Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole au nom d'un grand nombre de mes électeurs et d'un grand nombre de membres des Premières Nations au Canada qui s'opposent farouchement au projet de loi S-2.
Comme on l'a mentionné plus tôt, je prends la parole exactement cinq ans après que le gouvernement eut présenté des excuses aux survivants des pensionnats indiens, cinq ans après qu'il eut pris envers les Premières Nations de notre pays l'engagement très sérieux de bâtir une nouvelle relation, d'adopter une nouvelle façon de faire les choses et de créer un nouvel avenir. Malheureusement, tout ce que les membres des Premières Nations ont pu voir depuis ce jour, depuis cinq ans, c'est d'autres politiques colonialistes, d'autres attitudes paternalistes et davantage de pauvreté et de marginalisation.
Le projet de loi S-2 est un autre pas dans cette direction. Le projet de loi S-2 ne s'inscrit pas dans une ère nouvelle, mais plutôt dans une tendance du gouvernement à présenter des mesures législatives coloniales à l'égard des Premières Nations. Il y a eu le projet de loi C-47, puis le projet de loi C-8. Nous avons maintenant le projet de loi S-6. Les membres, les organisations et les dirigeants des Premières Nations se sont opposés à toutes ces mesures législatives. Leur position était claire lors du mouvement Idle No More. Les membres des Premières Nations se sont soulevés contre le projet de loi omnibus qui allait avoir une incidence sur leurs droits ancestraux et issus de traités, mais ils ont aussi indiqué qu'ils s'opposaient à cette série de mesures législatives, y compris le projet de loi S-2, que le gouvernement met de l'avant.
Je rappelle aux ministériels que le mouvement Idle No More a été lancé par quatre femmes de Saskatoon qui, avec un grand nombre d'autres femmes autochtones au Canada, ont dit: « C'est assez. » Elles ont dit qu'elles en avaient assez des attitudes colonialistes dont leurs collectivités sont victimes depuis trop longtemps. Elles ont dit c'est assez à un gouvernement qui cherchait à imposer ses vues assimilationnistes à leurs collectivités. Elles ont dit qu'elles en avaient assez du statu quo.
Les ministériels ont exprimé leur fausse indignation face au fait que les femmes autochtones attendent depuis 25 ans. En fait, le colonialisme existe depuis bien plus que 25 ans et les Premières Nations ont dû affronter les gouvernements qui se sont succédé. Le gouvernement actuel n'est pas différent. Son attitude est inacceptable. Elle est tout à fait contraire à ce que les Canadiens attendent de leur gouvernement, Pourtant, les conservateurs persistent dans la même voie.
Les préoccupations liées au projet de loi S-2 ne sont pas philosophiques. Elles sont très concrètes et elles reposent sur des aspects très problématiques de cette mesure législative. Premièrement, il n'y a pas eu de consultation de nation à nation. Nous n'avons pas le choix. La Constitution prévoit que les Premières Nations doivent être consultées.
Il faut en faire davantage. Le gouvernement a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Par le truchement du projet de loi S-2, le gouvernement revient sur l'engagement qu'il a pris dans cette déclaration. Le projet de loi S-2 constitue une attaque contre les droits ancestraux et issus de traités. Même si l'on nous sert de vagues déclarations selon lesquelles on respecte la gouvernance des Premières Nations, bon nombre de mesures législatives ont été présentées sans que le gouvernement en tienne compte. Les ministériels ont vraiment du culot lorsqu'ils déclament leurs beaux discours sur les Premières Nations, parce que, en fait, ils n'écoutent pas les membres des Premières Nations les plus touchés.
