Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi d'appuyer aujourd'hui le projet de loi S-2 , Loi sur l'incorporation par renvoi dans les règlements.
J'aimerais d'abord revenir sur ce que disait mon collègue quant à la manière dont le gouvernement respectait la volonté du Parlement. Le Parti libéral, dont les députés sont assis dans le coin là-bas, est en train de nous dire que le gouvernement a eu tort d'abolir le registre des armes d'épaule. Les Canadiens s'étaient pourtant clairement prononcés contre ce registre et nous avaient donné le mandat de le faire disparaître. C'est à ce moment que le Parlement, en exerçant sa souveraineté, a exprimé sa volonté et décidé qu'il en serait ainsi. Je rappelle que la décision d'en détruire les données a été avalisée par un tribunal provincial. Comment le député peut-il insinuer que le gouvernement a mal agi?
Tout ce dossier se résume à une chose: la souveraineté du Parlement. Certaines des objections au projet de loi dont la Chambre est saisie reposent justement sur ce principe. Avant d'y répondre, j'aimerais situer le projet de loi dans son contexte et expliquer en quoi il était important que le Parlement en soit saisi.
Tout d'abord, pour mettre en contexte une partie de l'opposition au projet de loi, j'aimerais fournir une définition de ce qu'est un règlement. Ceci est tiré site Web du Conseil du Trésor:
Le règlement est l'un des instruments utilisés par le gouvernement pour atteindre un objectif de politique publique et améliorer la qualité de vie de la population canadienne.
Dans son sens le plus large, le règlement énonce des principes, des règles ou des conditions régissant le comportement des citoyens et des organismes. Les administrations publiques ont recours à une combinaison d'instruments réglementaires et autres pour atteindre leurs objectifs de politique publique. Les règlements sont des instruments législatifs: ils ont force de loi et prévoient généralement des règles et des pénalités d'application générale au lieu de viser des situations ou des personnes particulières.
La prise d'un règlement s'inscrit dans le pouvoir de promulguer des lois conféré au Parlement par la Constitution. En vertu d'une délégation législative de pouvoir du Parlement — ce que l'on appelle un « pouvoir habilitant » —, le gouverneur en conseil — le gouverneur général, agissant sur avis du Cabinet fédéral —, le Conseil du Trésor, un ministre ou un organisme administratif se voit accorder le pouvoir de prendre des règlements. C'est pourquoi on parlera de mesures législatives « subordonnées » dans le cas des règlements. La loi habilitante doit donner le pouvoir de prendre des règlements et ceux-ci doivent être conformes à toutes les dispositions de cette loi habilitante.
La Loi sur les textes réglementaires fournit une définition précise de ce qu'est un règlement. Le Groupe des services rédactionnels et consultatifs du ministère de la Justice a pour tâche de déterminer si un projet de règlement est conforme à cette définition.
Dans la définition même d'un règlement, on établit le rôle du Parlement, la souveraineté du Parlement et sa capacité d'établir sa force, et cetera.
Aujourd'hui, le projet de loi porte sur le concept d'incorporation par renvoi. Pour les personnes à la tribune qui ne sauraient pas ce qu'est l'incorporation par renvoi, voici ce que dit le résumé législatif du projet de loi:
L'incorporation par renvoi, telle qu'elle est expliquée par John Mark Keyes dans Executive Legislation, « est une technique de rédaction par laquelle un texte législatif [...] inclut des éléments (texte, renseignements ou concepts) énoncés ailleurs. Ces éléments sont inclus sans être reproduits dans le texte législatif ».
Différents types de contenu se prêtent à l'incorporation par renvoi. À titre d'exemple, un texte législatif peut incorporer par renvoi une de ses propres dispositions, des dispositions tirées d'un autre texte législatif adopté par le même législateur, des textes législatifs d'autres législateurs ou, encore, des textes non législatifs comme des normes techniques ou des accords internationaux.
Évidemment, cela arrive à point nommé, compte tenu des 43 accords commerciaux et plus que le gouvernement a conclus pendant son mandat. Le résumé législatif se poursuit ainsi:
De plus, l'incorporation par renvoi peut être « dynamique » ou « statique ».
L'incorporation « statique » ou « figée » renvoie au document tel qu'il existe à ce moment-là.
