Monsieur le Président, j'aimerais commencer par citer Macbeth:
Les bonnes choses du jour s'inclinent et s'assoupissent,Tandis que les noirs agents de la nuit se dressent vers leur proie.Tu t'étonnes de mes paroles; sois tranquille:Ce qui commence par le mal s'affermit par le mal.
Je dirais que le projet de loi dont nous sommes saisis commence par le mal. C'est le germe d'une mauvaise graine enfouie dans le terreau de la mauvaise foi partisane, afin de semer la zizanie chez les Canadiens. Cette graine a été semée par l'ancien ministre et ancien élève de l'University of Toronto Schools, Garth Turner, qui, lors de la crise du Liban, a popularisé le terme « citoyen canadien par opportunisme ».
Même si bien des Canadiens croient que certains de leurs concitoyens abusent de leur citoyenneté en quittant le Canada, je dirais que ce n'est pas le cas, et que nous devons défendre les droits de tous les citoyens canadiens, quelle que soit leur origine, et même s'ils choisissent de partir, car la loi canadienne nous l'ordonne.
La tyrannie de la majorité est dangereuse.
Je cite Thoreau:
[...] La raison concrète pour laquelle, une fois le pouvoir aux mains du peuple, il est permis à une majorité de régner et de maintenir son règne pendant une longue période, ce n'est pas qu'elle a le plus vraisemblablement raison, ni que cela semble le plus juste à la minorité, mais qu'elle est physiquement la plus forte. Mais un gouvernement où la majorité règne dans tous les cas ne peut être [toujours] basé sur la justice [...]
Je crois que c'est le cas avec ce projet de loi. Je crois que c'est un signe de lâcheté politique de la part du gouvernement et j'aimerais qu'une personne prenne la parole, comme un autre ministre l'a fait, et pose des questions pertinentes à son propre gouvernement afin de savoir pourquoi il fait preuve de lâcheté politique à cet égard.
J'aimerais fournir des précisions au sujet de certaines affirmations qui ont été lancées dans le cadre du débat, plus particulièrement par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. De toute évidence, il avait tort lorsqu'il a interrompu le débat et prétendu que la Constitution de notre pays n'est pas une loi, alors que nous faisions valoir que son parti crée une loi qui surpasse la loi.
Le dictionnaire Merriam-Webster définit ainsi le terme « constitution »:
Principes de base et lois d'une nation qui déterminent les pouvoirs et les fonctions du gouvernement et garantissent certains droits à la population.
Le ministre devrait avoir appris de son père, Bruce Alexander, qui a siégé sous la direction de Bill Davis, le premier ministre de l'Ontario auquel on doit le rapatriement de la Constitution de 1982, que la Constitution est en fait la plus haute loi du pays. Elle définit le pays tout entier ainsi que la façon dont le gouvernement devrait agir. Elle fixe des limites au gouvernement, afin qu'il n'abuse pas de sa majorité.
Tout le monde sait que certains aspects de la Constitution, en particulier la Charte des droits et libertés, dérangent le gouvernement actuel.
Or, deux droits prévus par la Charte vont à l'encontre de la notion populaire de citoyenneté canadienne par opportunisme. L'un d'eux, énoncé à l'article 6, se lit comme suit:
Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir.
Je suis d'avis que la genèse du projet de loi est cette notion populaire de citoyenneté canadienne par opportunisme. Des citoyens canadiens par opportunisme, cela n'existe pas. Le droit de sortir du pays est un droit fondamental pour tout citoyen canadien.
L'autre droit, énoncé à l'article 15, repose sur le principe de l'égalité devant la loi, indépendamment de l'origine nationale. Qu'on soit originaire de la Chine, de la France, du Royaume-Uni, de la Turquie ou du Liban, peu importe; quand on vient au Canada et qu'on acquiert la citoyenneté canadienne, on est citoyen canadien, un point, c'est tout.
Il est décevant que cette critique de la Constitution et de la Charte des droits et libertés vienne d'un homme qui a été privilégié par la vie et dont le père, un éminent avocat, a travaillé sous la direction d'un homme que d'aucuns considèrent sans doute comme l'un des plus grands premiers ministres provinciaux du pays, même si je ne partage pas nécessairement cet avis. Son père a travaillé sous l'administration de Bill Davis, l'artisan du rapatriement de la Constitution de 1982, qui renferme la Charte des droits et libertés, avec laquelle, comme nous le savons, ce côté-là de la Chambre n'est pas toujours d'accord.
