propose:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait informer le gouvernement de la République populaire de Chine qu’il ne ratifiera pas l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine.
— Monsieur le Président, au nom de l'opposition officielle, le NPD, je présente aujourd'hui une motion qui a pour but d'inciter le gouvernement du Canada à informer le gouvernement de la République populaire de Chine qu’il ne ratifiera pas l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine. Je suis fier de présenter cette motion parce que je sais que nous assumons ainsi un devoir important envers la Chambre, les Canadiens et notre pays.
Cet accord sur la promotion et la protection de l'investissement étranger a de nombreux défauts importants. Si on le ratifiait tel qu'il est actuellement, il nuirait considérablement au Canada. Il suscite d'ailleurs de vives inquiétudes chez certains experts en commerce international et d'autres spécialistes. Selon eux, il serait absolument irresponsable de ratifier ce traité. En fait, j'estime que bien des ministériels sont conscients des dangers qu'il représente pour le Canada et sont troublés de constater que l'accord va à l'encontre des valeurs fondamentales des Canadiens.
Si je dis cela, c'est parce que le gouvernement aurait pu mettre en oeuvre le traité depuis plus de cinq mois, mais qu'il ne l'a pas encore fait. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation, mais j'estime qu'il en est ainsi, entre autres, parce que les ministériels savent pertinemment que cet accord est néfaste pour le Canada, qu'il ferait du tort aux entreprises canadiennes, qu'il constitue une menace pour nos intérêts économiques, qu'il viole nos processus démocratiques et qu'il nuirait aux Canadiens.
Avant d'exposer en détail ces lacunes et ces faiblesses, j'aimerais énoncer certains principes généraux qui sont chers aux néo-démocrates dans ce dossier.
Les néo-démocrates croient en l'importance d'entretenir des relations commerciales avec divers pays et marchés émergents. Nous sommes en faveur de la mise en place de normes claires qui mettent les investisseurs en confiance, établissent des règles du jeu équitables, protègent l'élaboration démocratique des politiques, sont transparentes, et qui sont responsables envers les Canadiens. Nous croyons en des politiques de commerce et d'investissement qui font la promotion des intérêts canadiens et qui les protègent.
En ce qui concerne la Chine, nous croyons que le Canada devrait approfondir et élargir ses relations économiques avec ce pays. La Chine est la deuxième économie du monde, elle est en ascension et il existe de nombreuses possibilités de synergies mutuellement avantageuses pour les deux pays. Il est souhaitable et nécessaire d'établir un cadre réglementé qui améliorerait les investissements et les activités économiques dans les deux pays. En négociant de façon prudente, c'est même tout à fait réalisable.
Les néo-démocrates savent qu'un accord sur les investissements bien ficelé pourrait être très avantageux pour les deux pays. Cependant, une entente mal négociée risque de causer énormément de tort. Comme les conservateurs ont adopté une approche extrêmement idéologique en matière de négociation et de ratification d'accords sur les échanges commerciaux et les investissements, ils ont abouti à une entente négociée de façon médiocre et imprudente. Franchement, cet APIE nuira aux intérêts économiques du Canada. Les Canadiens méritent mieux que cela.
Je commence donc par un résumé des problèmes que comporte cet APIE.
Cet accord lie les mains de tous les ordres de gouvernement canadiens — municipaux, provinciaux, fédéral et ceux des Premières Nations — et les empêche de prendre des mesures d'ordre législatif dans l'intérêt du public. Si des sociétés étrangères considèrent qu'une loi nuit à leurs bénéfices, cet accord expose les contribuables canadiens à des poursuites judiciaires qui pourraient leur coûter des milliards de dollars. L'accord n'est pas équilibré et n'offre pas les mêmes avantages aux investisseurs canadiens. Il n'aide pas les investisseurs canadiens à percer efficacement les marchés chinois. Il met en danger les ressources naturelles vitales du Canada, y compris celles des secteurs stratégiques comme l'énergie, et permet à des intérêts étrangers de contrôler ces richesses, notamment les sociétés étatiques qui servent des intérêts étrangers et non des intérêts commerciaux. L'accord contient un mécanisme de règlement des différends qui ne vaut rien du point de vue de la reddition de comptes, car il permet à la Chine ou au Canada d'entendre à l'extérieur des tribunaux canadiens, et en secret, des poursuites ayant une incidence sur l'argent des contribuables. Ces poursuites ne seraient accessibles ni au public ni aux médias, et ne feraient l'objet d'aucune divulgation publique, transparence ou reddition de comptes. Cet accord fait passer notre environnement après les intérêts des sociétés. De plus, des poursuites lancées par des entreprises pourraient invalider les mesures législatives qui protègent notre territoire, notre air et notre eau.
