Monsieur le Président, je suis toujours heureux d'intervenir à la Chambre pour ajouter mes réflexions sur une question donnée. Après avoir lu le titre du projet de loi S-2, bien des gens pourraient penser qu'il s'agit d'un projet de loi plutôt terne et ennuyant, mais, comme je l'ai précisé dans ma question à l'intention du secrétaire parlementaire, les détails sont en fait très importants.
Selon moi, compte tenu de la structure de notre système, nous n'accordons pas une assez grande attention aux dispositions réglementaires. Les Canadiens seraient surpris de constater à quel point notre société est réglementée, et pas seulement à Ottawa, mais aussi à l'étranger, et tous ces règlements ont une incidence sur la vie des Canadiens. Cela se produit à l'échelle nationale, ce dont nous parlons principalement ce matin, mais aussi à l'échelle provinciale et municipale. Notre vie quotidienne à tous est régie par des règlements.
Les dispositions réglementaires sont importantes et ont de profondes répercussions. Certaines mesures législatives présentées à la Chambre des communes sont assez simples, et il est facile de les commenter. Pour d'autres mesures, comme celle dont nous débattons, il faut faire preuve d'une plus grande diligence au moment de les examiner.
Le Parti libéral a de nombreuses préoccupations quant au projet de loi S-2. Dans l'ensemble, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi, parce que nous avons plusieurs préoccupations.
D'entrée de jeu, il est important de préciser que l'incorporation par renvoi permet au gouvernement ou aux organismes fédéraux de donner force de loi à des documents qui ont été publiés ailleurs. Nous devrions tous nous en inquiéter.
Nous avons discuté énormément de cette question au sein du caucus libéral et échangé avec les Canadiens au sujet de différentes idées et réflexions. À maintes reprises — et encore au début de cette semaine —, nous avons parlé du fait que rien ne va plus à Ottawa et que certains progrès qui seraient importants ne s'y produisent pas.
Nous sommes saisis aujourd'hui d'un projet de loi qui me permet d'illustrer mon propos. Il existe des comités permanents à la Chambre. L'un d'entre eux s'intéresse exclusivement à la réglementation. Sa fonction principale consiste à mieux comprendre la réglementation. Il examine avec diligence toutes ces questions. À la Chambre, nous consacrons relativement peu de temps à la réglementation, mais les députés y veillent par d'autres moyens, à partir de son élaboration jusqu'à son adoption à la Chambre, en passant par sa publication dans la Gazette du Canada. Nous devons bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui et ce que le projet de loi propose de faire.
Citoyenneté et Immigration Canada est un ministère que je suis d'assez près en ce qui a trait à la réglementation. Le gouvernement actuel a fait adopter des projets de loi, dont un grand nombre sont très ciblés et très peu positifs. Toutefois, lorsque des mesures législatives sont adoptées après des heures et des heures de débat en comité — sans compter ce qui se passe à l'extérieur des comités —, elles ne portent pas en tant que tel sur la réglementation. C'est la réglementation qui fournit les détails complétant ou, parfois, atténuant la mesure législative.
Je vais donner un exemple. Nous adoptons une mesure législative qui porte sur la question de la citoyenneté; nous adoptons ensuite un règlement qui appuie certaines des décisions que nous avons prises. Par exemple, le gouvernement adopte une loi visant à créer des ressources additionnelles ou à pourvoir le ministère de ressources suffisantes afin d'accélérer le processus d'acquisition de la citoyenneté. Vient ensuite un règlement qui stipule combien coûtera désormais l'acquisition de la citoyenneté. Nous avons vu des choses plutôt bizarres se produire dans ce domaine, notamment la multiplication par quatre des droits exigés pour les services de citoyenneté, qui a mécontenté bon nombre de personnes de ma circonscription et de partout au Canada.
Comment cela se fait-il? La mesure législative est adoptée ici, puis le règlement est établi. D'ordinaire, le ministre qui élabore le règlement le présente à l'ensemble du Cabinet, lequel l'adopte ensuite. Le règlement est finalement publié dans la Gazette du Canada, et tous les Canadiens peuvent y avoir accès.
