Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi S-3, Loi de mise en oeuvre de l’Accord sur les mesures de l’État du port, qui vise à modifier la Loi sur la protection des pêches côtières.
Le nom complet de l’Accord sur les mesures de l’État du port est « Accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ». Cet accord, adopté en 2009, était le premier traité mondial mettant particulièrement l'accent sur le problème de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Il s'agissait, en quelque sorte, d'un accord historique. Il visait à mettre un terme à la dévastation causée par la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, qui est un fléau mondial et qui nuit considérablement à la viabilité des pêches partout dans le monde. En fait, on estime que le coût de cette pratique est de 10 à 23 milliards dollars. Nous devons y mettre fin.
J'ai mentionné un peu plus tôt qu'un groupe de travail dont le Canada faisait partie — le Groupe de travail ministériel sur la pêche hauturière illégale, non déclarée et non réglementée — avait parlé en 2005 de la nécessité de prendre des mesures immédiatement. Ce groupe avait publié un rapport intitulé « Les mailles du filet se resserrent ». Il s'agissait-là d'une étape importante. Puis, en 2007, il y a eu le traité. Nous sommes en 2015, et presque 10 ans se sont écoulés depuis que le groupe a parlé de la nécessité de prendre des mesures immédiatement. Pourtant, ce n'est que maintenant que nous tentons d'adopter des règlements en la matière, malgré l'importance de cette question.
Nous appuyons le projet de loi. Je tiens à ce qu'il soit clairement établi dans le compte rendu que le Nouveau Parti démocratique, l'opposition officielle à la Chambre, appuie le projet de loi car il reconnaît que la pêche illégale, non déclarée et non réglementée nuit aux pratiques durables des pêches légitimes, y compris au Canada, et constitue une concurrence déloyale en matière d'exploitation durable des produits de la mer.
Les modifications proposées contribueraient à la protection des pêcheurs et des localités de pêche contre la concurrence déloyale, mais elles constituent seulement la première étape dans la prévention de la pêche illégale. Lorsque nous aurons ratifié l'Accord sur les mesures de l'État du port, il nous faudra ensuite jouer un rôle de chef de file en encourageant d'autres pays à aller de l'avant avec l'accord.
Le dernier député qui a pris la parole a parlé de donner l'exemple. Cela fait huit ans que nous attendons d'en arriver à cette étape-ci. Si c'est ça, donner l'exemple, c'est un bien mauvais exemple. Il nous faut un gouvernement qui soit disposé à jouer un rôle de premier plan pour encourager d'autres pays, le plus vigoureusement du monde, à prendre au sérieux leurs responsabilités en leur qualité de gardiens de la planète.
Le problème touche principalement la pêche en haute mer, mais il faut également veiller à ce que tous les pays déploient d'importants efforts pour appliquer le règlement chez eux, dans leurs eaux territoriales, les eaux limitrophes ou les eaux où vivent des espèces qui se chevauchent.
Le bilan du gouvernement en matière d'application du règlement compte certaines lacunes. Nous savons qu'aux termes de l'accord de l'OPANO, le Canada a un rôle important en matière de surveillance et d'application. Cependant, ces dernières années, le nombre d'heures de vol d'aéronefs de surveillance est passé de 1 000 à 600 par année. C'est une diminution de 40 %. Nous avons également constaté que le nombre de jours passés en mer à mener des activités de surveillance a diminué de 25 %. Voilà qui illustre le manque de sérieux que le gouvernement accorde au problème important de la pêche illégale, autant dans nos propres eaux que dans les zones de l'OPANO et les zones où des stocks de poissons chevauchants passent des eaux internationales aux zones réglementées. Il est extrêmement important d'effectuer une surveillance maritime et aérienne afin de veiller à ce que tout écart soit repéré et de faire en sorte que notre régime d'application soit crédible et qu'il ait un effet dissuasif sur ceux qui souhaiteraient enfreindre la loi.
Nous, les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, connaissons trop bien les conséquences de la dévastation des stocks de poissons. Je pense qu'il vaut la peine de rappeler à tous les Canadiens l'histoire du moratoire sur la pêche à la morue, qui a commencé en 1992, et les effets dévastateurs de celui-ci, qui était le résultat de la surpêche, de la pêche non déclarée et de la pêche illicite. Il a eu des conséquences catastrophiques dans toute la région de l'Atlantique, mais en particulier dans ma province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Je peux vous dire que, sur la côte Nord-Est de Terre-Neuve-et-Labrador et dans le Canada atlantique, la pêche de poissons de fond a diminué de 500 000 tonnes, et 12 000 pêcheurs ainsi que 15 000 travailleurs des usines de transformation de poisson ont perdu leur emploi en raison du moratoire sur la pêche à la morue. L'effondrement de la pêche à la morue en 1992 a fait perdre leur emploi et leur revenu à 25 000 personnes. Je vois mon collègue d'en face écouter attentivement. Dans une province comme Terre-Neuve-et-Labrador, une région côtière parsemée de petites collectivités, ces pertes ont été catastrophiques.
