Monsieur le Président, je viens tout juste d'écouter le secrétaire parlementaire se contorsionner dans sa logique tordue. Il ressemblait davantage à une meneuse de claques pro-armes à sous-munitions qu'à quelqu'un qui s'y oppose. Il a passé la majeure partie de son discours à justifier les endroits où il pourrait être nécessaire de les utiliser dans l'intérêt d'une puissance supérieure. Il semblait travailler davantage pour la NRA que pour le mouvement pacifiste.
Il n'est pas surprenant que les exceptions figurent à l'article 11, parce que 22 est un multiple de 11 et que le député adopte à l'égard des mines à dispersion une attitude digne du roman Catch 22 de Joseph Heller.
J'espérais que le débat de ce soir à ce sujet serait sérieux, parce que le pays nous regarde. Le pays avait bon espoir que nous tentions de prendre certaines mesures afin de reconquérir notre place dans la communauté internationale, comme nous l'avons fait pour le traité sur les mines terrestres quand tout le pays s'est engagé dans le dossier. Des écoliers s'étaient engagés dans le dossier. Les gens étaient fiers du Canada et de la place de chef de file que nous avions revendiquée au sein de la communauté internationale, qui était dirigée par Lady Di et, dans notre propre pays, par des gens comme la Dre Samantha Nutt et Lloyd Axworthy. Ils ont joué un rôle important et ont fait la fierté du pays.
Au lieu de cela, nous avons pris une mesure vertueuse et qui avait un grand mérite, puis nous l'avons sabotée et compromise. Nous nuisons à la communauté internationale et nous la compromettons à cause de ces exceptions.
Je m'explique.
Le secrétaire parlementaire s'esclaffe. Je crois qu'il ne se rend pas compte de la mauvaise image que ses manigances donnent de notre pays.
J'ignore s'il est responsable du sabotage. Je ne crois pas que son grade soit assez élevé pour cela. Comme il se fait tard, je vais revenir à notre sujet un instant, tandis que nous avons l'attention du secrétaire parlementaire et qu'il est encore lucide, car il pourrait recommencer son bavardage afin de nous empêcher de tenir toute forme de débat constructif.
Je vais lire l'article 6, dont je citerai quelques extraits.
L'article 6 serait approuvé par la plupart des Canadiens et les rendrait fiers que nous ayons signé cette convention en 2008. L'article 6 dit ceci:
[...] il est interdit à toute personne:
a) d’utiliser des armes à sous-munitions [...]
b) de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir ou de posséder des armes à sous-munitions [...]
c) de déplacer des armes à sous-munitions [...]
d) d’importer ou d’exporter des armes à sous-munitions [...]
e) de tenter de commettre tout acte visé à l’un des alinéas a) à d);
f) d’aider ou d’encourager une personne à commettre un tel acte ou de lui conseiller de le faire;
g) de comploter avec une autre personne pour commettre un tel acte [...]
Tout cela semble merveilleux. Il semble on ne peut plus clair et explicite que le Canada n'aura rien à voir avec les armes à sous-munitions, qu'il s'agisse d'en fabriquer, d'en expédier, d'en exporter, d'en vendre, d'en manipuler ou d'en utiliser. Nous abandonnons ces activités.
Il semble que nous abandonnions ces activités jusqu'à ce qu'on lise les dispositions qui se trouvent un peu plus loin et qui s'étendent sur deux pages complètes. Il s'agit de l'article 11, qui dit ceci:
L’article 6 n’a pas pour effet d’interdire à la personne visée [...]
a) de diriger ou d’autoriser des activités pouvant comporter l’utilisation, l’acquisition, la possession, l’importation ou l’exportation d’armes à [sous-musiciens]
b) de demander expressément l’utilisation [...] de telles armes [...]
c) d’utiliser, d’acquérir ou de posséder de telles armes [...]
Voilà toutes les exceptions.
L'article 11 se poursuit ainsi:
L’article 6 n’a pas pour effet d’interdire à la personne qui, dans le cadre de la coopération militaire [...]
a) aide ou encourage une personne à [utiliser des munitions]
Autrement dit, cela fournit une feuille de route sur les différentes façons de participer à l'utilisation des armes à sous-musiciens.
Ai-je dit « musiciens » encore une fois? Voilà pourquoi les députés sont si hilares. Je les prie d'être indulgents envers moi, car je suis un peu contrarié; en 16 ans de carrière à la Chambre, je crois n'avoir jamais été aussi déçu.
