Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever à la Chambre pour prendre la parole au sujet du projet de loi C-7, Loi concernant la sélection des sénateurs et modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 relativement à la limitation de la durée du mandat des sénateurs.
La position du NPD a été clairement énoncée depuis le début du débat. Depuis 1930, nous avons été pour l'abolition de la Chambre haute pour diverses raisons. C'est une position qui fait selon moi l'unanimité dans les cercles néo-démocrates et qui revient périodiquement durant nos congrès et nos instances et qui est toujours réaffirmée.
Il y a des raisons particulières pour cela, mais j'aimerais mentionner d'abord que nous ne sommes pas les seuls. Les provinces sont également en faveur de l'abolition pure et simple du Sénat. L'Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba se sont prononcées clairement. En ce qui a trait particulièrement au projet de loi C-7, on sait que le Québec a déjà évoqué la possibilité de contester en cour la validité constitutionnelle du projet de loi.
Présentement, on fait face à ce qui peut s'appeler une demi-réforme. Ce n'est pas vraiment une réforme du Sénat proprement dite, mais plutôt la modification de certains aspects. Il y a notamment l'aspect qui concerne la durée du mandat des sénateurs. La durée du mandat, qui va présentement jusqu'à 75 ans ou jusqu'au décès de la personne, serait ramené à 9 ans. S'il y a une unanimité du côté du NPD en faveur de l'abolition du Sénat, il existe des divergences chez les conservateurs, particulièrement chez les sénateurs conservateurs qui ont déjà émis certaines réserves par rapport à cette limitation du mandat pour lequel ils ont été nommés. Ce sont des sénateurs qui ont été nommés tout récemment. On sait comme moi que depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs en 2006, 27 sénateurs conservateurs ont été nommés, ce qui donne présentement la majorité au Parti conservateur au Sénat.
On peut parler de ce que les libéraux ont fait auparavant et on peut être d'accord ou non. Il reste que lorsqu'il y avait un gouvernement libéral, il était tout de même possible que des sénateurs non libéraux soient nommés. Cela a été le cas dans le passé. Les libéraux ont même nommé à un moment donné une sénatrice qui s'était déclarée d'allégeance néo-démocrate. Malheureusement, nous lui avons demandé de retirer cette allégeance étant donné que nous n'appuyons pas le Sénat et que nous proposons son abolition. Il reste qu'il y avait au moins un certain équilibre de la part des gouvernements libéraux antérieurs. C'est un équilibre qu'on ne voit pas présentement de la part du gouvernement conservateur.
On parle beaucoup du Sénat comme étant une chambre de deuxième réflexion, là où une réflexion différente de la Chambre des communes peut être faite. Les députés de la Chambre des communes ne sont pas sans savoir que les sénats provinciaux ont été abolis. Aucune province n'a de sénat depuis 1968. À ce que je sache, depuis ce temps, aucun problème grave significatif n'a été noté en ce qui a trait à l'adoption des lois au palier provincial. Les provinces n'ont plus de sénat et, honnêtement, cela ne leur manque pas présentement. Il n'y a aucune demande ou exigence de la part des provinces d'avoir cette Chambre haute provinciale. En suivant l'expérience des provinces, je pense que la position du NPD à cet égard est tout à fait légitime et s'éloigne de celle des conservateurs qui désirent conserver le Sénat. Ils désirent cependant le changer et il est intéressant de noter l'évolution des conservateurs par rapport au rôle du Sénat.
On a beaucoup entendu parler, particulièrement à l'époque des réformistes et également de l'Alliance canadienne, du besoin d'avoir un Sénat triple-E. C'est un sénat qui, par sa nature et son essence, serait beaucoup plus près du Sénat américain tel qu'on le connaît et cela crée quelques problèmes. Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, des problèmes similaires se présenteraient. Je vais revenir à l'exemple américain, mais j'aimerais soulever deux problèmes particuliers relatif au projet de loi et à la manière dont il permettrait l'élection de sénateurs au niveau provincial qui seraient ensuite nommés par le premier ministre.
Le premier problème concerne la légitimité. Si on n'a pas de processus uniforme entre les provinces pour l'élection et puisqu'on parle plutôt d'un plébiscite que d'une élection, cela créerait une situation où, dans certaines provinces, on n'aurait pas nécessairement des sénateurs qui seraient élus ou plébiscités de cette manière. Cela soulève un problème de légitimité. Les sénateurs qui seraient élus selon un certain processus pourraient croire, et croiraient sans aucun doute, avoir plus de légitimité que ceux qui ont été simplement nommés par le premier ministre sans être nécessairement passés par ce processus qui aurait été établi par les provinces.