Le projet de loi renferme de nombreuses lacunes graves; examinons-en quelques-unes. Soyons clairs. Le NPD a présenté des amendements sensés au projet de loi, lesquels portaient sur une série de points; je n'énumérerai toutefois que quelques-uns de ces points. Nous avons souligné que, si l'on ne tenait pas compte de ces points — et puisque nous avions des réserves en raison du manque de consultation —, nous ne pourrions pas appuyer le projet de loi S-2. Il convient de répéter qu'il ne s'agit pas d'une discussion d'ordre philosophique. Les députés se rendront compte que les points que je soulèverai sont de l'ordre du concret et qu'ils sont fondés sur des faits dont le gouvernement a complètement fait abstraction lorsqu'il a élaboré ce projet de loi.
Le projet de loi S-2 ne donne pas suite aux recommandations du représentant ministériel de concevoir et d'appliquer le projet de loi en collaboration. Il ne reconnaît pas la compétence des Premières Nations ni ne leur fournit les ressources nécessaires pour appliquer cette loi. Il ne fournit pas d'autres mécanismes de règlement des différends à l'échelle communautaire. Il ne prévoit pas d'accès aux tribunaux, surtout dans les communautés éloignées. Il ne tient pas compte de la nécessité d'adopter des mesures non législatives pour contrer la violence faite aux femmes autochtones. Il rendrait les juges des cours provinciales responsables de statuer sur des codes fonciers alors qu'ils n'ont ni formation ni expérience à cet égard. Il ne tient pas compte de certaines questions, comme l'accès au logement et la sécurité économique, qui sont sous-jacentes aux problèmes de répartition de biens matrimoniaux dans les réserves.
De toute évidence, le projet de loi S-2 ne tient compte d'aucun de ces points. On ne répond pas du tout aux préoccupations graves soulevées par des membres des Premières Nations au comité et durant les consultations. De surcroît, ce n'est pas la première fois que nous sommes saisis de la mesure. Le gouvernement conservateur a essayé à maintes reprises de la faire adopter, et à chaque fois les membres des Premières Nations ont fait connaître leur opposition à l'approche paternaliste des conservateurs sur la question des biens immobiliers matrimoniaux.
On apprend ce soir que le gouvernement conservateur a commencé à s'intéresser à la violence à l'égard des femmes autochtones; que de belles paroles, mais voyons voir les gestes qu'il a posés.
La situation est connue de tous, et nous nous trouvons maintenant à un point dans notre histoire où notre inaction à l'égard du fléau endémique des femmes autochtones assassinées ou portées disparues nous couvre de honte sur la scène internationale. Plus de 600 femmes autochtones ont été portées disparues ou assassinées au Canada, mais le gouvernement se contente d'esquiver la question.
Les conservateurs prétendent répondre à la question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues en présentant le projet de loi S-2. Mais les Autochtones savent bien que le présent gouvernement cherche seulement à détourner l'attention; personne n'est dupe.
La question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues est grave, et elle exige de nous plus qu'une mesure législative insultante et paternaliste. Elle exige des mesures concrètes. Il faut s'asseoir avec les Premières Nations et travailler avec elles. Il faut investir dans des mesures autres que législatives. Il faut s'attaquer à la racine du problème de la violence que subissent les femmes autochtones.
Nous avons entendu dire que, si le gouvernement actuel voulait vraiment faire quelque chose, il aurait mené une enquête nationale comme on le demande au pays depuis des années. Pourtant, il ne l'a pas fait. Si le gouvernement se souciait vraiment du sort des femmes autochtones, il aurait répondu aux demandes et mis en place un plan d'action national afin de mettre fin à la violence contre elles. Toutefois, il ne l'a pas fait. Si le gouvernement se préoccupait réellement des femmes autochtones, il prendrait des mesures pour lutter contre la pauvreté abjecte dans laquelle ces femmes vivent au Canada, mais il n'a rien fait.
Je dirais que, non seulement le gouvernement conservateur n'a rien fait pour régler le problème de pauvreté des femmes des Premières Nations, mais qu'il a, au contraire, aggravé la situation. Il l'a aggravée en effectuant des compressions dans les services dont les membres des Premières Nations ont besoin et en continuant d'appliquer le plafond de 2 % que le gouvernement libéral avait imposé par le passé aux Premières Nations. Il empire les choses en s'en prenant aux organisations de défense, y compris les conseils tribaux, qui offrent des services directs aux Premières Nations, ce qui change vraiment la situation en ce qui a trait au logement et à l'éducation.
