Monsieur le Président, il me fait plaisir d'appuyer la motion de mon collègue de Marc-Aurèle-Fortin, qui est très à propos. On parle beaucoup de la défense des consommateurs et des petites et moyennes entreprises. Il en était question dans le discours du Trône et même dans les deux derniers budgets du gouvernement conservateur. Toutefois, il y a loin de la parole aux actes.
La motion s'attaque à un élément que déplore réellement l'ensemble des petites et moyennes entreprises au Québec et au Canada, soit les frais d'interchange liés aux cartes de crédit et assumés par l'entreprise. Ces frais sont très élevés, au Canada. On parle d'environ 1,5 %, mais ils peuvent aller jusqu'à 4 % dans le cas des cartes de primes avec lesquelles les utilisateurs reçoivent des points qu'ils peuvent échanger contre diverses récompenses ou marchandises. Il faut réaliser que ces cartes, qui, évidemment, sont à l'usage de l'utilisateur, sont en grande partie payées par les commerçants mêmes et les autres consommateurs. C'est en fait une idée de marketing et de mise en marché très intéressante pour les compagnies en matière de publicité de leurs cartes de crédit. Toutefois, au bout de compte, cela représente des frais supplémentaires qui sont assumés par l'ensemble des consommateurs et qui contribuent à hausser les prix.
Je dis cela parce qu'il y a eu des expériences à l'extérieur du pays, que ce soit en Australie ou même dans l'Union européenne, où ces frais ont été limités. Pour les petites entreprises dont la marge bénéficiaire, dans bien des cas, peut être de 5, 6 ou 7 %, ce n'est pas énorme. Toutefois, lorsque les paiements par carte de crédit grugent entre 1,5 et 4 % de cette marge bénéficiaire, il devient extrêmement difficile pour ces petites entreprises de survivre. Quel autre choix ont-elles? Celui de ne plus offrir le paiement par carte de crédit.
On sait très bien que le fait de refuser le paiement par carte de crédit aujourd'hui est extrêmement désavantageux, parce que beaucoup de gens utilisent leur carte de crédit pour régler leurs achats quotidiens. Cette option semble être la seule issue pour ces compagnies, mais, au bout du compte, elle n'est pas réaliste parce que, évidemment, les consommateurs qui ne peuvent pas payer par carte de crédit et qui n'ont pas l'habitude d'utiliser une carte de débit ou de l'argent comptant risquent d'aller dans un autre commerce.
La motion est très à propos parce qu'elle affirme l'intention de l'opposition officielle en matière de plafonnement des frais d'interchange liés aux cartes de crédit. Elle affirme notre intention de ne plus nous fier uniquement au code volontaire, qui semble être le chouchou du gouvernement conservateur, mais d'imposer des restrictions réelles qui vont bénéficier à l'ensemble des PME, des commerçants et, par extension, des consommateurs également.
Le gouvernement dit qu'il a déjà, à l'issue d'une négociation, réussi à faire en sorte que Visa et Mastercard, qui sont les deux grands émetteurs de cartes, acceptent volontairement un certain plafonnement des frais d'interchange. Toutefois, ce n'est pas suffisant. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et d'autres entreprises ou organisations représentant la petite entreprise et le milieu du commerce sont toujours sur le qui-vive et ne savent toujours pas à quel moment Visa et Mastercard pourraient changer d'idée et jouer leurs cartes d'une manière qui contournerait ce code volontaire.
Ce qu'il faut réellement n'est pas un code volontaire, mais une réglementation émanant du gouvernement fédéral. On pourrait toujours discuter de la manière d'appliquer cette réglementation et de ses paramètres. Toutefois, il est clair que le gouvernement peut jouer un rôle dans un marché comme celui des cartes de crédit qui n'est pas libre ni concurrentiel, mais qui est un duopole. Visa et Mastercard contrôlent environ 92 % du marché. Même un acteur connu comme American Express n'arrive pas vraiment à gruger les parts détenues par Visa et Mastercard. Dans un contexte où nous faisons face à un duopole, c'est une imperfection du marché, un échec et une faillite des lois du marché. En ce sens, le gouvernement est tout à fait justifié d'intervenir pour la protection du consommateur, de l'industrie ou du commerce.