Grâce à ce processus, même si les députés ne sont pas nécessairement tous au courant des travaux du Cabinet, il y a au moins quelques parlementaires qui suivent ce qui s'y fait, ce qui est fort important quand il est question de règlements. C'est qu'en fin de compte, si quelque chose paraît dans la Gazette du Canada, nous devons avoir la certitude qu'un député a suivi le processus qui a conduit à sa publication. Ce peut être un membre du Cabinet, parce que, en somme, le Cabinet doit approuver au préalable ce qui est publié dans la Gazette du Canada. Il existe ainsi une certaine forme de reddition de comptes. Le gouvernement est responsable en dernier ressort.
Le projet de loi dont nous sommes saisis changerait quelque peu les choses. On pourrait faire valoir que l'incorporation par renvoi existe déjà. Elle se fait effectivement. Toutefois, le projet de loi que nous étudions en ce moment accroîtrait le recours à cette technique. Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l'incidence que cette augmentation aurait sur la Gazette du Canada de même que sur la Chambre des communes et sur la capacité des députés de tenir le gouvernement responsable de règlements qui changeraient de plus en plus sans que la Chambre puisse vraiment suivre assidûment ce qui se passe.
C'est un aspect qui devrait tous nous préoccuper. Le caucus libéral et le Parti libéral ont exprimé des préoccupations à cet égard, et c'est pour cette raison que nous n'appuierons pas le projet de loi S-2.
Le projet de loi S-2 réduirait le contrôle auquel sont assujettis les règlements fédéraux, en autorisant la subdélégation du pouvoir de réglementation qui est déjà délégué par le Parlement au gouverneur en conseil et à d'autres personnes. Comme je l'ai mentionné, on ne peut pas faire confiance au gouvernement actuel pour qu'il utilise ce pouvoir de façon responsable. En effet, nous avons constaté à maintes reprises qu'il n'hésite pas à faire fi des mécanismes de contrôle en proposant des projets de loi omnibus et qu'il n'a aucun respect pour la procédure d'examen de la constitutionnalité des textes législatifs, qui relève du ministère de la Justice. Ce ne sont là que quelques exemples.
J'ai eu l'occasion de parler de certains de ces détails. Nous avons parlé des énormes projets de loi d'exécution du budget. Le gouvernement y intègre de nombreuses dispositions provenant d'autres mesures législatives, et il tente de les faire adopter de façon détournée, par l'entremise du budget, pour ne pas être tenu de rendre des comptes, pour éviter que ces mesures soient étudiées de près par les députés, et aussi pour éviter qu'elles fassent ensuite l'objet d'un examen rigoureux par différents intervenants. Il essaie de faire adopter en douce certaines mesures législatives en proposant ces énormes projets de loi d'exécution du budget.
Quand le premier ministre était dans l'opposition, il disait très clairement — et je ne l'ai pas oublié — à quel point il était répréhensible de se servir de projets de loi d'exécution du budget pour faire adopter, de façon détournée, un programme législatif. Pourtant, aucun gouvernement n'a recouru davantage à cette tactique que le gouvernement conservateur actuel.
Je pourrais demander à mon collègue de Charlottetown d'aborder la question de la surveillance et de souligner à quel point elle est importante. Le Parti libéral a recommandé que le SCRS et les enjeux entourant la sécurité fassent l'objet d'une surveillance parlementaire. Nous avons eu un débat assez important sur le projet de loi C-51. Les conservateurs tentent de faire croire à la population qu'il y a des terroristes à tous les coins de rue, alors que le NPD pense essentiellement qu'il n'y a pas de problème et qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Il s'agit-là d'approches diamétralement opposées.
Les libéraux comprennent l'importance de la sécurité. Nous en sommes conscients. Cependant, nous comprenons aussi l'importance de protéger les droits individuels. Après tout, nous sommes le parti qui a présenté la Charte canadienne des droits et libertés.
Nous parlons de diligence et de l'important rôle de surveillance joué par les comités parlementaires. Aux termes du projet de loi S-2, les règlements seront assujettis à une moins grande surveillance parlementaire. Je crois que le secrétaire parlementaire s'en rend compte, ou du moins le devrait.