Les conservateurs l'ont conclu sans consulter les provinces, les Premières Nations, les spécialistes du commerce extérieur, les milieux d'affaires, les syndicats ou la population. Sauf pour le débat d'aujourd'hui organisé par les néo-démocrates, il n'y a pas eu une seule minute de débat, après 18 années de négociations. Une fois l'APIE ratifié, le Canada sera contraint de respecter ses clauses préjudiciables pendant au moins 31 ans.
C'est une initiative économique majeure et, contrairement aux déclarations inexactes répétées par les conservateurs, cet accord soulève plus de questions que n'importe quel autre. Il porte sur des milliards de dollars d'investissements. C'est la première fois, depuis l'ALENA, que le Canada signe un accord sur la protection d'investisseurs avec un pays qui compte parmi les principaux investisseurs au Canada. Contrairement à presque tous les autres pays avec lesquels le Canada a signé un APIE, la Chine est une grande exportatrice de capitaux qui détient des réserves colossales de devises.
Voyons les chiffres. En 2007, on ne comptait pratiquement pas d'investissements chinois au Canada. Ils étaient trop modestes pour être répertoriés. En 2011, ils atteignaient 11 milliards de dollars. En 2012, ils avaient doublé, atteignant 22,5 milliards de dollars. Selon le Conference Board du Canada, la Chine pourrait devenir le deuxième investisseur étranger au Canada d'ici 2020, avec des investissements de plus de 50 milliards de dollars par année. C'est dans sept ans.
Avant le rachat de Nexen par la CNOOC au coût de 15 milliards de dollars, des entreprises d'État chinoises, comme PetroChina, Sinopec et la CNOOC, avaient déjà investi plus de 10 milliards de dollars dans le secteur pétrolier et gazier canadien et contrôlaient plus de 7 % des intérêts canadiens dans les sables pétrolifères. Aujourd'hui, une part de plus de 25 milliards de dollars du secteur pétrolifère du Canada est contrôlée par des entreprises d'État chinoises.
Permettez-moi de citer une économiste, Wendy Dobson. Elle a dit: « Un raz-de-marée en provenance de la Chine va déferler au cours de la prochaine décennie et je ne pense pas que nous y soyons préparés. »
Selon elle, ce raz-de-marée représenterait des investissements de plus de 1 billion de dollars à l'échelle mondiale, dans d'avoir accès à certaines ressources et technologies. Pourtant, cet accord, qui prévoit d'énormes sommes d'argent, a été imposé au Parlement sans le moindre examen, débat ou vote.
Le 23 octobre, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de commerce international, j'ai présenté au Comité permanent du commerce international une motion demandant qu'on procède à l'examen de l'accord et qu'on convoque diverses parties intéressées canadiennes afin d'obtenir leur point de vue. Les conservateurs ont carrément refusé de débattre de cette motion en public. Il n'y a eu aucun examen.
Le 31 octobre, le député néo-démocrate d'Ottawa-Centre a pris la parole pour demander la tenue d'un débat d'urgence sur l'APIE. Le gouvernement a rejeté sa demande.
Pendant les périodes des questions des 2, 18, 24, 25 et 31 octobre, des députés néo-démocrates ont demandé qu'un comité parlementaire procède à un examen en bonne et due forme de l'APIE. Chaque fois, les conservateurs ont refusé de même reconnaître le bien-fondé de cette demande.
Quelque 80 000 Canadiens ont, par l'entremise du site À l'Action, envoyé des messages au gouvernement pour lui faire part de leurs préoccupations relativement à cet accord et lui demander de faire preuve de prudence et de mener une étude appropriée. Hier seulement, j'ai reçu plus de 17 000 courriels après l'annonce de la présente motion. C'était en 24 heures. En dépit de cette inquiétude et cette opposition généralisées, le gouvernement conservateur refuse tout examen, débat ou vote relativement à cet accord.
J'aimerais maintenant expliquer pourquoi cet accord est si dangereux et mal négocié. Je vais d'abord parler des ressources naturelles.
Selon cet accord, le Canada doit accorder un traitement national aux investissements réalisés par des entreprises chinoises une fois que celles-ci sont établies au Canada. Cela ouvre la voie à un achat massif de ressources naturelles et à une mainmise accrue sur notre économie par des États étrangers. J'ai donné l'exemple de l'achat récent de Nexen par la CNOOC, qui a été approuvé par les conservateurs. En vertu de l'APIE, si la CNOOC souhaite prendre de l'expansion en achetant d'autres intérêts pétroliers, elle le peut, et elle doit être traitée comme une entreprise canadienne. Toute tentative du gouvernement visant à limiter son expansion peut faire l'objet de poursuites en dommages-intérêts pour traitement injuste.