Le gouvernement conservateur agit de manière très hypocrite en prétendant soudainement se préoccuper de la violence à l'égard des femmes autochtones. De plus, il est honteux que, au lieu de s'occuper de ses propres affaires, il intervienne à la Chambre pour lancer des accusations contre le NPD et d'autres.
Il tente de détourner l'attention. Les Autochtones ont déjà observé de telles tactiques, et ils constatent que le gouvernement conservateur y a amplement recours. Ils l'ont remarqué quand les médias ont rapporté que la ministre de la Condition féminine blâmait les chefs et les dirigeants parce que le projet de loi n'allait pas de l'avant.
J'ai eu l'occasion de soulever le même point avec les chefs qui sont venus au comité, dont certaines étaient des femmes. Je leur ai lu le genre de message que le gouvernement proposait. J'avais tellement honte qu'un gouvernement fédéral et ses ministres, les ministres de la Couronne, traite les chefs des Premières Nations avec un tel manque de respect alors qu'ils ne faisaient que donner de la rétroaction sur un projet de loi au nom de leur peuple, alors que les chefs, hommes et femmes, faisaient connaître le besoin urgent de mettre fin à la violence que vivent les femmes des Premières Nations.
Parlons un peu de certaines de ces difficultés. Revenons aux niveaux de pauvreté extrême.
Un des thèmes les plus récurrents à avoir surgi au comité était le manque de logements dans les collectivités des Premières Nations. Certains députés, en fait, des ministériels qui siègent au comité, ont demandé quel est le lien entre le logement et la violence.
D'après moi, peu de ministériels ont passé du temps dans les réserves. Je les invite à venir dans le Nord du Manitoba et à visiter des collectivités comme Pukatawagan, la nation crie d'Opaskwayak, Gods River, Shamattawa, St. Theresa Point, Garden Hill, Berens River et Bloodvein. Je les invite à visiter des maisons infestées de moisissures où logent 15 ou même 21 personnes.
Je les invite à constater la situation par eux-mêmes, à entendre parler des tensions sociales qui se développent tout simplement parce que les gens n'ont pas d'endroit pour vivre. Comment se fait-il qu'ils n'aient pas de chez eux? Je dirai que c'est parce qu'ils vivent dans des réserves régies par un système fédéral géré par des gouvernements fédéraux qui se succèdent. À l'heure actuelle, le gouvernement conservateur ne fait rien d'autre que d'appauvrir davantage ces gens, que de remplir des logements inadéquats avec encore plus de gens et que de limiter les possibilités qui donneraient aux gens des Premières Nations accès au monde extérieur et aux débouchés qui pourraient exister à l'extérieur de leur collectivité. Le gouvernement nous affirme maintenant qu'un document, en l'occurrence le projet de loi S-2, mettra fin aux tensions et aux conflits sociaux auxquels sont confrontées les Premières Nations.
Voilà qui dépasse l'insulte. Voilà qui est à l'abri de tout reproche possible. C'est carrément du colonialisme. Ce gouvernement colonialiste n'a rien fait de plus que de marginaliser davantage les Autochtones de ce pays.
Pour le NPD, les dirigeants des Premières Nations, les hommes et les femmes, et, plus particulièrement, les militants de base, qui se sont défendus et ont pris position dans le cadre du mouvement Idle No More, sont une grande source d'encouragement. Ils ont dit qu'ils en ont assez de l'attitude de l'actuel gouvernement et de ses engagements prometteurs — comme celui pris directement par l'actuel premier ministre il y a cinq ans, censé définir une nouvelle relation — qui, projet de loi après projet de loi, sont remplacés par des discours démagogiques qui visent à diviser les Canadiens, à monter les Canadiens de diverses origines contre les Canadiens autochtones, à diviser les collectivités autochtone et à détourner l'attention au lieu de prendre des mesures concrètes, de travailler avec les Premières Nations, de tenir des consultations de nation à nation, de travailler en partenariat et de faire les investissements nécessaires.
