Monsieur le Président, je suis fier de prendre la parole pour représenter les habitants de Timmins—Baie James, qui m'accordent leur confiance, à l'instar de tous les Canadiens qui accordent leur confiance à leur député quel que soit le parti politique auquel il appartient.
Nous sommes nommés à la Chambre pour représenter les citoyens de notre pays en faisant abstraction de nos intérêts personnels, pécuniaires ou familiaux. Notre institution est une oeuvre inachevée qui, souvent, ne respecte pas les normes auxquelles les Canadiens s'attendent, mais c'est une Chambre démocratique qui représente la population du Canada.
Je doute que qui que ce soit se réjouisse du débat dans lequel nous sommes engagés ce soir. Je travaille avec le député de Peterborough depuis un certain nombre d'années. Au fil des ans, nous avons eu de nombreux échanges mémorables qui ressemblaient parfois au match de boxe entre Mohammed Ali et Joe Frazier. Je ne dis pas que je me comportais comme Mohammed Ali, mais nous nous respections, et nous travaillions bien ensemble en comité. Au comité du patrimoine canadien, nous nous sommes employés à bien cerner plusieurs enjeux. La collaboration était parfois moins facile au comité de l'éthique, dont les séances ressemblaient davantage à un spectacle, mais, Dieu merci, le député de Sherbrooke était là pour nous ramener à l'ordre.
Qu'ils soient d'accord ou non, les députés de tous les partis développent des liens, et ils doivent parfois se rappeler à l'ordre lorsqu'ils manquent à leurs obligations à la Chambre. Or, c'est ce que nous devons faire ce soir.
Le fait qu'un tribunal ait déclaré un député coupable de fraude électorale est un problème très grave. C'est un grave problème parce qu'il s'attaque au coeur de la démocratie canadienne. L'idée qu'on puisse déjouer le système et acheter des élections affaiblit la crédibilité de la Chambre en tant qu'institution démocratique. Nous devons prendre au sérieux ces infractions à la loi. Nous ne pouvons pas balayer cela du revers de la main en disant que ce ne sont que de simples erreurs.
Malheureusement, au cours de la dernière session parlementaire, nous avons été témoins d'un certain nombre d'incidents qui ont certainement amené les Canadiens à s'interroger sur les manquements à l'éthique au sein du système parlementaire. Il y a eu la suspension sans salaire de Patrick Brazeau, Pamela Wallin et Mike Duffy, qui font tous les trois l'objet d'une enquête, et qui subiront un procès.
Il y a eu Mac Harb, le sénateur libéral, qui a mis en place un stratagème peu commun pour soutirer des fonds publics. Les Canadiens moyens doivent se demander pourquoi quelqu'un en vient à faire cela. Afin d'obtenir les allocations de logement et de toucher 22 000 $ par année, Mac Harb a fait l'acquisition d'une propriété située à 100 kilomètres d'Ottawa, puis il en a vendu 99,99 % à quelqu'un d'autre — il avait donc une créance de 0,01 % —, et il a ensuite fraudé les contribuables en empochant 22 000 $ par année. Devant cette fourberie, le Canadien moyen se demanderait quel genre de personne imaginerait un tel stratagème. Il s'agit d'un grave abus de la confiance du public, et nous espérons que la GRC fera preuve de toute la diligence nécessaire en ce qui concerne cette fraude commise au Sénat.
Il y a le sénateur Raymond Lavigne, qui a été accusé et reconnu coupable de fraude et d'abus de confiance, puis envoyé en prison, lui aussi pour des stratagèmes visant à soutirer des fonds destinés au processus parlementaire et au processus sénatorial. L'utilisation de fonds à des fins de profit personnel constitue un abus de la confiance des Canadiens qui ne peut être écarté simplement parce que ces personnes sont riches, puissantes, ou qu'elles connaissent des gens.
