Monsieur le Président, c'est toujours un honneur de prendre la parole en cette enceinte pour débattre d'un projet de loi, que les députés d'en face partagent ou non cet avis. Évidemment, c'est leur décision. C'est pourtant eux qui ont décidé de nous faire travailler plus tard parce qu'ils souhaitent débattre de projets de loi. Enfin, je remplirai volontiers leur temps de parole inutilisé.
Je vais commencer par quelques mots d'encouragement pour mes collègues d'en face, car le projet de loi C-24 contient de bons éléments.
Dieu sait que cela fait des années que nous demandons aux conservateurs de sévir contre les consultants qui victimisent les citoyens dans nos circonscriptions. En effet, les citoyens que nous représentons font appel à nous, car ils sont aux prises avec le même dilemme qu'au début du processus, lorsqu'ils ont eu recours à un consultant. Les consultants exigent des milliers de dollars de leurs clients pour, disons, remplir un formulaire, mais ils ne leur donnent aucun conseil adéquat. Dans certains cas, ils les orientent dans la mauvaise direction après leur avoir soutiré des sommes faramineuses. Ces gens sont dans tous leurs états, car ils tentent de réunir leur famille ou de faire venir des êtres chers au Canada. Alors qu'ils tentent d'accélérer l'obtention de leur citoyenneté, certains se font arnaquer par un escroc qui se sert littéralement à même leur compte de banque.
À cet égard, le gouvernement prend probablement une mesure judicieuse. Nous devons sévir contre les consultants illégaux, car il est temps qu'on mette un terme à cette pratique. Avant d'être député, j'ai entendu dire que la même chose se produisait dans le cas du régime d'indemnisation de l'Ontario. Des consultants réussissaient à convaincre des gens, des veuves dans bien des cas, de signer un formulaire leur cédant de 15 % à 20 % de toute prestation qu'ils toucheraient, sachant très bien qu'il suffisait de leur faire signer un formulaire et de l'envoyer pour qu'ils touchent l'indemnisation à laquelle ils avaient droit parce que leur conjoint venait de mourir des suites d'une maladie professionnelle. Les consultants prenaient alors une grosse part de la somme d'indemnisation versée à ces personnes. Bravo au gouvernement. Les conservateurs ne nous entendent pas souvent les féliciter ainsi, mais je crois qu'il serait judicieux de sévir contre les consultants.
Ma bonne amie Olivia Chow réclamait avec ardeur que l'on sévisse contre les consultants, qui saignent littéralement à blanc des immigrants aux ressources financières limitées qui espèrent faire venir rapidement leur famille.
Cela m'amène à me demander pourquoi nous ne faisons pas venir plus tôt, au Canada, les membres de leur famille. J'ai eu le plaisir d'être né dans un autre pays, mais j'ai aussi le grand plaisir d'être citoyen canadien. J'ai la double citoyenneté. Les gens nés ici sont Canadiens de naissance. Certains Canadiens peuvent avoir la double citoyenneté sans le savoir parce que l'un de leurs parents est né dans un autre pays. Dans certains cas, cela peut être avantageux pour ces personnes. Par exemple, elles peuvent retourner dans le pays d'où leurs parents viennent et se servir de cette citoyenneté si elles le souhaitent. Cependant, certaines personnes ayant la double citoyenneté n'agissent pas ainsi parce qu'elles se considèrent exclusivement comme des citoyens canadiens.
Si cette mesure législative était adoptée, les Canadiens ayant une double citoyenneté pourraient se retrouver dans une situation précaire, même si le projet de loi vise à lutter contre un crime odieux. Comme moi, bon nombre de mes collègues sont nés ailleurs. Ils sont évidemment des citoyens canadiens maintenant, car il est nécessaire d'avoir la citoyenneté canadienne pour siéger à la Chambre. C'est une exigence de la Loi sur le Parlement du Canada. Il serait difficile de trouver des Canadiens plus passionnés que ceux qui, comme nous, ont obtenu leur citoyenneté après avoir quitté leur pays pour venir ici.
Dans ma circonscription, il y a beaucoup de personnes d'origine slovaque, hongroise et italienne. Ce sont des fervents Canadiens. Ils seraient les premiers à condamner toute personne qui oserait profaner le drapeau canadien, insulter nos forces armées, ou parler en mal du Canada. Ils sont les premiers à défendre le Canada, bien avant les Canadiens de naissance. Pourquoi? Parce qu'ils comprennent la gravité de ces gestes. Ils comprennent ce que cela signifie d'acquérir la citoyenneté canadienne, d'avoir à travailler pour l'obtenir. Ils le comprennent.
Ils ont aussi le sens de l'équité. Ils croient que les personnes devraient être traitées équitablement parce qu'un grand nombre d'entre eux viennent d'endroits où ils ne l'ont pas été.
La grande disparité de ma circonscription fait que je suis un des rares Écossais à y vivre. Quand je demande au directeur exécutif de la semaine du patrimoine qui va porter un kilt pour représenter le patrimoine écossais, il me répond que si je ne le fais pas, personne ne le fera.
Mais il y a beaucoup d'Ukrainiens, de Slovaques, de Hongrois, de Tchèques, de Polonais et d'Italiens; beaucoup d'entre eux fuyaient l'oppression lorsqu'ils se sont installés ici. Ils sont plus âgés maintenant. Leurs enfants sont nés et ont grandi ici. En fait, ils ont des petits-enfants qui grandissent ici maintenant.
Ce sont des Canadiens passionnés. Ils sont capables de reconnaître quand quelque chose est injuste, même quand on essaye de leur faire croire que c'est juste. « Nous ferons preuve de justesse dans nos jugements », affirme le gouvernement. Si on posait la question aux électeurs de ma circonscription qui ont grandi de l'autre côté du mur, ils nous diraient: « Pas si vite, l'ami. C'est ce qu'on nous disait aussi à l'époque. »
Je ne laisse pas entendre que le gouvernement est à l'image de ceux de l'autre côté du mur. Ce serait répréhensible. Et ce serait incorrect.