Il y a bien des choses qui clochent avec la façon dont les choses se sont déroulées, mais ce qui est absolument tragique, selon moi, c'est que nous ratons une occasion de bien refléter la position de notre pays et de dénoncer avec vigueur les armes à sous-musiciens.
Bon, voilà que je vais le dire tout le temps maintenant.
M. Andrew Cash: Je souhaite invoquer le Règlement.
M. Pat Martin: En tant que membre du syndicat des musiciens, mon collègue de Davenport est sans doute profondément offensé. C'est vrai qu'ils voyagent en groupes...armés de leurs instruments.
Permettez-moi de faire un retour en arrière et de recommencer en quelque sorte.
Nous devrions prendre note, comme je le fais toujours, qu'il s'agit du projet de loi « S »-10. D'entrée de jeu, laissez-moi vous dire que j'accepte très mal le fait que des projets de loi de la sorte proviennent du Sénat. Personne n'a donné le mandat aux sénateurs de présenter des lois. On ne voyait que rarement et exceptionnellement des projets de loi arriver à la Chambre en provenance du Sénat. En réalité, bien que nous ayons signé le traité en 2008, le Sénat ne l'a reçu qu'en avril 2012. Bien que les conservateurs tentent de nous faire croire à l'urgence de la situation, qu'il est nécessaire de régler cette affaire ce soir, et qu'ils ont même été jusqu'à invoquer la possibilité de clore le débat pour que cela se produise, il reste que quatre ans se sont écoulés avant qu'ils présentent le projet de loi au Sénat, sans compter la Chambre des communes.
Le Sénat l'a étudié du mois d'avril jusqu'au 6 décembre, date à laquelle le projet de loi a été présenté dans cette enceinte. Ils ont donc tergiversé pendant des mois et ont procédé à ce qu'ils font là-bas et, le 6 décembre, le projet de loi a enfin été présenté ici. Puis, le 29 mai 2013, à 1 h du matin, le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères s'est levé et a parlé du projet de loi pendant environ huit ou dix minutes avant que l'ajournement ait lieu.
Parfois, c'est tout ce dont on a besoin de la part du secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères. Huit ou dix minutes, c'est amplement suffisant.
Nous avons eu 10 minutes de débat sur ce projet de loi, un projet de loi auquel, je crois, tout le pays s'intéresse et doit s'intéresser pour de nombreuses raisons. Mais à peine en avons-nous débattu 15 minutes qu'on nous impose une fois de plus la clôture aujourd'hui.
On se demande à quelle fréquence le gouvernement a recours à la clôture. La réponse est: à chaque étape de chaque projet de loi, on nous impose l'attribution de temps et la clôture, qui limite le débat.
Si je peux me permettre un préambule à ma critique du projet de loi, je me dois de commencer par critiquer son origine. Le projet de loi nous vient de l'autre endroit, le Sénat, qui n'a pas d'affaire à faire cela, n'a aucun mandat et que personne n'a élu. Il n'a aucune raison légitime de créer des projets de loi. Il n'a aucun droit d'en être saisi le premier et d'en autoriser le principe, et cetera. Quand la Chambre en est enfin saisie, le projet de loi a déjà sa forme établie.
J'ai écouté plusieurs observations à propos de l'article 11 au cours du débat actuel. Non seulement il permettrait une échappatoire pour que le Canada participe à l'utilisation d'armes à sous-munitions en partenariat avec d'autres pays qui ne sont pas signataires du traité, le plus évident étant les États-Unis, mais il saboterait et minerait l'intégrité de l'opération internationale tout entière.
Je ne crois pas que les gens réalisent l'ampleur de la question. Mon collègue de Toronto-Centre a judicieusement soulevé la question à savoir qui détermine notre politique étrangère. Qui dicte ce genre de chose? Ceci ne correspond pas à ce que veulent les Canadiens. Je peux assurer aux députés que s'ils consultaient les Canadiens, ne serait-ce que par l'entremise d'un débat complet, d'une trousse d'information ou d'une possibilité de rétroaction, ceux-ci serait horrifiés.
Les réalisations dont nous sommes le plus fiers ces dernières années et cette dernière décennie sont, premièrement, de ne pas être allés en Iraq. Je garantis que si le gouvernement actuel avait été au pouvoir à l'époque, nous serions intervenus en Iraq. Ça ne fait aucun doute. Deuxièmement, le traité sur les mines antipersonnel est une autre de nos réalisations qui a rendu les gens fiers d'être Canadiens.
Petit à petit, notre réputation internationale a été entachée à tel point que les commentateurs du monde entier se demandent ce qui se passe avec notre pays.