Ces problèmes ne disparaîtront pas de sitôt. La violence faite aux femmes autochtones ne disparaîtra pas par enchantement avec l'adoption du projet de loi S-2.
Je pense à Joan Jack, conseillère de Berens River, qui a livré un discours si passionné au comité. Elle a dit que ce projet de loi ne sauvera pas une vie à Berens River.
J'encourage les ministériels à lire le hansard pour prendre connaissance des messages que nous avons entendus au comité et constater que le projet de loi S-2 est loin de faire l'unanimité.
En parlant du comité, nous avons entendu plusieurs ministériels dire ce soir qu'il y avait eu des consultations au sujet de ce projet de loi. Si l'avis des gens leur tient tellement à coeur, pourquoi ont-ils imposé la clôture? Pourquoi ont-ils limité le débat, non seulement à la Chambre, mais au comité?
Nous avons eu deux semaines pour examiner ce projet de loi fondamental. Permettez-moi de préciser que, pendant cette période, le gouvernement a bien pris soin de donner la parole au Congrès des peuples autochtones plus souvent qu'à toute autre organisation autochtone nationale. Dans son exposé, le Congrès des peuples autochtones a précisé clairement qu'il ne représente pas les Autochtones qui vivent dans les réserves. Par conséquent, il y a lieu de se poser la question suivante: pourquoi une organisation qui ne représente pas les membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves est-elle considérée comme l'autorité suprême en ce qui concerne ce projet de loi?
Je ne ferai pas durer le suspense trop longtemps: c'est parce qu'elle a livré le genre de messages que souhaitait entendre le gouvernement. Cependant, des organisations comme l'Association des femmes autochtones du Canada, l'Assemblée des Premières Nations, certains chefs de bande, des gens ayant des compétences en droit et des dirigeants locaux, qui ont manifesté leurs inquiétudes au sujet du projet de loi S-2 ou qui étaient carrément contre celui-ci, n'ont pas eu droit au même temps de parole que le Congrès des peuples autochtones.
L'Association des femmes autochtones du Canada a eu droit à huit minutes pour parler de ce projet de loi, sans période de questions et réponses. C'est absolument renversant. L'Assemblée des Premières Nations, quant à elle, a disposé de 10 minutes pour exposer son point de vue et elle a eu droit à une période de questions et réponses de 12 minutes, tout au plus.
Mais cela n'empêche pas le gouvernement de brandir le mot « consultation » et de miser sur l'indignation. Nous sommes plusieurs à être solidaires des Premières Nations, celles-là même dont on n'a pas pu entendre la voix ou le message parce que le gouvernement s'est empressé de restreindre le débat, et nous sommes remplis d'outrage et de colère devant le comportement colonialiste du gouvernement à l'égard des Premières Nations.
Les Premières Nations méritent beaucoup mieux que le traitement que leur inflige le gouvernement actuel, qui tente seulement de les appauvrir, de les marginaliser et de les assimiler toujours davantage. Les Premières Nations ont droit à la justice et au respect. Elles ne méritent certainement pas une mesure législative comme le projet de loi S-2. Elles méritent un véritable leadership. Je conclurai là-dessus.
Nous avons entendu les demandes des députés du gouvernement, qui espèrent que nous changerons de cap. Je leur demanderais de bien écouter ceux qu'ils n'ont pas laissés s'exprimer au comité et à la Chambre; je leur demanderais d'écouter la voix des Premières Nations qui seraient les plus touchées par cette mesure. Je les invite à changer de cap, à se libérer de l'approche colonialiste qui leur tenait à coeur jusqu'ici, à recommencer à neuf, bref, à prendre un nouveau départ, comme leur patron le disait il y a cinq ans. Le moment est venu.