L'hon. Chris Alexander: C'est justement ce que vous venez de laisser entendre.
M. Malcolm Allen: Pas exactement, monsieur le Président. Ce que j'ai dit, c'est que c'est pour cette raison qu'il faut s'assurer que le système paraisse juste, pour qu'on ne puisse pas faire de telles comparaisons. Si les gens le trouvent juste, ils ne seront pas tentés de comparer.
Le problème, c'est quand on accorde le pouvoir à un ministre qui affirme être juste; il demeure qu'on s'en remet à une seule personne, pas à un système. Le fait qu'on s'en remet à une seule personne fait partie du problème.
Qu'y a-t-il d'autre de bien dans le projet de loi? Il accélérera le traitement des demandes de citoyenneté des immigrants reçus et des membres des forces armées. Quiconque est disposé à servir le Canada, à aller à l'étranger pour mettre sa vie en danger, mérite une récompense. Il me semble juste d'accélérer le processus dans de tels cas.
J'aimerais savoir ce que les députés de l'autre côté pensent des travailleurs étrangers temporaires qui sont ici depuis 10, 12 ou 15 ans, voire plus? Si nous décidons un jour de les mettre sur la voie de la citoyenneté, ne devrions-nous pas compter le temps qu'ils ont passé ici?
Je connais des travailleurs dans ma région. J'habite dans la péninsule du Niagara, qui compte des travailleurs agricoles. Je connais des employeurs qui ont les mêmes employés depuis plus de 20 ans. Si on leur accorde la possibilité d'obtenir la citoyenneté au bout de tout ce temps, comme ce devrait être le cas, selon moi et selon la plupart des gens de l'industrie au pays, que ce soient les producteurs horticoles ou les usines de transformation de la viande, nous pensons que c'est la voie à suivre.
Ces travailleurs devraient pouvoir obtenir la citoyenneté canadienne. Pourquoi faudrait-il reprendre à zéro le compte des années alors qu'ils sont ici depuis 20 ans? Ils travaillent 10 ou 11 mois par année, puis retournent chez eux pour les vacances. Ils ne travaillent plus uniquement quatre mois par année pour ensuite repartir chez eux. Ces temps sont révolus.
Dans le secteur agricole, le programme des travailleurs étrangers temporaires est plutôt un programme de travailleurs étrangers. Ils occupent un emploi 10 mois par année. Ils vivent pendant 10 mois au Canada, puis rentrent chez eux pendant deux mois, quel que soit l'endroit où ils habitent. Ce peut être le Mexique, le Guatemala, le Salvador ou la Jamaïque, par exemple.
Si le gouvernement décide, en toute sagesse, comme je crois qu'il devrait le faire, d'offrir à ces personnes une manière d'obtenir la citoyenneté, pourquoi le compte des années de résidence devrait-il reprendre à zéro? Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement constater qu'ils sont ici depuis 10 ans? Il faudrait quand même un délai, et il y aurait quand même des conditions à remplir. Les autres exigences s'appliqueraient. Il leur faudrait se conformer aux dispositions sur les connaissances linguistiques. Dans la plupart des cas, ces travailleurs parlent l'une des deux langues officielles du pays, en particulier ceux qui sont ici depuis 10 ou 20 ans, voire davantage. Nous n'aurions pas affaire à des gens qui ne respectent pas cette condition.
Manifestement, le projet de loi contient des dispositions qui pourraient être utiles, mais il en contient d'autres qui sont boîteuses. J'ai la passion du Canada, mon pays. Mon père nous appelait autrefois la famille de Canadiens à cinq dollars. Dans le temps, je ne savais pas pourquoi. Puis, un jour, lorsque je fus un peu plus vieux, je lui demandai pourquoi il nous appelait les Canadiens à cinq dollars. Il me répondit que c'était parce qu'il avait payé nos cartes 5 dollars.
Il ne voulait pas dire que nous ne valions que 5 dollars ou que notre citoyenneté valait seulement ce prix. Mais, lorsque nous avons obtenu nos cartes de citoyenneté, dans les années 1970, si nous voulions obtenir une carte avec photo, il fallait payer 5 dollars. C'est tout ce que coûtait cette carte, qui était une excellente pièce d'identité. J'ai conservé ma carte de l'époque, même si j'ai l'air un peu plus jeune que maintenant sur cette photo.
Au bout du compte, il faut toujours non seulement respecter le principe d'égalité de tous devant la loi, mais aussi traiter tous les Canadiens de manière équitable. Les gens qui, comme moi, ont une double citoyenneté prennent cette question très au sérieux. C'est presque une affaire personnelle, voire une attaque contre ma personne. Je sais que ce n'était pas le but visé. Il s'agit de faire obstacle aux malfaiteurs.
Malheureusement, les malfaiteurs existent. C'est pour cela que nous avons des prisons. Les malfaiteurs sont jetés en prison. Pourquoi devrions-nous faire de la discrimination ou décider de changer les règles pour un groupe plutôt que pour un autre? Pourquoi ne pas tout simplement reconnaître que les malfaiteurs existent. S'ils méritent d'aller en prison pour avoir commis d'horribles actes criminels, nous devrions les envoyer en prison.
Mais pour cela, il existe un principe qui s'appelle la primauté du droit. Je sais que le gouvernement parle sans cesse de la loi et de l'ordre. Or, le principe de la primauté du droit devrait toujours s'appliquer équitablement à chacun de nous, y compris à ceux d'entre nous qui ont une double citoyenneté.