propose que le projet de loi C-420, Loi établissant le Commissariat à l’enfance et à l’adolescence du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, comme la majorité des Canadiens, je pense, il y a très longtemps que j'attends de voir le Parlement discuter de l'établissement d'un commissariat à l'enfance et à l'adolescence du Canada et créer une telle entité.
Cela fait longtemps parce qu'il y a déjà plus de 20 ans que le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Pourtant, nous n'avons toujours pas décidé de créer un poste de commissaire national, dont le titulaire serait chargé, entre autres responsabilités, de vérifier le respect de nos obligations en vertu de la convention.
Le fait que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant soit la convention de l'ONU ratifiée par le plus grand nombre de pays — plus de 190 — est révélateur. Il confirme que pratiquement l'ensemble de l'humanité reconnaît l'importance fondamentale qu'il faut accorder à nos enfants, qui ne peuvent pas se faire entendre.
J'admets, dès le départ, que mon propre parti qui fut au pouvoir durant 13 des 20 dernières n'a pas saisi l'occasion de créer un commissariat à l'enfance et à l'adolescence. Quoique beaucoup de libéraux, dont la sénatrice Landon Pearson qui a beaucoup travaillé à ce dossier, aient chéri ce rêve, celui-ci ne s'est pas réalisé, et le Parti libéral doit donc en assumer la responsabilité.
Il n'est donc pas question aujourd'hui de faire de la partisanerie, particulièrement quand on traite d'un sujet aussi important que nos enfants.
Que l'on me permette de lire quelques extraits du préambule du projet de loi C-420:
[...] le calibre d’un pays se mesure à l’attention qu’il accorde à ses enfants, notamment à leur santé, leur sécurité, leur situation matérielle, leur éducation et leur socialisation, ainsi qu’à leur sentiment d’être aimés et appréciés et à leur sentiment d'appartenance aux familles et sociétés au sein desquelles ils naissent;
Voici un deuxième extrait:
[...] le Canada, par sa ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, reconnaît le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social;
Finalement, voici un troisième extrait:
[...] le Canada, par sa ratification de cette Convention, reconnaît le droit de tout enfant de voir son intérêt supérieur pris en compte dans toute décision le concernant;
Je pense que tous ici présents sont d'accord avec ces extraits du préambule de la mesure législative. Beaucoup d'entre nous sont des parents, mais même ceux qui ne le sont pas veulent ce qu'il y a de mieux pour les enfants du Canada et du monde entier. Nous reconnaissons tous de façon intrinsèque que les enfants naissent dans la vulnérabilité la plus totale et qu'il nous incombe, non seulement en tant que parents mais aussi de nation, de subvenir à leurs besoins, c'est-à-dire de veiller à leur santé, à leur sécurité, à leur bien-être matériel, à leur éducation et à leur socialisation, ainsi qu'à faire en sorte qu'ils se sentent aimés, appréciés et membres à part entière des familles et des sociétés auxquelles ils appartiennent.
Nous sommes tous bouleversés par le spectacle déchirant d'un enfant de la région du Sahel, en Afrique, qui souffre de malnutrition, d'un enfant qui mendie dans la rue afin de pouvoir manger, au lieu de fréquenter l'école, ou d'un jeune qui travaille dans une usine ou une mine où les conditions sont inhumaines. Toutefois, nous nous consolons en songeant qu'au Canada nous avons pris des mesures afin d'empêcher ce genre de situations de se produire.
Néanmoins, nous savons que la situation n'est pas parfaite dans notre propre pays et que les droits des enfants ne sont pas toujours protégés ou pris en compte. Les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé ont adopté des mesures axées sur nos enfants et nos jeunes, et c'est tout à leur honneur. Toutefois, nous sommes conscients qu'il faut continuer à faire preuve d'une grande vigilance en ce qui a trait à nos enfants et à leurs droits fondamentaux.