Il y a une échappatoire dans cet accord. Les propriétés pétrolières non productrices ne sont pas assujetties à un examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Cela signifie que lorsqu'il existe des réserves de pétrole mais qu'on a pas encore effectué de forage, ces concessions pétrolières ne sont assujetties à aucun examen, et qu'elles seraient donc admissibles à un traitement national.
L'APIE mettra les réserves pétrolières stratégiques du Canada, et en fait les réserves d'autres secteurs stratégiques, entre les mains d'États étrangers et d'entreprises d'État qui ne sont pas de simples entreprises commerciales, mais qui servent les intérêts d'États étrangers. Manifestement, cela nous mène sur la voie dangereuse du contrôle étranger et de l'extraction des ressources par des intérêts étrangers au moins jusqu'en 2044.
Les Canadiens ne sont pas d'accord. Les Canadiens veulent un dialogue national et une politique de choix responsables en vue de l'intendance judicieuse et à long terme des ressources naturelles du pays.
L'accord manque d'équilibre. Tout d'abord, il laisse les deux parties conserver leurs mesures non conformes existantes. Les deux pays s'engagent donc à n'ériger aucun nouvel obstacle discriminatoire à l'égard de leurs investisseurs respectifs, tout en conservant au titre de l'accord leurs mesures non conformes actuelles.
Voici le problème: la Chine a une économie dirigée qui applique de nombreuses mesures non conformes, notamment celles par lesquelles les investisseurs étrangers sont tenus de se jumeler à une entreprise chinoise, de recourir à des fournisseurs sur place et de se procurer des biens et des services localement. Quiconque a fait des affaires en Chine est bien au courant de ces exigences. Or, le Canada, qui favorise depuis 30 ans la libéralisation du commerce, a essentiellement éliminé toute exigence de cette nature. Résultat: les investisseurs canadiens sont nettement désavantagés puisque l'accord ne leur garantit pas un accès réciproque et équitable au marché chinois.
Lorsque j'ai demandé aux fonctionnaires du MAECI de me fournir la liste des mesures non conformes de la Chine, ils ont commencé par me dire qu'ils n'en avaient pas pour ensuite soutenir qu'elle se trouvait sur le site Web, puis qu'ils ne savaient pas exactement. Le gouvernement a conclu une entente autorisant la Chine à conserver ses mesures non conformes existantes qui lient les investisseurs canadiens, mais il ne peut même pas dire en quoi elles consistent.
De plus, cet accord ne tient pas compte du modèle adopté par le Canada concernant les droits de pré-établissement, lequel offre des mécanismes de protection aux investisseurs actuels et à aux investisseurs potentiels. Les conservateurs ont plutôt décidé d'adopter le modèle chinois, qui offre très peu de protection aux investisseurs potentiels comparativement aux investisseurs actuels, ce qui crée, comme je l'ai dit, désavantage les investisseurs canadiens. Pourquoi? Parce que les investissements du Canada en Chine, chiffrés à 4,5 milliards de dollars, sont relativement modestes. En 2012, les investissements de la Chine au Canada correspondaient à cinq fois ce montant, et ils augmentent de façon exponentielle.
En septembre dernier, Paul Wells, citant une analyse sur les investissements, a écrit ceci: « Il sera intéressant de voir si cela est présenté comme un accord qui “libéralise“ ou qui ouvre les marchés pour les Canadiens, ce qui serait faux. »
Les sociétés canadiennes ont besoin d'un accord qui permet d'éliminer les obstacles qui les empêchent d'accéder aux marchés chinois. L'APIE ne prévoit tout simplement pas de recours efficaces pour contester les mesures protectionnistes mises en place par le gouvernement de la Chine afin d'empêcher les étrangers d'investir dans les secteurs rentables de son économie. Il est évident que la Chine a limité l'accès à certains secteurs clés de son économie par des investisseurs canadiens, tandis que le Canada a décidé d'ouvrir grand les portes aux sociétés chinoises.
En outre, aux termes de cet accord, les contribuables canadiens risqueront de devoir faire face à de coûteuses poursuites judiciaires qui pourraient forcer l'État à verser des milliards de dollars en dommages-intérêts. Cet APIE permet aux sociétés chinoises de poursuivre le gouvernement fédéral si elles considèrent que le Canada a adopté des règlements ou des politiques qui sont injustes ou qui vont à l'encontre de leurs perspectives de rentabilité ou de leurs projets d'expansion.
