Monsieur le Président, hier soir, j'ai eu l'honneur de participer au débat du comité plénier sur l'environnement. Toutefois, j'ai trouvé extrêmement malheureux le fait que le ministre n'a pas cessé de dire aux parlementaires qu'il ne pouvait pas répondre à leurs questions. Parfois, il a tout simplement refusé de répondre, et ce, même si les fonctionnaires de son ministère assis juste devant lui disposaient de tous les renseignements pertinents.
Par exemple, le ministre n'a pas répondu à mes questions sur le coût des obligations qui découleraient du nouveau processus d'évaluation environnementale, sur la façon dont le gouvernement s'y prend pour comparer ce coût à celui de l'ancien processus d'évaluation et sur l'intention du ministre de déposer l'analyse en question.
Il n'a pas répondu quand je lui ai demandé de préciser combien d'ozonosondes parmi les dix en place recevraient l'appui du gouvernement dans le cadre du nouveau budget. Cela est important parce que l'ozone est essentiel à la vie sur Terre et qu'il nous protège contre les rayons nocifs du soleil.
Il n'a pas précisé quelles mesures étaient prévues dans le budget pour répondre aux préoccupations du commissaire à l'environnement.
Il n'a pas répondu quand je lui ai demandé si le service avait été perturbé au Centre mondial des données sur l'ozone et le rayonnement ultraviolet.
Il n'a pas donné la liste des organismes de bienfaisance qu'il avait accusés de faire du blanchiment d'argent. Ce ne sont que quelques-unes des questions que je lui ai posées et auxquelles il n'a pas pu répondre ou a refusé de répondre.
Permettez-moi de présenter quelques faits au sujet des échecs répétés du gouvernement conservateur en matière d'environnement. En 2008, selon l'indice de rendement de la lutte contre les changements climatiques, le Canada s'est classé 56e sur 57 pays au chapitre de la lutte contre les émissions. En 2009, le Conference Board du Canada a classé le Canada au 15e rang sur 17 pays industrialisés riches au chapitre du bilan environnemental. En 2010, l'Université Simon Fraser a classé le Canada 24e sur 25 pays de l'OCDE au chapitre du bilan environnemental. Plus récemment, selon l'indice de performance environnementale des universités Yale et Columbia, le Canada s'est classé 102e sur 132 pays au chapitre des changements climatiques.
Ce très triste bilan environnemental se poursuit sous les conservateurs. Le gouvernement se débarrasse maintenant des mécanismes de protection environnementale adoptés au fil des 50 dernières années et compromet la santé et la sécurité des Canadiens, nos collectivités, notre économie, nos gagne-pain et les générations futures.
Par souci de clarté, je rappelle que l'équilibre budgétaire avait été atteint lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, mais ce dernier nous a aussitôt plongés dans un déficit avant même que la récession nous frappe. Il est honteux que le gouvernement fasse preuve d'une telle négligence en détruisant les mécanismes de protection environnementale dans le but d'accélérer le développement plutôt que de promouvoir le développement durable qui répond aux besoins d'aujourd'hui sans compromettre ceux de l'avenir. Le gouvernement n'a pas annoncé, durant la dernière campagne, qu'il comptait détruire les mécanismes de protection environnementale.
Les Canadiens devraient donc s'insurger, exiger qu'on les écoute et empêcher le gouvernement de se débarrasser des lois qui protègent l'environnement ainsi que la santé et la sécurité des Canadiens.
Maurice Strong, éminent Canadien qui a lancé le Sommet de la Terre de Rio en 1992, a exhorté les gens qui se soucient de l'avenir de notre environnement à contourner le gouvernement fédéral. Il a encouragé les groupes populaires à se mobiliser et à exploiter le plus possible les médias sociaux. Selon lui, il n'est pas trop tard pour exercer une pression populaire.
Au lieu de comprendre la gravité de la situation et de se porter à la défense de l'environnement, le gouvernement conservateur a répété les mêmes arguments fatigués dans le but de se faire du capital politique, notamment en attaquant l'ancien chef du Parti libéral et en affirmant que les libéraux n'ont pris aucune mesure pour lutter contre les changements climatiques alors qu'il sait que c'est totalement faux. Les libéraux ont présenté le Projet vert qui nous aurait permis d'atteindre 80 p. 100 de nos objectifs de Kyoto. Les conservateurs ont mis ce plan au rancart et diminué leur cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 p. 100, ont dépensé plus de 9 milliards de dollars de l'argent durement des contribuables à très mauvais escient, ont tourné le dos à Kyoto, sont en train d'abroger la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto et ils continuent de faire abstraction du fait que l'inaction à l'égard du problème des changements climatiques coûtera de 21 à 43 milliards de dollars par année aux Canadiens d'ici 2050.
La semaine dernière, le commissaire à l'environnement a affirmé quelque chose que nous savons depuis longtemps, soit que le gouvernement n'est pas en voie d'atteindre ses cibles de réduction des émissions pour 2020. Selon les prévisions d'Environnement Canada, en 2020, les émissions du Canada seront supérieures de 7 p. 100 aux niveaux de 2005, et non 17 p. 100 inférieures à ceux-ci, comme on l'avait promis.
Voilà que ce gouvernement dont le prétendu cheval de bataille est l'ordre public a une fois de plus violé la loi. Selon le commissaire à l'environnement, le gouvernement fédéral n'a pas respecté la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, adoptée par le Parlement en 2007. Le ministre pense-t-il qu'il est acceptable d'enfreindre la loi et, à l'avenir, quelles mesures de responsabilisation mettra-t-il en place pour assurer la transparence des rapports sur les émissions de gaz à effet de serre qu'il présente aux Canadiens?
