Monsieur le Président, il y a probablement neuf mois que nous avons parlé des musées et du mandat des musées nationaux qui se trouvent ici, à Ottawa. L'une des choses qui me semble inquiéter bien des gens, c'est qu'un bon nombre de musées nationaux ne s'associent pas vraiment aux autres musées du pays. On souhaite certainement une plus grande collaboration entre les musées. Il y a sans aucun doute une bonne coopération, mais tous les musées du pays devraient collaborer davantage pour remplir leurs mandats respectifs.
Je dis cela parce que je veux revenir sur une observation du député de Wild Rose. Il a expliqué qu'il s'agit d'un élément essentiel du projet de loi, et je suis entièrement d'accord avec lui. Il est essentiel de mettre cette institution à la portée du pays, surtout qu'il ne nous reste que quelques années avant de célébrer notre sesquicentenaire. Je me suis pratiqué à dire ce mot pendant 20 minutes.
Ce modèle servira à d'autres musées du pays, en ce qui concerne la portée nationale, certainement, mais aussi en ce qui a trait à la portée locale. C'est le cas du Musée du Manitoba, comme en témoigne l'annonce faite il y a quelques jours, et de The Rooms à St. John's, à Terre-Neuve, qui en est un bon exemple dans ma province.
Je croyais que c'était l'un des éléments clés de la mesure législative proposée. Cependant, comme la députée, la chef du Parti vert, l'a souligné, la somme de 25 millions de dollars ne sera vraiment pas suffisante. La capacité qui pourra être créée avec seulement 25 millions de dollars ne sera tout simplement pas suffisante. Si le projet de loi a pour objectif de créer un modèle duquel les plus petits musées pourront s'inspirer à l'avenir, soit, mais pour cela, il faudra sans aucun doute un investissement beaucoup plus important que 25 millions de dollars.
Je vais revenir aux raisons justifiant les démarches actuelles. Il est question de redéfinir l'image de marque, de modifier le nom du musée et d'adapter son mandat, entre autres. Beaucoup d'éléments fondamentaux du Musée des civilisations ne changeront pas, comme le gouvernement l'a dit, mais nous devons nous demander quel était le problème en ce qui concerne le plan initial établi pour le Musée des civilisations pour les cinq à dix prochaines années. Le problème était-il si important qu'il était nécessaire de changer le nom du musée?
En fait, il faut se demander dans quelle mesure nous améliorerons cette institution d'ici 2017, année du 150e anniversaire du Canada, en changeant son nom. Dans quelle mesure améliorerons-nous l'image de marque de cette institution, non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger?
Prenons quelques instants pour revenir à la base.
Comme cela a été mentionné, il n'existe pas de contexte équivalent à celui de notre musée national, que ce soit aux États-Unis ou dans des pays comme l'Allemagne. Ces pays ont leur propre musée qui porte sur leur propre histoire, mais il s'agit d'un musée se consacrant précisément à cette fin. De notre côté, nous avons ce musée.
Oublions pendant quelques instants le Musée des civilisations. Supposons qu'au lieu d'un musée canadien de l'histoire, nous avons un musée de l'histoire canadienne. Cela me semble beaucoup plus logique, surtout si nous voulons mettre en valeur des artéfacts importants comme le chandail de hockey de Maurice Richard, la combinaison de course de Jacques Villeneuve ou le premier micro utilisé par Céline Dion. Ce sont des exemples que j'invente, mais je sais que les députés comprennent ce que je veux dire.
Ces objets sont des symboles de notre pays, comme le premier bâton de hockey de Wayne Gretzky. Loin de moi l'idée de me penser important, mais il pourrait s'agir du premier blouson que j'ai porté pour aller à l'école, par exemple. Quelqu'un vient tout juste de donner un très bon exemple. J'adore le Bonhomme Carnaval. Pourquoi ne pourrions-nous pas transmettre son histoire partout au pays? Pour cela, il faudrait créer un musée de l'histoire canadienne.
L'idée d'un musée d'histoire canadienne a surgi à quelques reprises, notamment quand certains ont proposé de convertir le Centre de conférences en un musée de ce genre. Mais si on choisit cette option, si on expose tel ou tel chandail, costume ou objet historique, comme le suggèrent les conservateurs, ce musée finira par ressembler au West Edmonton Mall.
Si c'est le résultat souhaité, on pourra s'en contenter. Mais nous ne devrions pas combiner ce genre d'attraction avec le Musée des civilisations, une institution fantastique d'envergure nationale et internationale.
