont fini par se lasser et ont commencé à émigrer pour trouver de l'emploi et une nouvelle vie. Nos collectivités autrefois dynamiques ont commencé à prendre des airs de ville fantôme dans certaines régions.
Le MPO a alors annoncé une pêche récréative et de subsistance pour la morue, avec des lois et des règlements prévoyant par exemple, des dates et des limites de prises. Il y a eu un système de permis et d'étiquettes pendant un certain nombre d'années, mais il a finalement été abandonné.
Pendant que la saison de pêche récréative et de subsistance a cours, une forte proportion de notre population y participe. Nos villes fantômes reprennent vie. Des vieux amis se réunissent sur les quais où il y a beaucoup d'animation. Les enfants écoutent attentivement les vieilles histoires, apprennent des nouveaux savoir-faire, par exemple comment pêcher le poisson et le préparer, et se font de nouveaux amis. Les gens organisent maintenant leurs vacances annuelles autour de ces dates. Les entreprises locales en profitent. Cela attire beaucoup de touristes. Les pêcheurs commerciaux, pour qui nous avons le plus grand respect, en bénéficient en amenant des touristes et des gens de la localité dans leurs zones de pêche. Chaque année, cela stimule énormément l'économie de la province, surtout dans les stations-service et les magasins locaux d'articles de sport.
Un des plus gros obstacles qui s'opposent à la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador est le mauvais temps, plus précisément, les vents forts et la mer agitée qui les accompagne. Il y a tellement de vent à Terre-Neuve-et-Labrador qu'on se demande pourquoi on ne nous surnomme pas la province Chicago du Canada. Le mauvais temps annule nos voyages de pêche, ce qui nous fait perdre des occasions. L'année dernière, par exemple, notre saison d'automne n'a pas été fameuse, surtout à cause des vents très forts, même si elle a été prolongée de quelques jours.
Cette année, notre saison doit commencer le 18 juillet et se terminer le 9 août, puis reprendre du 19 septembre au 27 septembre, ce qui donne un total de quatre semaines plus deux jours. La limite de prises est de cinq morues par personne et par jour, et la limite par bateau est de 15 morues. Les maquereaux gardés ne comptent pas dans la limite de prises.
Dans certaines régions du Québec et des Maritimes, la durée de la saison est de quatre, cinq ou six semaines concomitantes. La limite de prises est de 15 poissons de fond par personne et par jour. Je dois mentionner que, dans cette limite, il ne peut pas y avoir plus cinq morues.
D'autre part, il y a dans la région du sud du golfe une saison de pêche récréative à partir de la rive où il n'est pas permis de garder la morue, mais où l'on peut garder le maquereau. Autrement dit, si vous pêchez en bateau, vous devez rester à moins de 50 mètres du rivage. Si vous pêchez à partir de la rive, probablement à la cane et au moulinet, vous ne pouvez pas envoyer votre hameçon à plus de 50 mètres. Bonne chance.
Cette année, la saison a été ouverte du 15 avril au 4 octobre, ce qui donne un total de 172 jours. La Newfoundland Federation of Hunters and Anglers voudrait que la saison soit prolongée et combinée pour plusieurs raisons, car n'oublions pas que la plupart des gens travaillent du lundi au vendredi et n'ont peut-être que les samedis et les dimanches pour s'adonner à la pêche.
La première et la principale raison est la sécurité. Comme je l'ai dit, la météo joue un grand rôle ici, à Terre-Neuve-et-Labrador. Les pêcheurs prennent parfois de gros risques en prenant la mer quand les conditions météorologiques sont incertaines, à cause du manque de temps. Certains pêcheurs utilisent parfois des embarcations douteuses, ce qui présente un risque supplémentaire pour leur sécurité. Il y a eu des noyades chaque année pendant la saison de pêche récréative et de subsistance comme en ont parlé les médias.
Ensuite, cela réduit les occasions de pêcher, car de nos jours, ce n'est pas tout le monde qui possède un bateau. Je peux aller voir un ami qui vient de rentrer de la pêche pour lui demander s'il peut nous emmener pêcher, mon fils et moi. S'il me répond qu'il a un autre engagement, c'est une autre occasion de perdue.