L'ancien premier ministre australien Malcolm Fraser a dit: « C'est déplorable que le gouvernement canadien, au sujet des armes à sous-munitions, ne fasse preuve d'aucun leadership à l'échelle planétaire. Son approche est timide, inappropriée et rétrograde. » Ce sont des reproches assez sévères de la part d'un ancien premier ministre d'un pays du Commonwealth
Earl Turcotte, ancien coordonnateur principal de l'action antimines au MAECI et chef de la délégation canadienne qui a négocié la Convention sur les armes à sous-munitions, a affirmé ce qui suit: « [...] La loi proposée par le Canada est la pire parmi celles de tous les pays ayant jusqu'à présent ratifié ou signé la convention. »
Nous ne sommes plus en tête du peloton. Nous ne sommes pas en tête du défilé. Nous sommes devenus les personnes qui sont derrière les éléphants avec un balai-brosse et qui suivent le défilé.
Voici ce que Paul Hannon, le directeur de Mines Action Canada, a dit: « Le Canada devrait avoir la meilleure mesure législative dans le monde. Nous devons préciser clairement qu'aucun Canadien n'aura plus jamais rien à voir avec ces armes. Cependant, à notre avis, la mesure législative est loin de répondre à ces normes. »
En tant que bon gars et boy-scouts du monde dans de nombreux domaines, nous devons relever les normes de comportement et de rendement. Cela signifie peut-être que nous devons nous tenir debout et dire ceci à nos voisins américains: « Nous sommes de votre côté. Nous sommes des frères d'armes à presque tous les égards. Cependant, si vous utilisez des armes à sous-munitions dans tel conflit, nous ne combattrons pas à votre côté. Nous avons une mesure législative dans notre pays qui ne nous permet pas d'être à proximité de ces armes. »
Cela pourrait amener à réfléchir les pays qui n'ont pas encore ratifié la convention et leur permettre de se rendre compte qu'ils auront un prix à payer s'ils ne se joignent pas aux membres de la communauté internationale qui condamnent de plus en plus ces armes à sous-munitions.
L'horreur qu'elles engendrent est bien connue et de nombreux autres intervenants en ont donné des exemples. Je suis le premier à l'admettre: je ne suis pas un expert dans le domaine des affaires étrangères, mais je crois avoir un sens inné du bien et du mal et, en l'occurrence, nous avons totalement tort. Je suis gêné par la position incarnée dans cette mesure législative, et ce n'est pas une exagération.
J'entends des bavardages là-bas. J'espère que ces députés sont fiers d'eux. J'ignore comment ils en sont venus à adopter ce point de vue. Qui tirait leurs ficelles? Qui pourrait même imaginer et concevoir l'article 11, qui contredit absolument la lettre et l'esprit de la loi?
Assurément, lorsque nous adhérons à une convention ou à un traité international, nous avons l'obligation de nous engager. Nous adhérons à la fois à la lettre et à l'esprit de la loi. Nous nous engageons à en assurer le respect, la diffusion, la promotion et la défense. C'est ainsi qu'un courant se répand, grâce au leadership de pays occidentaux industrialisés et éclairés comme le Canada, qui relèvent les normes de comportement, même dans le contexte d'un conflit armé.
Passons en revue quelques interdictions. Il est interdit « ... sachant qu'une personne a commis un tel acte ou a aidé ou encouragé une autre à le commettre, de la recevoir, de l'aider ou de l'assister... ». On en a déjà parlé. C'est tout à fait contradictoire. C'est même un acte criminel, en vertu de ce projet de loi, d'aider ou d'encourager quiconque a commis tout acte visé par la mesure, et pourtant, à l'article 11, il est clairement précisé que nous pouvons collaborer avec ceux qui se rendent coupables des actes mentionnés à l'article 6. Il n'en est pas fait mention dans la convention.
Par conséquent, nous pouvons les aider. Nous pouvons transporter le matériel pour eux. Nous pouvons le leur acheminer pour qu'ils puissent s'en servir pour bombarder des gens. Nous pouvons faire pratiquement tout pour aider et encourager nos collègues américains au sein de l'OTAN.
M. Brian Storseth: Voyons donc.
M. Chris Alexander: Ce n'est pas vrai.
M. Pat Martin: C'est l'interprétation que j'en fais. Je voudrais bien entendre mon collègue le secrétaire parlementaire dire que j'ai tort, car n'importe quel observateur objectif qui lirait ce texte comprendrait qu'il y a ici des exemptions et des échappatoires aussi grandes qu'une porte de grange. Cela tourne en dérision toute cette initiative, à la fois la lettre et l'esprit de la loi.