Évidemment, les parents ont une responsabilité fondamentale à l'égard de leurs enfants, mais l'État aussi. C'est l'État qui établit les lois du pays qui nous gouvernent tous, y compris nos enfants, et qui influent sur leur avenir. C'est l'État qui fournit l'infrastructure: les écoles pour l'éducation et les hôpitaux pour les soins de santé, ainsi que de nombreuses institutions qui touchent à la vie de nos enfants. C'est l'État qui décide quelle protection sociale minimale il accordera pour s'assurer que personne ne passe au travers des mailles du filet.
Nous avons tous été horrifiés de voir ce que nous avons collectivement fait subir aux enfants autochtones en les obligeant à déménager dans des pensionnats. Nous sommes tous dégoûtés lorsque nous entendons parler d'agressions sexuelles perpétrées par des adultes contre des enfants dans de nombreuses écoles. Ce sont autant d'histoires d'horreur qui ont fait surface au cours des dernières décennies. Comment cela a-t-il pu se produire au Canada?
Bien qu'il s'agisse d'exemples dramatiques de ce qui peut arriver à des enfants sans défense, nous savons aussi que la pauvreté chez les enfants est une réalité dans notre pays, que des enfants vont à l'école le ventre creux et se couchent aussi parfois le ventre creux, qu'il leur arrive de vivre dans des logements pitoyables, d'être privés des ressources pédagogiques dont ils ont besoin, de souffrir de troubles mentaux, d'être victimes d'intimidation, et je pourrais continuer encore.
Je tiens à le dire haut et fort: je ne pointe du doigt aucun parti, aucune organisation, ou qui que ce soit. Nous sommes tous responsables collectivement du bien-être de nos enfants. Tout comme nous pouvons être fiers de certaines des mesures que nous avons mises en oeuvre pour assurer leur bien-être, nous devons aussi admettre qu'aucun parti n'a un bilan parfait et qu'il reste beaucoup de travail à faire.
Bien sûr, on peut facilement voir aux nouvelles du soir les conditions de vie pitoyables de certains enfants canadiens. Nous savons tous que certains enfants vont à l'école sans avoir pu manger un déjeuner nourrissant. Ces exemples sont frappants, mais ce ne sont pas nos seules préoccupations en tant que législateurs fédéraux.
Par exemple, quand un couple divorce et que la famille comprend des enfants, les lois fédérales sur la famille déterminent en quelque sorte le sort de ces enfants. Ces lois doivent évidemment prendre en considération le bien-être de ces enfants. Quand un jeune délinquant commet un crime très grave et qu'il a moins de 18 ans, le sort que la justice lui réserve est différent de celui réservé à un adulte, et pour de bonnes raisons. Encore une fois, des lois fédérales pourraient déterminer ce qui se produira. Dans tout cela, il y a, bien sûr, la question des compétences, fédérales ou provinciales.
Je plaide aujourd'hui en faveur de la création d'un commissariat fédéral à l'enfance et à l'adolescence, reconnaissant en même temps qu'il existe des organisations au niveau provincial qui ont des responsabilités envers les enfants. On peut donc se demander s'il est nécessaire d'avoir un commissaire fédéral si les provinces ont des équivalents. La réponse est oui.
D'abord, ces équivalents provinciaux — appelons-les les défenseurs ou les protecteurs des droits des enfants, ou en anglais les ombudsmen ou advocates — s'accordent pour dire que ce serait important d'avoir un commissariat fédéral afin qu'il y ait un échange fédéral-provincial qui rendrait possible un dialogue national sur les enfants et qui permettrait d'identifier les lacunes qui existent. En effet, les compétences provinciales et fédérales ne répondent pas de façon complète à tous les besoins de nos enfants. En bon français, il existe des besoins relativement à nos enfants qui tombent dans les craques, entre le champ de compétence fédéral et le champ de compétence provincial.