Je suis déçu de constater que le député ne peut pas défendre la loi suprême du pays, c'est-à-dire notre Constitution. Quand une personne s'oppose à la Constitution ou tente de la contourner, il existe un mot pour décrire ce comportement. Ce mot, c'est « sédition ». Il est séditieux de tenter de contourner la Constitution d'un pays et d'inciter la population à se soulever contre sa loi suprême. Semer la discorde entre les Canadiens, c'est faire preuve d'un comportement séditieux.
J'estime que, en présentant à la Chambre cette mesure législative particulière, soit le projet de loi C-24, le gouvernement tente de semer la discorde entre les Canadiens. Il tente de contourner la Charte des droits et libertés, ce qui donnera lieu à des contestations en vertu de la Constitution, lesquelles, à leur tour, entraîneront des coûts qui devront être assumés par les contribuables canadiens. Chaque fois qu'il y a une contestation judiciaire en vertu de la Constitution, le gouvernement a recours aux services d'avocats. Tout cela entraîne énormément de coûts, et le gouvernement, qui se targue pourtant de défendre les contribuables canadiens, n'hésitera pas à leur refiler la facture lorsqu'il devra se défendre dans toutes les contestations qui ne manqueront pas de découler de ce projet de loi mal conçu.
En terminant, je tiens à dire que ce débat me touche personnellement. En tant que père d'une fille qui a la double citoyenneté, je connais bien les rouages du système. J'ai vu comment il déchire les familles et les tient séparées. Après la naissance de ma fille, je n'ai pas pu la voir pendant au moins 12 ou 13 mois tout simplement à cause du processus d'immigration et du temps qu'il faut pour réunir les familles. Permettez-moi de vous dire que c'est très stressant pour les familles. Je suis très troublé de constater que ma fille, qui a la double nationalité, ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits que moi.
Un gouvernement futur pourrait décider que, pour une raison ou une autre, elle a commis un acte de trahison. En effet, le concept de trahison existe dans l'histoire, par exemple dans l'affaire Brown c. Virginia, où une personne souhaitait abolir l'esclavage. À cette époque, si la majorité n'était pas d'accord avec l'accusé, celui-ci était jugé pour trahison et pendu. Examinons ce que nous sommes en train de faire, car, parfois, la majorité et le sentiment populaire d'un pays ne sont pas toujours les meilleurs guides qui soient. Les décisions qui sont prises ne sont pas toujours les bonnes. Nous devons examiner cette situation et y réfléchir.
J'incite fortement le gouvernement à retirer le projet de loi, car beaucoup d'éléments posent problème. Il va dans toutes les directions. J'estime qu'il a été mal conçu et qu'il s'inspire, à tort, d'une croyance populaire. Je demande au ministre et au ministère de revoir le projet de loi parce qu'il aura de graves conséquences sur de nombreux Canadiens.
La mesure législative renferme de bons éléments, notamment la partie sur les Canadiens ayant perdu leur citoyenneté, il s'agit d'ailleurs d'un de ses meilleurs aspects. Par contre, d'autres éléments sont plus inquiétants, surtout l'idée de la révocation de la citoyenneté; les gens qui sont nés ici n'auraient rien à craindre, mais les gens qui ont une double nationalité pourrait voir leur citoyenneté canadienne leur être retirée.
C'est un problème. Prenons ma fille comme exemple. Elle est tout aussi Canadienne que chacun d'entre nous ici présents. Elle n'est peut-être pas née au Canada, mais lorsqu'elle chante le Ô Canada, lorsque je vois la fierté dans son visage, je crois qu'elle est Canadienne à part entière. Même si elle avait quitté le pays et passé 27 ans à l'étranger comme le ministre l'a fait, que ce soit pour servir le pays ou pour toute autre raison, je croirais qu'elle est foncièrement Canadienne. Nous ne devrions jamais retirer la citoyenneté à un citoyen canadien, peu importe la raison.
Il existe des recours en justice pour les gens qui ont commis des crimes. J'estime que le gouvernement choisit la solution facile en proposant la révocation de la citoyenneté. Des règles de droit existent déjà pour punir les criminels. Nous disposons d'un solide système judiciaire qui tranche dans de telles situations.
Le gouvernement utilise cette mesure législative pour diviser les Canadiens, et c'est décevant. Je soutiens que le projet de loi est séditieux, car il saperait la Constitution.