L'un des avantages de l'incorporation par renvoi, c'est qu'elle peut être utilisée pour éviter les répétitions: l'autorité réglementaire n'est donc pas tenue de reproduire intégralement le document incorporé.
Le résumé législatif indique également que l'incorporation par renvoi peut faciliter l'harmonisation. C'est particulièrement important lorsqu'il y a lieu d'harmoniser des textes législatifs interjuridictionnels, par exemple pour faciliter des opérations ou activités transfrontalières.
Pourquoi est-il nécessaire d'adopter le projet de loi? Tel que mentionné, le gouvernement a entrepris un important et dynamique programme de libre-échange. Nous avons conclu des accords avec de nombreux pays du monde. D'ailleurs, je pense que cela confère un avantage économique particulier au Canada, car il est bien placé pour avoir un libre accès commercial au marché européen, ainsi qu'à la chaîne d'approvisionnement de l'Asie grâce à l'accord de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud.
Les normes sont une des choses auxquelles on s'intéresse lorsqu'on examine un accord et ses aspects juridiques. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut que le gouvernement ait les moyens d'incorporer par renvoi dans ses propres règlements des normes de gouvernance établies qui pourraient s'avérer utiles.
Le Canada est un chef de file en matière d'élaboration de normes. Des centaines de normes sont élaborées au pays dans le cadre du Système national de normes du Canada, puis incorporées dans des règlements fédéraux et provinciaux, par exemple, les normes élaborées par des organisations telles que l'Office des normes générales du Canada et l'Association canadienne de normalisation, dont le nom est probablement le plus largement reconnu.
Les normes élaborées par ces organismes jouent déjà un rôle clé dans la réglementation encadrant les divers secteurs au Canada. L'Association canadienne de normalisation a produit plus de 250 normes qui figurent dans les règlements fédéraux.
Notre programme de libre-échange est d'une ampleur considérable, et nous sommes à la fine pointe de la normalisation. Par ailleurs, la normalisation se fait de manière très dynamique et fluide. Nous constatons que les normes et les règlements suivent souvent les avancées et les innovations qui donnent lieu à de nouveaux procédés et à de nouvelles technologies. En tant que législateurs, nous devons nous adapter rapidement et prestement à cette évolution du cadre réglementaire sans causer de chevauchements indus.
J'aimerais maintenant souligner l'un des principaux effets d'un examen continuel de la réglementation. La réforme de la réglementation est un exercice tout à fait fascinant pour la Chambre. Je le crois sincèrement. C'est un sujet tout à fait pertinent. Au cours de la présente législature, le gouvernement a mis en place des indices pour l'examen de la réglementation selon la règle du un-pour-un afin que le gouvernement veille à ce que les Canadiens jouissent des meilleures protections sur le plan de la santé et de la sécurité, mais aussi à ce qu'un fardeau indu ne soit pas imposé aux entreprises.
Lorsque nous consultons les entreprises, elles nous disent souvent, entre autres, qu'elles ne veulent pas de surprises. Elles veulent se conformer à la réglementation gouvernementale sur la santé et la sécurité, mais les dispositions réglementaires inattendues, redondantes ou inutilement complexes ont tendance à faire fuir les investisseurs. Par conséquent, nous, les parlementaires, devons nous assurer que la réglementation donne les résultats voulus sans être trop complexe et sans constituer un fardeau excessif.
L'incorporation par renvoi dans les règlements, comme le propose le projet de loi S-2, simplifierait notre système réglementaire et en assurerait l'adaptabilité, ce qui constituerait un avantage concurrentiel pour les entreprises canadiennes.
Qu'est-ce que le projet de loi accomplirait? Tout le monde en est remarquablement enchanté, mais il est important d'en parler. Je voudrais citer des extraits des discours de mes collègues le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et la députée de Kildonan—St. Paul:
Le projet de loi concerne les techniques de rédaction des textes réglementaires.
Qu'entend-on par là? Ces techniques sont les méthodes que le gouvernement emploie pour rédiger les règlements.
En gros, le projet de loi vise à préciser quand les autorités réglementaires peuvent ou ne peuvent pas utiliser la technique de l'incorporation par renvoi, qui est actuellement utilisée dans un vaste éventail de règlements fédéraux. En effet, peu nombreux sont les domaines réglementés dans lesquels l'incorporation par renvoi n'est pas utilisée dans une certaine mesure.