Les sociétés étrangères peuvent engager contre les gouvernements canadiens des poursuites pouvant coûter des milliards de dollars aux contribuables canadiens. Je tiens à dire que ce n'est pas l'argent des conservateurs, mais celui des contribuables canadiens qui sert à appliquer les lois qui protègent notre sécurité énergétique, notre environnement, nos emplois et la santé publique.
Il ne s'agit pas d'une préoccupation hypothétique. Une entreprise d'État chinoise du domaine des assurances, Ping An, a intenté une poursuite en dommages-intérêts de trois milliards de dollars contre la Belgique parce qu'elle n'avait pas réalisé les profits attendus après la récession qui a touché l'Europe. Quant au Canada, il a été forcé de verser plus de 157 millions de dollars en dommages-intérêts à la société américaine AbitibiBowater à la suite de la décision prise par le gouvernement de Terre-Neuve, après la fermeture de l'usine de pâtes et papiers de cette société, afin de récupérer ses droits sur l'exploitation de la forêt et de l'eau. Voilà maintenant qu'un tribunal de règlement des différends entre un investisseur et un État a rendu une décision défavorable au gouvernement du Canada dans une autre affaire, car le gouvernement de Terre-Neuve a tenté de convaincre des sociétés pétrolières étrangères d'investir un certain montant dans la recherche et le développement à l'échelle locale afin de créer de bons emplois dans cette province. Le montant des dommages qui devront être versés n'a pas encore été dévoilé.
D'autres poursuites ont été intentées en vue de contester la décision du Québec d'imposer un moratoire sur la fracturation, la politique de l'Ontario sur l'énergie éolienne en mer et l'invalidation d'un brevet pharmaceutique par un tribunal canadien.
Bref, cet APIE prévoit des politiques protectionnistes visant les profits des sociétés étrangères, et non la protection des Canadiens, de notre économie ou de notre environnement.
Comme le gouvernement de l'Afrique du Sud l'a indiqué, des mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et un État qui servent des intérêts commerciaux restreints dans des domaines vitaux pour l'intérêt national constituent un véritable défi pour l'élaboration de politiques constitutionnelles et démocratiques.
Voyons ce que les personnes concernées ont à dire à ce sujet. Voici ce que l'un des arbitres internationaux a déclaré à propos du genre de clauses qu'on trouve dans cet APIE:
Quand je me réveille la nuit et que je pense à l'arbitrage, je suis toujours étonné que des États souverains aient accepté l'arbitrage sur les investissements. Trois particuliers se voient confier le pouvoir d'examiner, sans restriction ni procédure d'appel, toutes les actions du gouvernement, toutes les décisions des tribunaux ainsi que toutes les lois et tous les règlements émanant du Parlement.
Ce sont les paroles de Juan Fernández-Armesto, un arbitre de l'Espagne.
Les Canadiens ne sont pas d'accord.
Les 50 états américains, sans exception, ont adopté des résolutions s'opposant à l'application de mécanismes de résolution des différends entre un investisseur et un État sur leur territoire. C'est encore ce qu'ils ont fait l'an dernier.
Examinons le mécanisme de résolution des différends investisseur-État prévu dans cet APIE en particulier. Cet accord modifie la politique de longue date du Canada, qui consiste à assurer l'accès du public aux mécanismes d'arbitrage de même que la divulgation publique et la transparence en la matière. Pour la première fois dans l'histoire du Canada, les conservateurs ont donné leur aval à un mécanisme de règlement des différends qui va à l'encontre de la tradition du Canada qui favorise un processus public, s'en remettant plutôt au bon vouloir de trois arbitres qui n'ont aucun compte à rendre aux Canadiens et aucune responsabilité envers ces derniers.
Je croyais que les conservateurs n'aimaient pas que des juges non élus renversent des décisions démocratiques prises par des élus. Cependant, dans le cas qui nous occupe, ils ne peuvent s'empêcher de bafouer ce principe et d'abandonner à trois arbitres judiciaires internationaux non élus et non tenus de rendre des comptes le pouvoir d'annuler des décisions prises par le Parlement. C'est non démocratique et cela en dit long sur les principes des conservateurs.
Ce genre de tribunal arbitral n'est pas assujetti aux normes et aux balises qui s'appliquent aux juges des cours canadiennes. L'inamovibilité des arbitres n'est pas garantie, ce qui fait craindre qu'ils ne soient pas impartiaux. Rien n'interdit aux arbitres de toucher une rémunération pour des activités non judiciaires, ce qui peut donner lieu à des partis pris et à des conflits d'intérêts. Le pire, c'est que les audiences peuvent se dérouler en secret et les documents peuvent être cachés au public.