En tant que parlementaires, nous sommes élus à la Chambre pour être les législateurs du pays. Ce qui est fascinant, dans la tradition parlementaire, c'est que pour agir à ce titre, nous sommes nommés par la population, qui nous accorde sa confiance. Nous n'avons peut-être aucune expérience dans le domaine du droit. On peut être boulanger, cordonnier, comptable ou bassiste de groupe punk. Si la population croit que nous devrions être ici pour examiner les lois, alors nous avons la responsabilité de le faire.
C'est un bon processus, car il signifie que l'examen des lois dans ce pays est fait et devrait être fait par des gens ordinaires, qui ont une expérience de la vie ordinaire, des gens qui sont là pour examiner les lois d'une façon raisonnable et s'assurer qu'elles sont bien conçues.
Quand des gens enfreignent sciemment la loi, ils doivent en subir les conséquences. Et c'est justement là-dessus que nous devons nous pencher ce soir.
Nous sommes saisis d'une situation où des infractions à la Loi électorale ont été commises. En effet, au cours de sa campagne électorale, le député de Peterborough a versé 21 000 $ à la société Holinshead pour démarcher des électeurs. Comme cette somme aurait entraîné le dépassement de la limite permise pour ses dépenses électorales, le député de Peterborough et son agent officiel, M. McCarthy, n'ont réclamé que 1 575 $ au titre des services rendus. On a ensuite allégué auprès d'Élections Canada que ces documents avaient été falsifiés pour camoufler les faits. L'argent a été dépensé et les services ont été rendus. Pourtant, ils ont tenté de prétendre qu'il s'agissait d'activités réalisées dans le cadre des fonctions parlementaires du député, et non de sa campagne électorale.
Un certain nombre de cas d'abus de confiance ont alors été observés. Premièrement, le député a dépassé la limite permise. Deuxièmement, il a falsifié des documents. Troisièmement, il a prétendu que les services rendus étaient de nature parlementaire, alors que, de toute évidence, ils avaient été fournis dans le cadre de la campagne électorale du député.
Le député de Peterborough a fait l'objet d'une enquête pendant un certain temps à ce sujet. Il a prétendu à la Chambre qu'il s'agissait d'une question de privilège. Malheureusement, je pense que, à l'époque, il a soutenu à tort que ses droits en tant que député avaient en quelque sorte été enfreints par le fait qu'il faisait l'objet d'une enquête au sujet d'un crime. Je ne pense pas que les Canadiens estiment qu'une personne dans cette situation a droit à un traitement de faveur en matière de protection simplement parce qu'elle siège à la Chambre des communes.
Je suis bien triste de dire cela, étant donné que les accusations qui pèsent contre le député sont très graves et que la condamnation pourrait être sévère. Lorsqu'elle a reconnu la culpabilité du député à l'égard de tous les chefs d'accusation, la juge Lisa Cameron a déclaré que son témoignage était truffé d'incohérences et de faux-fuyants. Elle a ajouté que le député n'était tout simplement pas un témoin crédible. Par conséquent, elle l'a déclaré coupable. Cette affaire nous place dans une situation très difficile. Que se passerait-il à la Chambre des communes si les gens qui sont censés adopter les lois en venaient à enfreindre celles-ci?
Le député de Peterborough a aggravé son cas, car lorsqu'on l'a interrogé au sujet de la décision de la juge, il a affirmé que c'était une question d'opinion. À mes yeux, il s'agit là d'un manque de respect flagrant envers la loi. On dirait que le député, en tant qu'initié conservateur, remet en question l'opinion de la juge au lieu de reconnaître que ses agissements constituent un abus de confiance à l'égard de ses concitoyens, des électeurs, et de son parti.
Il faut assumer ses responsabilités, d'où la nécessité que la Chambre agisse. Nous ne pouvons tout simplement pas continuer comme s'il ne s'était rien passé.
Maintenant, le député de Peterborough affirme qu'il a plus de preuves et qu'il veut rouvrir le dossier. Le fait est qu'il a été reconnu coupable, point à la ligne. À partir de là, la Chambre est forcée d'agir.
