Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Laval—Les Îles.
Les statistiques sont affolantes. Une fille sur trois et un garçon sur six sera agressé sexuellement avant d'avoir 18 ans. Si on fait le calcul, cela veut dire qu'à l'heure où on se parle, le Canada compte 5 millions de filles et 2,8 millions de garçons qui ont été agressés sexuellement. C'est effarant. Ces statistiques devraient inquiéter tout le monde.
Voilà entre autres pourquoi nous allons appuyer le projet de loi C-26, même si, à notre avis, il ne pas va assez loin. Je m'explique. Environ 95 % des enfants agressés sexuellement connaissent leur agresseur de près ou de loin, si on en croit les données produites par la commission Badgley, dans les années 1980. Qui plus est, 68 % de ces enfants sont agressés par un membre de leur famille, comme leur beau-père, leur père ou un de leurs oncles. Ces statistiques nous montrent qu'il s'agit d'un problème beaucoup plus complexe qu'on ne le pense.
J'ai moi-même une fille de 10 ans, et ma femme et moi en attendons une autre, qui devrait voir le jour en juin. Ces statistiques inquiètent le père que je suis. J'y pense sans cesse, et je me demande toujours si, un de ces jours, ma fille ne connaîtra pas le même sort.
Les néo-démocrates n'ont aucune tolérance à l'égard de l'exploitation sexuelle des enfants. Je m'attendrais à ce que cette politique de tolérance zéro n'implique pas que l'on s'occupe des prédateurs seulement après qu'ils aient exploité sexuellement un enfant, car c'est effectivement ce que propose le projet de loi. Toutes les mesures proposées dans le projet de loi seraient prises lorsque l'exploitation sexuelle a déjà eu lieu. En tant que père, je souhaiterais que, au Canada, on puisse prendre des mesures préventives avant qu'un enfant soit victime d'exploitation sexuelle.
Il n'y a rien dans le projet de loi C-26 qui permettra de prévenir l'exploitation sexuelle d'un enfant. Je vais expliquer pourquoi. C'est parce que, lorsque la police jette un prédateur en prison, l'enfant a déjà été exploité sexuellement. Quand le nom d'un délinquant est inscrit dans la base de données, c'est qu'il a déjà exploité sexuellement un enfant. L'exploitation sexuelle a déjà eu lieu.
Que ma collègue écoute ou non ce que j'ai à dire à ce sujet, j'aimerais faire valoir que nous devons trouver la solution pour contrer l'exploitation sexuelle avant qu'elle se produise. Nous devons nous attaquer à ce problème auquel notre pays doit faire face.
Cela étant dit, nous sommes d'accord avec les mesures qui visent à éloigner de la société les prédateurs sexuels d'enfants, afin de protéger les jeunes auxquels ils pourraient s'attaquer. En fait, pendant les débats entourant le projet de loi C-10, nous avons même dit au leader à la Chambre et au ministre responsable que nous étions prêts à extraire de la mesure omnibus toutes les dispositions portant sur les prédateurs sexuels d'enfants et à les faire adopter par la Chambre sur-le-champ, pour qu'elles entrent en vigueur rapidement. Malheureusement, les ministériels ont refusé notre proposition. Nous avions fait cette proposition parce qu'il nous semblait urgent d'agir dans ce dossier. Nous sommes d'accord avec l'idée d'éloigner ces prédateurs de la société pour mettre fin à leurs agressions.
Il faut toutefois commencer à envisager des gestes concrets et prévoir un financement solide, car il faudra plus que des discours énergiques pour résoudre ce problème. Nous devrons aussi garder l'esprit ouvert pendant nos discussions, puisque les abus sexuels à l'endroit d'enfants constituent un problème complexe, pour lequel il n'existe pas de solution simple.
Les statistiques mentionnées au début de mon discours devraient faire réfléchir les députés. Quand la personne qui commet les abus est un membre de la famille, par exemple le père ou le beau-père, l'enfant hésite souvent à en parler. Il essaie à la fois de protéger sa famille et de se protéger, une expérience très déroutante.