Vu que le gouvernement ne joue pas franc jeu, je vais lire, pour la gouverne des Canadiens, l'article 28 de l'accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers. Il prévoit que « lorsque la partie contractante visée par la plainte [l'État qui est poursuivi] décide que cela est dans l’intérêt public [...], tous les autres documents soumis au tribunal ou délivrés par celui-ci sont également mis à la disposition du public ».
Voici ce qu'on lit à la disposition suivante: « Lorsque la partie contractante visée par la plainte [l'État qui est poursuivi] décide que cela est dans l’intérêt public [...], les audiences tenues en vertu de la présente section sont ouvertes au public. »
Si la Chine détermine, à sa seule discrétion, que ce n'est pas dans l'intérêt public, les audiences ne sont pas ouvertes au public et les documents ne sont pas mis à la disposition de ce dernier. C'est toute une violation de la tradition canadienne des audiences publiques, qui veut que les Canadiens puissent voir la justice à l'oeuvre quand leur argent est en jeu.
Les Canadiens ont le droit de décider. Les conservateurs ont beau prétendre que ces audiences seront publiques, je viens de lire le contraire. C'est écrit noir sur blanc.
Fait à noter, le Canada a déposé 16 plaintes en vertu des mécanismes de règlement des différends opposant un investisseur et un État de l'Accord de libre-échange nord-américain. La plupart visait les États-Unis. Nous n'avons jamais eu gain de cause. Par contre, jamais les États-Unis ni la Chine n'ont perdu en arbitrage contre d'autres pays.
Je veux parler d'environnement et lire une disposition de l'accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers. On serait porté à croire que, lorsque le Canada négocie un accord dans l'intérêt des entreprises, il veillerait à ce que rien dans l'accord n'empêche le gouvernement canadien de protéger l'environnement. Voici ce que prévoit cette disposition:
Pourvu que ces mesures ne soient pas appliquées de façon arbitraire ou injustifiée, ou qu’elles ne constituent pas une restriction déguisée au commerce ou à l’investissement internationaux, le présent accord n’a pas pour effet d’empêcher une partie contractante d’adopter ou de maintenir, y compris à l’égard de l’environnement, des mesures qui, selon le cas: a) sont nécessaires pour assurer l’observation des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord
Qu'est-ce que cela veut dire? Pourquoi ne disent-ils pas simplement que rien dans l'accord ne peut empêcher le gouvernement canadien de prendre des mesures pour protéger l'environnement, un point c'est tout? Les conservateurs auraient très bien pu dire cela. Ils ne l'ont pas fait.
Le gouvernement n'a pas tenu de consultations. Les gouvernements qui font preuve de sagesse consultent, surtout lorsque d'importantes questions touchant l'économie, les ressources naturelles et la liberté en matière d'élaboration de politiques sont en jeu, et tout particulièrement lorsqu'il s'agit de conclure des marchés d'une aussi grande portée, qui lieraient les intérêts canadiens pour les trois prochaines décennies.
Les Canadiens veulent que nous nous agissions avec prudence, avec intelligence et en toute connaissance de cause, et pourtant, après 18 ans de négociation, les conservateurs présentent cet APIE comme un fait accompli, à prendre ou à laisser, sans mener la moindre consultation. Comme on pouvait s'y attendre, les conservateurs sont poursuivis devant les tribunaux par une Première Nation qui a intenté une action en justice le 18 janvier dernier, en raison de ce refus de consulter.
Pour conclure, je dirai qu'aucun gouvernement raisonnable et soucieux des intérêts économiques du Canada, du développement démocratique des politiques et du bien des citoyens ne pourrait appuyer un accord aussi boiteux. Il est impossible qu'un gouvernement prudent, qui se préoccupe sincèrement des générations canadiennes futures, de l'environnement et de la sécurité de l'approvisionnement en ressources défende cet APIE dans sa forme actuelle. Un gouvernement responsable ne défendrait pas un accord qui, après une période de négociations de 18 ans, lierait le Canada pendant 31 ans et nuirait à des investissements de l'ordre de milliards de dollars, sans que des études adéquates aient été menées et sans que les Canadiens donnent leur point de vue.
Les Canadiens veulent et méritent un accord négocié correctement avec nos partenaires commerciaux, y compris la Chine. Prenons le temps de conclure un tel accord.
J'exhorte tous les députés de la Chambre à appuyer cette motion, qui est prudente, sage et réfléchie.