Nous nous retrouvons devant une situation sans précédent, car nous n'avons pas vraiment dû nous occuper d'une telle question à la Chambre. Nous savons qu'au Sénat, où un certain nombre de sénateurs font l'objet d'une enquête, des mesures ont été prises au début de l'année pour suspendre sans solde trois sénateurs — Brazeau, Wallin et Duffy — pendant qu'ils faisaient l'objet d'une enquête. C'est à ce moment-là que Mac Harb a démissionné. Aucun de ces sénateurs n'avait encore été accusé, mais étant donné la perte de confiance des Canadiens à l'égard du Sénat, on a jugé qu'ils devaient être suspendus sans solde.
Lorsqu'un député est reconnu coupable, la suspension sans solde constitue la première étape. Il va sans dire que la Chambre prend au sérieux tout manquement à la loi et que nous, les députés, peu importe nos allégeances politiques, reconnaissons qu'il s'agit en l'occurrence d'un manquement grave.
Quelle est la deuxième étape? L'affaire devrait être renvoyée au comité de la procédure et des affaires de la Chambre afin qu'il examine les nombreuses questions qui découlent de cette condamnation et de cette suspension sans solde et qu'il prenne une décision à leur égard. Je ne propose pas cela pour protéger mon collègue de Peterborough ou pour lui accorder un privilège quelconque auquel un citoyen ordinaire n'aurait pas droit. Je le propose plutôt parce qu'on s'attend à ce que nous, parlementaires, fassions preuve de diligence dans ce dossier. En effet, certaines questions doivent être résolues.
Par exemple, à l'heure actuelle, il y a des employés du député qui travaillent dans son bureau de circonscription et qui servent la population de Peterborough. Ils répondent au téléphone et s'assurent que les résidants ont accès aux renseignements dont ils ont besoin. Même si le député est suspendu, même s'il ne peut pas siéger à la Chambre, nous devrons nous pencher sur la durée de cette suspension.
Le Nouveau Parti démocratique a affirmé que, en tant que parlementaires, nous devons envoyer un message clair et faire en sorte que le député soit suspendu sans solde. Il ne peut pas venir ici. Il ne peut pas siéger. Il ne peut pas voter. C'est ce message que nous devons envoyer. Je suis convaincu qu'ensuite, tous les parlementaires pourront mettre de côté leurs intérêts partisans et faire preuve de la diligence nécessaire pour mettre ces mesures en application.
Autre exemple: il faut aussi tenir compte du problème lié au régime de pension du député. Est-il question de retirer à quelqu'un sa pension de façon rétroactive? Il s'agit d'un enjeu très sérieux. Je ne veux pas qu'on en débatte agressivement à la Chambre. Je veux que l'on fasse preuve de diligence raisonnable. Je veux que les choses soient bien faites, d'une façon qui satisfait les Canadiens. Nous pourrons alors dire que nous avons fait notre devoir dans le cas qui nous occupe.
Il est malheureux que le député de Peterborough n'ait pas choisi de démissionner et de nous éviter ainsi d'avoir à traiter de cette affaire. Mais nous y verrons tout de même. Selon moi, il nous est possible de le faire tout en respectant les traditions de la Chambre ainsi que les électeurs de Peterborough. Nous devons aborder ce dossier en nous rappelant qu'on nous a investi du devoir d'agir comme il se doit.
Ces quatre dernières années, nous avons été témoins de quelques sordides exemples d'infractions à la loi sur lesquels nous devons revenir, car ils témoignent de l'érosion des normes d'éthique à la Chambre. Il y a eu le cas sans précédent de M. Peter Penashue. Élu dans la circonscription de Labrador, cet homme de réputation pourtant très impressionnante a enfreint la Loi électorale du pays et a été forcé de démissionner. Il a perdu son poste et a dû partir dans la honte. Il n'a pas été parmi nous très longtemps.