À cet égard, on peut regarder les exemples de réglementations, comme celle-ci, qui ont été adoptées partout dans le monde. L'Australie est un exemple intéressant. Je ne dis pas qu'un gouvernement néo-démocrate procéderait de la même manière, mais il reste que cela mérite d'être étudié.
En Australie, la décision de plafonner les frais d'interchange est assumée par la Banque centrale d'Australie. La décision n'est donc pas entre les mains du gouvernement fédéral, ce qui n'est pas une mauvaise chose, mais revient plutôt à l'autorité qui gère la politique monétaire du pays. C'est une avenue intéressante qui démontre qu'une telle réglementation ou direction peut être mise en place avec succès. D'ailleurs, si nos frais d'interchange oscillent ici entre 1,5 % et 4 %, l'Australie a réussi à diminuer les siens de manière significative.
D'autre part, l'Union européenne vient d'adopter une réglementation qui vise à imposer un plafond de 0,3 % aux frais déboursés par les commerçants pour les cartes de crédit et même un plafond de 0,5 % aux frais reliés aux cartes de débit. Force est donc de constater qu'il existe une volonté politique en Europe de faire face à une situation réelle qui pénalise les petites et moyennes entreprises.
Si l'Union européenne vient de limiter ce taux à 0,3 %, l'Australie, en 2006, l'a réduit à 0,5 %. Bien sûr, Visa, MasterCard et les autres émetteurs de cartes de crédit vont dire que cela va les ruiner et qu'il n'y aura pas moyen d'assurer un service efficace si on bouleverse le marché ainsi. C'est ce qu'ils ont dit en Australie pour essayer de freiner les efforts du gouvernement australien. Ils ont dit que, si l'État s'en mêlait, les conséquences seraient désastreuses.
Or, en réalité, l'utilisation des cartes de crédit a continué d'augmenter après 2006. Il n'y a pas eu de bouleversement du régime de cartes de crédit en Australie. Les compagnies se sont adaptées. Elles ont réduit leurs coûts ailleurs et se sont adaptées à cette diminution de leurs revenus planifiée par le gouvernement de l'Australie au moyen de cette réglementation.
Alors, il est clair qu'on doit faire quelque chose. Dans ma circonscription, lorsque je parle aux commerçants des codes de conduite volontaires, ils aiment bien cela. Toutefois, lorsque je leur parle des frais d'interchange reliés à l'utilisation des cartes de crédit qu'ils doivent payer, ils ont une réaction généralisée: ces frais grugent leur marge bénéficiaire qui, bien souvent, n'est pas élevée.
Ainsi, lorsque je leur parle de la proposition néo-démocrate, personnifiée dans cette motion par mon collègue de Marc-Aurèle-Fortin, ils voient une volonté réelle de changer les choses d'une manière concrète. C'est le meilleur cadeau que nous pouvons faire à nos artisans et à nos commerçants, qui ne visent qu'à offrir des services dans leur communauté et qui veulent faire croître leur entreprise. Toutefois, pour ce faire, ils doivent être en mesure de mettre de côté cette marge bénéficiaire pour leurs investissements futurs, afin d'avoir une plus grande présence sur leur propre marché intérieur, au sein de leur communauté.
C'est la raison pour laquelle ils accueillent favorablement la proposition du NPD, qui est bien connue. Il y a trois ans, j'accompagnais le député de Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, qui était alors porte-parole en matière de tourisme et de PME. Nous avions lancé une campagne pour sensibiliser la petite entreprise et le monde du commerce au Québec et au Canada.
À cette époque, c'était la députée de Sudbury qui menait la campagne dans le reste du pays. Cette campagne a été très courue, tant par les chambres de commerce que par des organisations comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Cela fait déjà trois ans, mais on a besoin de mettre en oeuvre cette mesure. On en avait grandement besoin bien avant le lancement de cette campagne, et c'est la raison pour laquelle nous allons continuer à promouvoir une réglementation plus stricte.
La motion du député de Marc-Aurèle-Fortin est donc la bienvenue. Elle dévoile la direction que l'opposition officielle va prendre lorsqu'elle formera un gouvernement néo-démocrate, à partir d'octobre 2015, afin d'aider la petite entreprise et le commerce canadien et québécois à faire face aux divers défis auxquels ils sont confrontés, en plafonnant les frais d'interchange des cartes de crédit.