Il y a 23 ans, une motion fut adoptée à la Chambre par tous les partis pour que soit éliminée la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000, une promesse qu'on s'était donnée pour de bonnes raisons, mais que nous n'avons pas réalisée. Les autres priorités de l'époque nous ont détournés de notre but et, avec le temps, la résolution s'est perdue parmi ces autres priorités.
Aujourd'hui, la pauvreté continue d'exister chez les enfants. Le taux est d'environ 13 %, et si je demandais à mes collègues s'il fallait prioriser la réduction de ce taux, beaucoup trop élevé dans un pays comme le Canada, je suis sûr qu'ils diraient tous oui. Mais les choses ont tendance à se faire oublier avec le temps quand d'autres crises surviennent. C'est pour cela que nous avons besoin d'un commissaire à l'enfance et à l'adolescence qui se rapporterait une fois par année au Parlement du Canada et aux Canadiens.
Il faut nommer un commissaire national permanent, car il nous est facile d'oublier les promesses que nous nous sommes faites en ce qui a trait à nos enfants. Par exemple, je songe à la promesse d'éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000, une promesse unanime des partis, il y a 23 ans. Un commissaire serait là pour nous rafraîchir la mémoire, car chacun d'entre nous a besoin qu'on lui rappelle périodiquement que nous avons du travail à faire, ici ou là, pour respecter nos obligations à l'égard de nos enfants et de nos jeunes. Et, oui, un commissaire nous féliciterait aussi de nos bons coups dans ce dossier.
Qu'on me permette de résumer brièvement le mandat qui serait confié à un commissaire à l'enfance et à l'adolescence.
Le commissaire serait là pour défendre, à l'échelle nationale, les besoins, les opinions et les droits des enfants et des adolescents. Il aurait pour mandat: de mettre en place des programmes pour informer le public sur son rôle; de veiller à l'élaboration et à l'application des lois touchant les enfants et les adolescents; de surveiller la mise en oeuvre de nos obligations vis-à-vis de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant; d'étudier l'impact de nos lois sur nos enfants et adolescents; de maintenir des liens avec les organismes provinciaux de même nature; d'encourager la consultation avec les enfants et adolescents ainsi que les organismes chargés de protéger leurs droits; et d'entreprendre des études portant sur les enfants à la demande d'un comité du Sénat, de la Chambre ou du ministre de la Justice.
Je m'adresse aujourd'hui à la Chambre dans l'intention d'essayer de faire ce qui est le mieux pour nos enfants. Il ne s'agit pas d'une question partisane, mais bien d'une question qui traite sans détour des enfants du Canada.
La création d'un commissariat est également une mesure sensée pour le gouvernement, particulièrement sur le plan économique. Nous savons tous que les enfants représentent l'avenir de notre pays et que nous avons grandement intérêt à favoriser leur bon départ dans la vie pour qu'ils puissent devenir des membres productifs de la société. Dit crûment, ils représentent une ressource extrêmement importante.
La retraite des baby-boomers vieillissants étant imminente, nos enfants auront la responsabilité alourdie de subvenir à nos besoins. Nous devons faire en sorte qu'ils grandissent en santé dans des conditions sécuritaires, qu'ils reçoivent une bonne éducation et qu'ils évoluent dans un milieu social bien équilibré. Nous devons fournir une aide supplémentaire aux moins fortunés pour qu'ils puissent eux aussi atteindre leur plein potentiel. Lorsque les besoins des enfants ne sont pas comblés, que ce soit au chapitre de l'alimentation, des conditions de vie, des besoins en matière de santé, et j'en passe, nous nous retrouvons avec un nombre accru d'enfants ayant des démêlés avec la justice, souffrant de problèmes mentaux ou incapables de conserver un emploi à long terme.
Je demande à mes collègues de la Chambre des communes, sans égard à leur parti d'attache, d'appuyer la création d'un commissariat à l'enfance et à l'adolescence. C'est une mesure sensée. C'est la bonne chose à faire. C'est dans notre intérêt vital en tant que pays et dans l'intérêt vital de nos enfants et de nos adolescents.