Je pose encore une fois la question: pourquoi la Loi électorale est-elle si importante? Parce qu'au Canada, il a été établi que personne ne devrait pouvoir acheter une élection. La Loi électorale est juste, de sorte qu'un candidat sera traité équitablement si, après avoir bâti son équipe, trouvé du financement et rassemblé des bénévoles, il souhaite se présenter contre un député en poste depuis longtemps. Au Canada, le processus démocratique impose une limite au montant qu'un candidat peut dépenser, de sorte qu'il n'est pas possible de simplement acheter le genre de visibilité politique qu'un autre candidat serait incapable de s'offrir.
Cette règle n'existe pas aux États-Unis. Je connais beaucoup d'Américains qui se demandent comment le Canada a réussi à maintenir un système électoral plus crédible à bien des égards. Une grande partie de la réponse est liée aux règles concernant le financement électoral. Ainsi, les gens qui truquent le système, qui croient pouvoir acheter des votes, n'ont pas leur place à la Chambre.
Il y a donc eu la démission de M. Penashue. Il y a aussi eu, en 2006, les manoeuvres de transfert; de hauts dirigeants du Parti conservateur ont été contraints de plaider coupables, mais, hélas, ils n'ont pas été sanctionnés. Au contraire, ils ont été nommés au Sénat, ce qui, selon moi, envoie un très mauvais message. Il y a eu l'affaire des appels automatisés, en 2011. La Cour fédérale a conclu qu'il y avait eu de nombreux cas de fraude par appels automatisés à l'échelle du pays. Le juge a conclu que la base de données téléphoniques du Parti conservateur était au coeur du stratagème. Malheureusement, les lois électorales n'ont pas permis à Élections Canada d'obtenir les renseignements nécessaires auprès des témoins; les démarches judiciaires ont donc été abandonnées.
Michael Sona a été déclaré coupable, mais nous ignorons toujours qui a effectué les appels frauduleux, par exemple dans Nipissing—Timiskaming, où la victoire s'est décidée à quelque 17 votes près. Quelqu'un a fait ces appels. Quelqu'un a monté la base de données. Nous n'avons jamais eu de réponses à ces sujets. Voilà qui entache la crédibilité de la Chambre.
S'il est possible de commettre impunément ce genre de fraude électorale, les Canadiens perdront confiance envers le système politique, ce qui nous ramène au sujet dont nous sommes saisis ce soir. Je crois que nous pouvons faire ce qui s'impose. Nous pouvons agir de manière raisonnable.
Nous devons nous intéresser aux grandes questions de reddition de comptes qui demeurent en suspens à la suite des abus survenus au Sénat. J'espère que le rapport du vérificateur général sur les dépenses du Sénat nous donnera une meilleure idée de ce qu'il faut faire avec cette institution fort belligérante.
Le problème du Sénat, c'est qu'il refuse de mettre en place certains des freins et contrepoids qui ont été instaurés à la Chambre des communes. Cela ne veut pas dire que les députés qui siègent ici sont des anges, mais il existe des différences fondamentales entre les deux Chambres du Parlement. Premièrement, les députés ont un mandat démocratique. Ils ont été élus par la population, et ils peuvent être mis à la porte par elle. Au Sénat, personne ne peut être renvoyé. Les sénateurs restent en poste jusqu'à ce qu'ils atteignent 75 ans, qu'ils se présentent au travail ou non. Le célèbre sénateur canadien qui vivait au Mexique se présentait une fois par année au Sénat pour montrer son bronzage, et il a reçu un salaire pendant des années.
Il doit y avoir une meilleure reddition de comptes au Sénat. La présentation de la Loi fédérale sur la responsabilité en 2006 est l'une des rares occasions où les néo-démocrates ont cru que les conservateurs allaient collaborer avec eux pour améliorer la reddition de comptes après les terribles abus commis par les libéraux durant les années où le Programme des commandites était en place. Toutefois, nous avons eu de la difficulté à assurer une meilleure reddition de comptes, en partie parce que le Sénat a refusé de respecter les mêmes normes, ce qui est très problématique.
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