Sans vouloir faire de la provocation, la seule raison pour laquelle les conservateurs pourraient possiblement justifier la motion d'attribution de temps et l'imposition du bâillon à ce débat en particulier, c'est qu'ils auraient honte si les enfants et les militants du Canada entendaient parler de cela et pouvaient lire ce document minable, s'ils étaient au courant que nous allons aider ceux qui utilisent des armes à sous-munitions.
Tant pis pour notre participation au bannissement de ces armes. En fait, nous pouvons détruire nos stocks ici, mais nous sommes pleinement habilités à faire tout le nécessaire pour aider les pays qui utilisent ces armes régulièrement depuis longtemps à continuer de s'en servir.
Lorsque j'ai eu l'occasion d'aller à Genève, j'ai été témoin de l'une des choses les plus émouvantes que j'ai jamais vues. Il y a à Genève une statue d'une chaise de cuisine deux fois plus grande que le trône du Président de la Chambre. Je dirais qu'elle a probablement 30 pieds de haut, avec une patte éclatée en mille miettes. C'est devenu le symbole international des mines terrestres. Je crois que cela a capté l'imagination de toute la communauté internationale. Cela nous rappelle brutalement qu'il y a des choses que nous refusons tout simplement de tolérer.
Comme d'autres intervenants l'ont dit, le visage de la guerre a changé tellement que c'est devenu un jeu, à savoir qui est prêt à sacrifier le plus grand nombre de civils et pas nécessairement de combattants armés. Ce ne sont plus nécessairement des soldats qui se battent contre des soldats, le gagnant est celui qui est prêt à tolérer la plus grande brutalité avant de céder. Telle est la nature de la guerre et les victimes de la guerre sont plus souvent des civils et des témoins innocents.
Les armes à sous-munitions sont peut-être la pire calamité, maintenant que les mines terrestres sont en voie d'éradication et que des efforts sont déployés pour enlever les centaines de millions de mines qui ont été installées un peu partout dans le monde. Maintenant, le monde a tourné son attention vers les armes à sous-munitions pour nous débarrasser de ce fléau. Pourtant, le Canada ne fait pas sa part. Nous ne mettons pas l'épaule à la roue. Nous ne sommes pas à la hauteur et nous continuons de faillir à la tâche. Nous trahissons d'innocents civils du monde entier en ne dénonçant pas et en n'utilisant pas tous les moyens possibles pour dénoncer, empêcher, restreindre et progresser vers l'interdiction universelle de ces armes à sous-musiciens.
Par conséquent, c'est à cause de l'article 11 que nous allons voter contre le projet de loi à cette étape. Nous ne pensons même pas pouvoir l'appuyer en principe. Je suis certain que l'on jouera à des jeux politiques avec ce dossier. Les conservateurs vont publier des communiqués pour dire que le NPD a voté contre l'interdiction des armes à sous-munitions. Je suis certain qu'ils vont jouer à ce petit jeu, mais il s'agit de l'un de ces dossiers qui méritent un débat plus approfondi. Nous pouvons pointer du doigt les conservateurs qui s'agenouillent devant leur maître, quelqu'un qui tire les ficelles et leur dit de ne pas adopter le projet de loi sans y ajouter cette brèche béante.
Au comité, il y aura une tentative pour éliminer l'article 11 ou tout au moins le modifier afin qu'il ne réduise pas complètement à néant la teneur de la convention internationale sur les armes à sous-munitions. Je suis certain que cela n'arrivera peut-être même pas avant notre retour au travail à l'automne. Je doute beaucoup que nous aurons l'occasion entre aujourd'hui et l'ajournement de tenir sur ce projet de loi le débat complet qu'il mérite.
Les conservateurs ont proposé la clôture à toutes les étapes de l'étude de tous les projets de loi. Ils ont aussi manipulé les comités. Notre démocratie parlementaire est en miettes. En fait, il ne nous reste plus qu'un fac-similé de démocratie. Tous les contrepoids qui permettent de donner suite aux préoccupations légitimes exprimées par les députés autres que les parrains d'un projet de loi ont été supprimés.
Nous commençons à en avoir assez de l'attitude qu'affichent les conservateurs, à savoir que le gagnant l'emporte et tant pis pour les autres. Je m'étonne qu'ils jouent à ces petits jeux politiques mesquins avec une initiative d'une telle importance sur le plan humanitaire. Cela me déçoit et je le dis en toute sincérité. Je n'ai même pas envie de crier et de hurler à ce sujet. Cela me rend plus triste qu'en colère.