Il aurait été plus encourageant d'entendre le secrétaire parlementaire parler de l'importance de la surveillance parlementaire. Le gouvernement et lui sont très enthousiastes à l'égard de ce projet de loi, mais ils ne disent pas si le gouvernement du Canada est prêt à abandonner un élément très important de l'incorporation par renvoi dans les règlements. Cela aura des répercussions très importantes non seulement aujourd'hui mais surtout à l'avenir, car le Canada est en train de se tailler une place plus importante sur le marché mondial. La surveillance parlementaire revêt donc une importance capitale.
Malheureusement, nous avons perdu le débat sur le projet de loi C-51, mais nous y remédierons cet automne si les électeurs nous en donnent l'occasion.
Qu'en est-il de la surveillance parlementaire au sujet de ces questions, car elles sont également importantes? Je le répète, le gouvernement estime que nous ne devrions pas nous inquiéter de la surveillance. Le gouvernement a tort. Les Canadiens ont des attentes élevées à l'égard du travail que doivent accomplir les parlementaires. Permettez-moi de donner un exemple concret aux députés.
Nous savons tous que le premier ministre a utilisé des centaines de milliers de dollars pour les séances photo entourant l'accord commercial avec l'Europe. Les ressources ne manquent pas lorsqu'il s'agit de dépenser l'argent des contribuables pour des séances photo concernant l'accord avec l'Union européenne, lequel n'est pas finalisé. Je crois que, à ce jour, le Canada est le seul signataire de cet accord. Nous devrons attendre l'élection du prochain gouvernement pour le finaliser.
Qu'en est-il des détails de l'accord? Le secrétaire parlementaire a reconnu que les règlements nécessiteront beaucoup de travail lorsque l'accord avec l'Union européenne aura été finalisé. Nous devrions tous être préoccupés par cet élément très important. Ces règlements sont déterminants pour mettre le Canada sur un pied d'égalité.
Que ce soit le chef du Parti libéral ou n'importe quel autre membre de mon caucus, nous sommes très fiers des entreprises dans toutes les régions du Canada. Nous savons que nous excellerons si nous les mettons sur un pied d'égalité. Les gouvernements libéraux ont enregistré des excédents commerciaux. Nous avons confiance dans le milieu des affaires et nous l'appuyons dans ses démarches visant à pénétrer de nouveaux marchés. Nous devrions donc être préoccupés. Les règlements suivront ces accords.
Compte tenu de l’incorporation par renvoi, dans quelle mesure le projet de loi fait-il en sorte que, par exemple, les règlements concernant certains aspects des accords commerciaux ne seront pas examinés par la Chambre des communes ou qu’elle n’aura aucun rôle à jouer à cet égard? Nous savons que cela arrivera. Voilà pourquoi j’ai demandé au député comment les choses allaient à ce sujet et au sujet de l'accord avec l’Ukraine.
Je me permets de faire un aparté pour parler d'une question qui me tient à coeur. J’aimerais que le premier ministre laisse tomber certaines séances photo, qu'il se mette au travail et qu'il conclue une entente avec l’Ukraine. L’Union européenne l’a déjà fait. Pourquoi le Canada ne l’a-t-il pas encore fait? Un règlement aurait fait suite à une telle entente. Le premier ministre doit se concentrer sur la manière d’aider les Ukrainiens de manière concrète. D'ailleurs, cela aiderait également le Canada.
Les gens doivent reconnaître que le gouvernement n'a pas expliqué de façon satisfaisante pourquoi il ne considère pas que les députés ont un rôle accru à jouer en ce qui concerne les règlements. La réalité de la mondialisation se précise de jour en jour. Les députés doivent jouer un rôle accru en matière de surveillance. Au Canada, un comité permanent de la Chambre des communes est chargé de la surveillance des règlements. Si nous accordons un plus grand rôle à l’incorporation par renvoi et que nous tenons compte des lois internationales, de l’accroissement du commerce et de l’importance de la participation du Canada aux échanges commerciaux, pourquoi ne pas prévoir dans la loi que notre comité permanent jouera un rôle accru en matière de surveillance?
J’invite les députés à visiter le site Web: duvraichangement.ca. Les libéraux y proposent des occasions de renforcer la surveillance. Lorsqu’il est question de règlements comme...