Imaginons un peu les effets dévastateurs d'un événement comparable sur le secteur de l'automobile en Ontario, par exemple, qui entraînerait la disparition du gagne-pain d'un aussi grand nombre de personnes. C'est ce qui s'est passé à la suite de l'effondrement des stocks de morue. Il en a résulté un dépeuplement d'une bonne partie de Terre-Neuve-et-Labrador, surtout des régions où les gens dépendaient largement de cette pêche. La population au large de la côte Nord-Est de Terre-Neuve, en particulier dans la péninsule Great Northern, a diminué. Les effets se font encore sentir aujourd'hui, puisque les stocks de morue ne se sont pas rétablis.
Le projet de loi est très important, car il fait bouger les choses. Comme je l'ai dit au début, cette mesure législative se faisait attendre depuis longtemps, mais nous ne la traitons pas avec toute l'urgence qu'elle mérite. C'est en 2012 qu'elle a été présentée au Sénat pour la première fois. J'ignore pourquoi elle n'a pas été renvoyée à la Chambre des communes, où les élus auraient probablement insisté pour agir avec toute la célérité nécessaire. Elle se retrouve donc ici, en 2015. Bref, ce projet de loi a été présenté pour la première fois en 2012 au Sénat, où il a atteint l'étape de la troisième lecture en 2013, mais en raison de la prorogation, il est mort au Feuilleton. Par la suite, il a été présenté de nouveau au Sénat, où il a été adopté, mais nous avons dû attendre jusqu'en février 2014 avant que la Chambre des communes en soit saisie.
Les néo-démocrates reconnaissent quelques changements notables. Nous sommes heureux de voir que les dispositions ont été modifiées pour prévoir des inspections afin d'empêcher l'entrée de poissons pris dans le cadre d'une pêche illicite, non déclarée et non réglementée dans les ports des États ayant ratifié le traité. Non seulement le projet de loi accorderait des pouvoirs d'inspection et de surveillance, mais il permettrait aussi d'établir un système de déclaration international pour surveiller les agissements des bateaux et des États qui participent à des activités de pêche illicite. Il s'agit là de mesures importantes, mais elles doivent être appliquées en collaboration avec tous les pays du monde, surtout ceux qui ont un bilan peu reluisant quand vient le temps de faire respecter les lois en matière de pêche par leurs citoyens. C'est un problème auquel se heurte le Canada, en particulier dans la zone de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, mais il en a toujours été ainsi au large des côtés, jusqu'à ce que la limite des 200 milles soit établie, et même depuis.
La dévastation des stocks de morue au large de Terre-Neuve-et-Labrador et de la côte Nord-Est est très bien documentée. Un livre vraiment fascinant a été écrit en 1983 par un certain William Warner; ce livre s’intitule Distant Water. Il explique que l’arrivée des chalutiers-usines congélateurs dans les années 1950 jusqu’au début des années 1980 a permis de retirer 11 millions de tonnes de morue des eaux au large de la côte Nord-Est. L’avènement de méthodes de pêche qui dévastaient les océans en permettant de capturer les poissons reproducteurs et de pêcher dans les glaces au large du Labrador, et jusqu’aux États-Unis a entraîné une dévastation catastrophique de cette immense biomasse, qui est une source extrêmement importante de protéines pour la planète.
La population mondiale est actuellement en croissance. Nous devons pratiquer une pêche durable partout dans le monde. Il faut aussi qu’il y ait de la coopération internationale en haute mer pour nous assurer de la viabilité des pêches intérieures, comme celles en Afrique, qui connaissent des difficultés, parce que les lois ne sont pas appliquées. Il faut de la coopération en la matière. Il faut qu’il y ait un sentiment d’urgence, et le gouvernement doit se manifester à ce sujet. Or, je n’entends rien venant de l’autre côté. Une personne dira peut-être en faisant un commentaire sur le discours qu’il y a un programme ou un plan pour nous servir de l’influence du Canada.
Comme mon collègue vient tout juste de le dire, seulement 11 pays ont ratifié l'accord alors qu'il en faut 25 pour que celui-ci entre en vigueur. Les conservateurs se vantent du nombre de pays avec lesquels ils ont négocié et conclu des accords de libre-échange depuis leur arrivée au pouvoir, en 2006. Il y a lieu de se demander combien de fois ils se sont dit, dans le cadre de ces négociations: « Nous voulons faire des échanges commerciaux et des affaires avec d'autres pays. Nous sommes un pays côtier où la pêche est très importante et pour qui la coopération internationale dans ce domaine est essentielle, et nous voulons que l'Accord sur les mesures de l'État du port entre en vigueur. C'est pourquoi nous demanderons à tous nos partenaires commerciaux de le ratifier. »
C'est ce genre de pression que le gouvernement pourrait exercer s'il croyait qu'il est urgent de régler ce problème international et, par le fait même, d'assurer la pérennité de l'industrie de la pêche au Canada. La pêche est très profitable pour le Canada, Terre-Neuve-et-Labrador, la côte Ouest, les régions du Québec et les Grands Lacs. La pêche dans les eaux intérieures, bien qu'elle ne soit pas directement visée par ce projet de loi, est aussi très importante. Nous devons respecter les océans, nous devons assurer la pérennité de l'industrie de la pêche et nous devons prendre des mesures à cet égard.
C'est tout ce que j'avais à dire pour l'instant. J'aimerais ajouter que nous appuyons le projet de loi. Nous voulons qu'il soit adopté, mais nous voulons aussi que le gouvernement prenne des mesures concrètes afin que l'accord soit ratifié par 25 pays. Nous voulons que le Canada soit un leader dans ce dossier.