Nous voulons aussi que la saison soit prolongée et combinée pour nous mettre à l'égalité avec le Québec et les Maritimes. Je ne cherche pas à leur enlever quoi que ce soit, mais pourquoi nos saisons ne peuvent-elles pas avoir lieu en même temps, comme les leurs?
Nous voudrions aussi que la pêche récréative à partir de la rive mise en place dans la région du sud du golfe à Terre-Neuve-et-Labrador soit également assujettie à l'interdiction de garder la morue pendant la fermeture de la pêche récréative et de subsistance. Comme nous avons grandi dans une localité côtière, nous avons toujours pêché installés dans les rochers ou sur le quai. C'était notre passe-temps favori. Nous avons appris à pêcher, à faire un noeud , à prendre un poisson et à le remettre à l'eau. Nous avons acquis des connaissances de base et forgé des amitiés. Nous avons des souvenirs qui dureront toute notre vie. Nous voudrions que nos jeunes puissent faire eux aussi ce que nous avons fait quand nous étions jeunes. Si vous vous promenez aujourd'hui sur la plupart des quais, vous ne verrez peut-être pas un seul jeune avec une canne à pêche. Ils ne sont pas autorisés à pêcher pendant la fermeture de la pêche récréative et de subsistance.
Ça, messieurs, c'est le comble du ridicule. L'interdiction de pêcher prive nos enfants d'une des plus belles expériences qu'offre la nature.
La courte saison, encore raccourcie à cause du mauvais temps, nous pousse à sortir pendant quelques jours prendre les cinq poissons quotidiens. Pour répondre aux besoins de ma famille, il faut environ 40 morues. Si je suis seul, je dois pêcher pendant au moins huit jours successifs. La chance ne sera peut-être pas au rendez-vous. Encore une fois, cela dépend du temps, de la météo et des possibilités. À moins d'avoir mon propre bateau, je ne pourrais peut-être même pas prendre suffisamment de poissons pour nous nourrir pendant l'hiver, ce qui est important pour ma famille.
Nous sommes convaincus que si la saison est prolongée et combinée, le nombre de pêcheurs ou de journées de pêche n'augmentera pas. En général, tout le monde se précipite au début de chaque saison. Néanmoins, les pêcheurs s'habitueront à la nouvelle saison. Nous pourrons choisir la période où nous serons en sûreté et qui nous conviendra au lieu d'être poussés à aller pêcher ou de risquer d'affronter des mauvaises conditions météorologiques.
Pour ce qui est des affirmations selon lesquelles les gens prendront trop de poisson si la saison est prolongée, un rapport récent indique qu'au cours de la saison de pêche récréative et de subsistance de 2014, le total des prises a été d'environ 1 500 tonnes. Globalement, les prises totales atteignaient à peu près 11 000 tonnes. Dans ses propres communiqués, notre gouvernement provincial s'est plaint sans succès au MPO du traitement injuste de Terre-Neuve-et-Labrador par rapport à nos provinces soeurs en ce qui concerne la pêche récréative et de subsistance. Lorsqu'elle a été interviewée à l'émission Here and Now—Newfoundland and Labrador de la CBC, la veille de l'ouverture de la pêche récréative et de subsistance en 2014, la ministre des Pêches fédérale, l'hon. Gail Shea a reconnu qu'elle serait prête à envisager des moyens de rendre cette pêche plus sûre.
J'espère que la ministre Shea et votre comité écoutent ce que je dis. Il est grand temps d'agir. C'est maintenant qu'il faut préparer l'avenir. Cette décision importante permettrait d'éviter d'autres noyades cette année. Comme c'est la dernière année du plan de gestion 2013 à 2015 du MPO, accordez-nous cette saison prolongée et combinée avec la même limite de prises que par le passé. L'année prochaine, nous pourrons mettre au point une entente qui sera acceptable, respectable et sensée. Faites-le pour notre sécurité, notre succès, notre patrimoine, notre héritage historique et pour le respect que Terre-Neuve-et-Labrador mérite au Canada, notre pays.
S'il me reste du temps, je voudrais également parler de la pêche récréative au saumon.