Voici ce qu'a déclaré un institut des États-Unis, le Child Molestation Research & Prevention:
Les professionnels, c'est-à-dire les médecins et les thérapeutes, ne peuvent pas mettre fin aux abus sexuels, la police et les tribunaux non plus. Pourquoi? Parce qu'ils arrivent trop tard, une fois que l'enfant a déjà été agressé sexuellement.
Nous devrions donc nous poser la question suivante: comment pouvons-nous empêcher les enfants d'être victimes d'abus sexuel? Nous devons avoir des discussions franches à ce sujet. La députée d'en face a parlé de sensibilisation. Dans le cadre des efforts de sensibilisation, il faut notamment apprendre aux familles comment parler de ce problème. Il ne faudrait pas prétendre que les prédateurs sont toujours des étrangers qui s'infiltrent dans les familles pour agresser leurs enfants. Souvent, les agresseurs font déjà partie de la famille des enfants qui sont leurs victimes. Nous devons donc disposer des outils nécessaires pour avoir des discussions franches sur des questions relatives à l'abus sexuel et au consentement. Comme je l'ai dit, dans 95 % des cas, les enfants agressés sexuellement connaissent leur agresseur, et dans 68 % des cas, il s'agit d'un membre de leur famille.
Emprisonner des agresseurs d'enfants ne sera jamais une bonne solution pour aider nos enfants parce que, pour incarcérer ces criminels, il faut d'abord qu'un enfant ait été agressé. Je cite ici de nouveau le Child Molestation Research & Prevention Institute. C'est la même chose pour les traitements. Les personnes qui en bénéficient ont souvent déjà agressé des enfants.
La députée d'en face a également dit que l'idée que nous nous faisons des prédateurs sexuels d'enfants n'est pas toujours exacte. Ils ne se limitent pas à un seul groupe ethnique ou à une seule classe sociale. Une étude a été menée à ce sujet. Il s'agit de l'étude Abel et Harlow sur la prévention d'agressions sexuelles contre des enfants. Les auteurs de l'étude se sont penchés sur le cas de 4 000 hommes, âgés de 18 à 20 ans, qui ont admis avoir agressé sexuellement des enfants. Ils ont découvert les statistiques suivantes: 77 % de ces hommes étaient mariés; 93 % étaient religieux, des croyants; 46 % avaient obtenu une éducation supérieure; et 65 % avaient un emploi régulier. Après avoir entendu ces statistiques, peut-on dire à quoi ressemble un prédateur sexuel d'enfants? Physiquement, il pourrait ressembler à un grand nombre de députés à la Chambre. Il n'a pas l'apparence externe que nous imaginions.
Ils ont l'air d'hommes normaux à l'extérieur, mais, à l'intérieur, ils souffrent d'un trouble appelé pédophilie dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. La pédophilie est un trouble mental terrible. Nous ne discutons pas assez du traitement de ce trouble. Souvent, la pédophilie est diagnostiquée à l'adolescence. Des signes apparaissent et ces derniers peuvent être des signaux. Si nous les décelions suffisamment tôt, nous pourrions éviter les abus sexuels. Si nous pouvions déceler les signes de ce trouble à l'adolescence, nous pourrions nous attaquer à la racine du problème.
Nous devons nous attaquer à la racine du problème, parce que nous pourrions empêcher que ces hommes, et parfois ces femmes, ne commettent des abus sexuels. Nous devons nous concentrer sur la cause. Nous devons élaborer un plan de prévention des abus sexuels.
Le projet de loi C-26 propose d'excellentes mesures à prendre pour punir ceux ayant abusé d'un enfant. Nous les mettrions en prison et nous inscririons leur nom dans une base de données. Nous devons toutefois prendre des mesures pour trouver un moyen d'éviter que des enfants soient abusés en premier lieu.
Pour y parvenir, nous devons avoir une discussion franche. Nous devons arrêter de dire que ce sont de parfaits étrangers qui abusent des enfants. Nous connaissons les statistiques. Beaucoup d'études ont été réalisées. Nous devons vraiment affecter les ressources à la racine du problème et commencer à avoir des discussions franches avec notre famille et nos voisins sur les racines des abus sexuels.
Nous devons commencer à nous attaquer à la racine du problème, afin que les sept millions d'enfants du Canada, la prochaine génération, comme je l'ai dit, subissent moins d'abus et que nous puissions, je l'espère, éradiquer ce problème de notre société.