Quand il a témoigné devant le comité, l'ancien président du Musée des civilisations, Victor Rabinovitch, s'est dit très inquiet de toutes les recherches qui disparaîtraient en raison du nouveau mandat, des changements apportés et des mots qui ont été modifiés ici et là. Par exemple, le projet de loi parle d'accroître la compréhension des objets et de tout ce qui se rattache au Canada et représente son histoire, mais le gouvernement a omis le mot « critique ». On ne parle plus d'une « compréhension critique ».
Certains se demandent peut-être si l'omission du mot « critique » fait vraiment une différence. Eh bien oui, il y a une différence, qui se répercute sur le travail des conservateurs de musée et des archivistes. S'ils préparent une exposition pour le grand public et veulent encourager la compréhension critique, ils doivent donner à des experts l'occasion d'interpréter l'histoire. L'interprétation de l'histoire évolue au fil du temps, parce que les gens ont des points de vue différents. Il faut l'accepter.
La fin de semaine dernière, j'ai écouté une émission de radio de la CBC à laquelle participaient deux historiens. La crainte de l'un d'entre eux, c'est qu'on aborde désormais l'étude de l'histoire en pensant déjà connaître toutes les réponses, au lieu de chercher plutôt à trouver de nouvelles façons de comprendre l'histoire. Peut-être que si nous examinions notre histoire d'un oeil plus critique, nous pourrions arriver à une compréhension commune.
Tous ces grands pays, tous ces endroits où se trouvent d'excellents musées nationaux font cette démarche. Le libellé du projet de loi indique toutefois que nous nous éloignons de ce principe. Certains mots clés comme « recherche » et « indépendance des conservateurs » sont là, mais d'autres sont absents. En fait, on craint que les musées soient réduits à une exposition d'artéfacts, sans plus.
Un musée est un milieu organique, vivant, à travers lequel il est possible d'acquérir une meilleure compréhension de nous-mêmes, mais qui ne nous sera utile à l'avenir que s'il peut se renouveler, jeter un regard neuf sur les choses, comme de décider qu'une exposition statique ne fait plus l'affaire et qu'il faut la modifier, que ce soit en raison de changements au plan de la technologie ou des connaissances, qui nous obligent à revoir la façon dont nous envisageons l'histoire.
Lorsque M. Rabinovitch s'est exprimé sur la question, il a demandé pourquoi le gouvernement entreprenait cette démarche, étant donné que le Musée canadien des civilisations jouit d'une telle réputation dans le monde. Des pays de l'Europe et de l'Asie s'émerveillent des réalisations du Musée des civilisations. C'est pas mal, pour un pays de moins de 40 millions d'habitants. Nous avons joué dans la cour des grands, comme on dit, pour ce qui est des musées et notamment celui-là.
Il a proposé une solution qui est, je crois, raisonnable. Il a proposé de rebaptiser l'institution Musée canadien de l'histoire et des civilisations. Il s'agit d'un bon compromis, qui souligne le fait que notre pays, en dépit de sa relative jeunesse, a une histoire riche, et que nous avons réalisé beaucoup d'excellentes choses. Ce nom indique que nous souhaitons maintenir la tradition d'un Musée des civilisations, en l'enchâssant dans le contexte de ce que signifie être canadien: le Musée canadien de l'histoire et des civilisations.
Dans une large mesure, je comprends pourquoi nous voulons quelque chose qui est reconnu comme canadien et qui montre qui nous sommes, quelque chose qui procure une compréhension critique de ce que nous sommes, ce qui attire plus de gens.
Certaines personnes ont dit avoir visité Ottawa dans leur jeunesse, alors qu'elles ignoraient ce qu'était la civilisation, et qu'elles se sont rendu compte qu'il s'agissait surtout de l'histoire canadienne. C'est un argument valable. D'un point de vue marketing, nous pouvons attirer plus de gens de cette façon.
Certains de nos musées nationaux éprouvent déjà de grandes difficultés financières. Le Musée des sciences et de la technologie a besoin de 3,4 millions de dollars pour effectuer des réparations structurelles majeures. L'immeuble vieux de 50 ans sur le boulevard Saint-Laurent a besoin de travail. Tous les musées doivent trouver des moyens de générer du revenu, et c'en est une façon. Est-ce qu'un changement de nom pourrait accomplir cela? Dans une certaine mesure. Ce n'est pas la meilleure façon d'accroître les revenus, mais cela pourrait aider.
Je préférerais quand même qu'on s'efforce d'inclure plus de culture canadienne dans le Musée des civilisations plutôt que de changer le libellé de la loi et donc du mandat de la société. Je pense que c'est rendre un bien mauvais service aux gens qui acquièrent de nouveaux artéfacts et qui font de ce musée le symbole international qu'il est.