Avec le projet de loi S-2, le gouvernement veut s'assurer qu'il peut avoir recours à cette technique de rédaction, qui est devenue essentielle dans la façon dont il réglemente. Il veut également être un chef de file sur le plan international pour ce qui est de la modernisation de la réglementation.
Nous signifions ainsi à la société civile et au monde des affaires notre intention de voir à ce que la réglementation protège la santé et la sécurité des Canadiens, tout en étant claire et accessible aux entreprises et aux simples citoyens, qui ont besoin de comprendre la réglementation pour pouvoir s'y conformer.
Plus précisément, le projet de loi S-2 donne suite aux préoccupations que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a exprimées sur l'utilisation de cette technique. Le projet de loi apporterait les précisions juridiques nécessaires pour dissiper l'incertitude des autorités réglementaires et du comité.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'il y a des gens qui rédigent des règlements au sein du gouvernement. Or, nous avons entendu dans le cadre d'une étude en comité qu'il faut préciser davantage le contexte et les circonstances dans lesquels on peut recourir à l'incorporation par renvoi. C'est l'objet du projet de loi.
Je vais parler de certaines des modifications plus importantes prévues dans le projet de loi. Au paragraphe 18.1(1), on peut lire que:
[...] le pouvoir de prendre un règlement comporte celui d’y incorporer par renvoi tout ou partie d’un document, soit dans sa version à une date donnée, soit avec ses modifications successives.
Cela s'applique tant à l'incorporation par renvoi statique qu'à l'incorporation par renvoi dynamique — d'autres intervenants ont expliqué dans une large mesure la différence entre ces deux termes — et cela semble s'appliquer indépendamment du pouvoir de prendre un règlement concernant ou établissant une question ou une autre.
Ce pouvoir est toutefois assujetti à la restriction prévue au paragraphe 18.1(2), qui concerne les documents établis par l'autorité réglementaire, seule ou conjointement avec une personne ou un organisme qui appartiennent à l'administration publique fédérale.
Essentiellement, un document fourni par l'autorité réglementaire elle-même peut être incorporé par renvoi dans un règlement seulement dans les cas suivants: il contient uniquement des éléments accessoires aux règles énoncées dans le règlement ou étoffant celles-ci et est incorporé dans sa version à une date donnée; il est issu de la reproduction ou de la traduction de tout ou partie d'un document établi par une personne ou un organisme autre que l'autorité réglementaire, compte tenu des adaptations quant à la forme et aux renvois destinés à en faciliter l'incorporation; il est un règlement.
L'alinéa 18.1(2)a) semble avoir pour objet de garantir que l'autorité réglementaire ne puisse pas contourner la procédure régulière prévue par la Loi sur les textes réglementaires, dont je parlais tout à l'heure, en attribuant la substance d'un règlement à un document subséquent, qu'il incorporerait ensuite par renvoi sans avoir à passer par les étapes habituelles de l'enregistrement, de la publication, etc.
Nous savons donc ce qu'est un règlement, pourquoi c'est important, comment le processus réglementaire fonctionne au Canada à l'heure actuelle et comment le projet de loi contribue à bonifier et à simplifier ce processus.
Cela étant dit, j'aimerais aborder les principales préoccupations mentionnées lors des débats précédents à la Chambre des communes. Certains se demandent quelles normes sont déjà incorporées par renvoi. En fait, différents genres de normes sont déjà incorporées par renvoi à des règlements fédéraux, notamment des normes rédigées par l'Organisation internationale de normalisation et d'autres organismes internationaux de normalisation reconnus. D'après un examen récent des renvois figurant dans les règlements fédéraux, il existe près de 400 renvois à des normes établies par ces organismes spécialisés.
Quand elle a pris la parole plus tôt lorsqu'elle était ici aujourd'hui, la députée de La Pointe-de-l'Île, au Québec, se demandait, en raison de la formulation du projet de loi, ce qu'on entend par une personne et un organisme autre que l'autorité réglementante. À son avis, cela n'est pas défini, mais elle a tort. Si elle consulte le site Web du Conseil du Trésor, elle verra la liste des organismes décisionnels qui participent au processus réglementaire canadien, parmi lesquels le Conseil du Trésor et le Parlement.