Cela causerait des problèmes, car les membres du Sénat n'auraient pas la même compréhension de cette institution.
Le deuxième problème, et c'est là qu'entre en jeu l'exemple américain, est que le Sénat voudrait présentement être perçu, s'il avait une quelconque utilité, comme un lieu permettant une deuxième réflexion sur des projets de loi adoptés à la Chambre des communes. Cette deuxième réflexion serait un contrepoids à une réaction trop populiste de la Chambre et viserait à plaire à une certaine partie de l'électorat sans nécessairement apporter une amélioration quelconque à ce que le projet de loi propose.
Dans la formule actuelle, et je pense que cela a été clair, particulièrement au cours des cinq dernières années où on a vu 27 nouveaux sénateurs conservateurs être nommés, il n'y a plus de deuxième réflexion. Le Sénat ne joue plus ce rôle. Le Sénat joue un rôle additionnel de polarisation au débat politique qu'on a vu à la Chambre. Je pense que les débats et le discours politique qu'il y a à la Chambre depuis 2006 sont beaucoup plus polarisés que ce qu'on a vu à toutes les époques et au cours de toutes les décennies précédant 2006. C'est ce qui s'observe maintenant au Sénat.
Grâce au Sénat, on voulait pouvoir réfléchir adéquatement aux conséquences que les projets de loi auraient sur diverses facettes de la société canadienne et québécoise. Le Sénat ne remplit plus ce rôle. On a pu le voir notamment dans le cas de deux projets de loi dont l'un nous tenait à coeur. Je parle du projet de loi C-311 qui portait sur les changements climatiques, afin d'établir des normes et des objectifs clairs en matière d'émissions de gaz à effet de serre. La Chambre des communes et ses comités ont tenu plusieurs débats. Ce n'était pas la première fois que ce projet de loi était soumis. Il visait à respecter les engagements internationaux du Canada. Après un certain nombre d'essais, le projet de loi a finalement été adopté à la Chambre des communes. Pourtant, le Sénat non élu s'est simplement opposé à cette volonté de la Chambre des communes, soit des représentants élus de la population québécoise et canadienne. Tout cela s'est fait dans un esprit de polarisation beaucoup plus que d'efficacité. Le gouvernement conservateur n'a pas dénoncé ce geste, ce qu'il aurait dû faire et ce qu'il aurait sans doute fait si un Sénat à majorité libérale s'était opposé à un de ses projets de loi. Cela a été le cas dans le passé, et les députés conservateurs étaient montés au front pour dénoncer l'abus d'une Chambre non élue vis-à-vis la Chambre des communes.
Une question a été soulevée, notamment par mon collègue de Winnipeg-Nord: les Canadiens et les Québécois veulent-ils toujours d'un Sénat? C'est une question intéressante et très pertinente, à mon avis. Je propose donc, comme quelques-uns de mes collègues l'ont fait, de demander aux Canadiens et aux Québécois s'ils veulent toujours d'un Sénat, s'ils jugent que cette Chambre haute remplit toujours ses fonctions. Je rappelle que tout récemment, en juillet, un sondage a été mené partout au Canada pour savoir si les gens voulaient se prononcer sur l'existence du Sénat. Soixante-et-onze pour cent des Canadiens et Canadiennes, ce qui inclut les Québécois et Québécoises, veulent un référendum et se prononcer sur la question. Il est grand temps que nous ayons ce débat. Dans ce même sondage, 36 p. 100 des Canadiens étaient en faveur de l'abolition du Sénat. Il s'agit d'une hausse marquée par rapport à l'année précédente. Cela reflète un malaise au sein de la population quant au rôle que le Sénat a joué ces dernières années et aux nominations partisanes effectuées par le premier ministre.
L'expérience passée nous démontre clairement que l'abolition du Sénat dans les provinces n'a pas mené à des révolutions majeures de leur fonctionnement. En fait, plusieurs experts et plusieurs légistes constitutionnels diraient sans aucun doute que cela a peut-être même facilité le travail des provinces, parce qu'il n'y avait plus le spectre d'une Chambre non élue pouvant s'interposer et contrer la volonté des représentants élus par la population. On ne trouvera pas une seule province qui voudra revenir en arrière et imposer une Chambre non élue.
Il faut être vraiment prudent par rapport au mandat du Sénat et par rapport à la direction où nous allons présentement pour ne pas nous rapprocher de l'exemple américain. En fin de compte, la proposition a été faite par notre collègue du troisième parti, une proposition déjà présentée par le NPD. Ayons un vrai débat, incluons la population canadienne et ayons un référendum sur ce sujet. Quant à nous, notre position est claire: nous sommes et serons toujours en faveur de l'abolition du Sénat.