Cette discussion arrive à point nommé puisque la législature tire, espérons-le, à sa fin. Qu'en est-il de la souveraineté du Canada? Comment le Canada pourra-t-il maintenir sa souveraineté si on procède à des incorporations par renvoi dans les règlements et qu'on incorpore des normes internationales? Comment vérifierons-nous si ces règlements répondent aux attentes des Canadiens?
Alors que la législature tire à sa fin, il serait bon de nous pencher sur le rôle du Parlement. À titre de législateurs, c'est ici que nous examinons continuellement des mesures législatives dans le but de servir les intérêts des Canadiens. En fait, les nouveaux règlements ont été au coeur de nombreux débats pendant la présente session. Par conséquent, quand j'entends quelqu'un affirmer qu'il n'y a pas de surveillance ou que l'incorporation par renvoi nous empêcherait de procéder à ces examens, je ne suis pas d'accord. Au contraire: les députés de l'opposition peuvent, ici même, débattre de l'efficacité des règlements et la remettre en question.
J'aimerais aussi apporter des précisions sur un aspect en particulier, car il a été soulevé à de nombreuses reprises. Je parle du rôle joué par le comité d'examen de la réglementation. J'ai ici un extrait des témoignages du comité de novembre 2004. L'un des anciens coprésidents du comité mixte permanent, le sénateur Bryden, avait abordé cet aspect. Il avait mentionné que le mandat du comité mixte permanent d'examen de la réglementation était plutôt important. Voici ce qu'il avait alors déclaré:
La Loi sur les textes réglementaires charge le CMP « d'étudier et de contrôler » les règlements. Cet examen est mené conformément aux critères adoptés par le CMP [...]. Même si l'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires n'exclut pas l'examen au fond des mesures législatives subordonnées, les critères du CMP ne prévoient pas l'examen de la politique qui les sous-tend.
Donc, le comité adopte un vaste ensemble de critères, et il les utilise pour examiner les textes réglementaires. Le compte rendu des témoignages indique que le comité peut examiner tout règlement ou texte réglementaire relevant de sa compétence. On y trouve la liste de tous les aspects qui ont été soulevés ici, dans cette enceinte, comme la conformité à la Charte canadienne des droits et libertés. Cet aspect a été mentionné. Comment savons-nous si un règlement qui a été proposé par incorporation par renvoi est conforme à la Charte? Bien sûr, le comité doit l'examiner afin de déterminer s'il est conforme ou non à celle-ci, et je tiens aussi à souligner que la population canadienne peut contester toute mesure législative devant les tribunaux. Bien entendu, puisque le Parlement est souverain dans de nombreux domaines, il nous incombe, à titre de législateurs, de proposer des règlements et des lois qui correspondent à la volonté de la population et qui, selon nous, sont dans l'intérêt des personnes que nous représentons.
Compte tenu de la fin imminente de la législature, je crois que c’est ce que tous les partis ont cherché à faire. Nos idéologies peuvent différer de temps à autre et parfois être farouchement opposées. Même si nous siégeons un jeudi, que la session est presque terminée et que nous parlons de l’examen de la réglementation, nous discutons de ce qui est dans l’intérêt supérieur des Canadiens. Mes collègues d’en face sont peut-être d’un autre avis, mais c’est notre travail à la Chambre. Il est souvent sous-entendu que la Cour suprême a dit telle ou telle chose, et cela revient souvent dans les délibérations. Nous devons certes collaborer avec l’appareil judiciaire et le respecter, mais la Chambre des communes est l’endroit où nous débattons des mesures législatives et les adoptons.
Sur ce, comme j’espère que c’est mon dernier discours de la présente législature, j’aimerais sincèrement remercier les électeurs de Calgary-Centre-Nord du privilège qu'ils m'ont accordé de les représenter ici et de débattre de questions importantes comme celle-ci. Au nom de tous mes collègues ici présents, je remercie chaque Canadien qui nous a donné le mandat d’être ici, de respecter la volonté du Parlement et de convenir, je l’espère, que le projet de loi S-2 simplifierait le processus réglementaire au Canada, profiterait aux entreprises et continuerait de faire du Canada un chef de file dans le monde en matière d’examen réglementaire.