Maurice Strong dit que le gouvernement ne veut pas jouer un rôle constructif dans la lutte contre les changements climatiques. Par exemple, la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement continue de fulminer contre Kyoto. Je me demande si elle sait que son propre ministre a affirmé, pour la deuxième fois, que Kyoto était une bonne idée à l'époque? C'est ce qu'il a dit au Huffington Post, et plus récemment à la BBC.
Mme Gro Harlem Brundtland, ancienne première ministre de la Norvège, ancienne présidente de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement et ancienne directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré récemment que le Canada faisait marche arrière dans le dossier des changements climatiques et lui a conseillé de ne pas être naïf en la matière. Dernièrement, elle a aussi dit à des délégués réunis au Canada que, malgré les faiblesses du Protocole de Kyoto, le monde ne pouvait pas se permettre de le mettre de côté sans avoir de solution de rechange à offrir, car les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter.
Interrogée au sujet des liens entre l'activité humaine et les changements climatiques, voici ce qu'elle a déclaré: « Les politiciens et les autres intervenants devraient s'abstenir de remettre en question les données scientifiques. Nous devons nous fier aux données probantes. »
Quand le ministre présentera-t-il les plans et les règlements touchant les six derniers secteurs d'activités, et plus particulièrement ceux visant l'un des secteurs les plus importants, en l'occurrence l'industrie pétrolière et gazière, étant donné que les sables pétrolifères sont la source d'émissions de gaz à effet de serre qui connaît la plus forte croissance?
Hier soir, j'ai demandé au ministre combien de scientifiques du groupe responsable des changements climatiques et de l'adaptation aux effets de ces derniers, à Environnement Canada, bon nombre d'entre eux étant les lauréats d'un prix Nobel, bénéficieront de l'appui du gouvernement pour entreprendre des travaux d'adaptation pour le compte du Canada, étant donné que les coûts associés à l'adaptation atteindront entre 21 et 43 milliards de dollars d'ici 2050. On m'a demandé de répéter la question.
Après avoir posé la question une troisième fois, j'ai reçu une réponse ridicule. On m'a dit que le groupe responsable de l'adaptation est une organisation qui évolue, tout comme les changements climatiques évoluent.
Le gouvernement conservateur soutient avoir atteint un juste équilibre entre la protection de l'environnement et la promotion de la croissance économique. Toutefois, quand la secrétaire parlementaire ou le ministre ont-ils pris la défense de l'environnement? L'ont-ils fait en imposant des compressions à Environnement Canada, à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ou au programme de surveillance de l'ozone?
La liste des compressions est interminable.
Les Canadiens ne devraient pas être dupes des velléités de protection de l'environnement, mais devraient plutôt s'intéresser au fait que le gouvernement diminue de centaines de millions de dollars les budgets d'Environnement Canada et d'autres investissements liés à la protection de l'environnement et à la recherche, tout en maintenant plusieurs incitatifs fiscaux destinés au secteur pétrolier et gazier que des fonctionnaires du ministre des Finances ont recommandé d'éliminer dans une note secrète.
Lorsque nous aurons voté contre ce budget fourre-tout, un budget qui consacre 150 pages sur 425 à l'éviscération des contrôles environnementaux, le gouvernement conservateur dira que l'opposition a voté contre d'excellentes mesures en faveur de l'environnement. Cependant, le gouvernement ne nous donne guère le choix. En effet, nous ne pouvons tout simplement pas voter en faveur de la destruction pure et simple de la législation environnementale et des mesures de protection qu'on a mis 50 ans à mettre en place.
Si la secrétaire parlementaire, le ministre de l'Environnement et le ministre des Ressources naturelles croient vraiment que le projet de loi C-38, le projet de loi fourre-tout, est bon pour l'environnement, ils devraient avoir le courage de présenter séparément les mesures concernant la protection de l'environnement et de les renvoyer aux comités appropriés pour qu'elles fassent l'objet d'une étude article par article au vu et au su de la population, et mettre fin à l'affront à la démocratie.
J'ai une liste des compressions visant Environnement Canada et de quelques-uns des changements en matière d'environnement qui sont prévus dans le projet de loi C-38.
Deux cents postes sont supprimés à Environnement Canada.
L'été dernier, le gouvernement a annoncé l'élimination de 700 postes et une réduction de 43 p. 100 du budget de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.
Il réduit également les fonds affectés aux travaux de recherche et de surveillance dans les domaines de la pollution atmosphérique, des émissions industrielles, de la qualité de l'eau et des eaux usées, entre autres, ainsi qu'aux partenariats pour une économie plus verte. Il réduit de 3,8 millions de dollars le financement des interventions d'urgence en cas de catastrophe.
Quant aux employés qui interviennent en cas de déversement d'hydrocarbures, le gouvernement les regroupe au centre du Canada, c'est-à-dire à Gatineau et à Montréal, loin des endroits où peuvent survenir des urgences, notamment en ce qui concerne le bitume dilué, sur les côtes pacifique et atlantique et le long du trajet proposé pour l'oléoduc Northern Gateway.
En termes de nombres de postes et de pourcentages, de combien le gouvernement réduira-t-il la nouvelle unité du centre du Canada qui doit intervenir dans les situations d'urgence provoquées par des déversements d'hydrocarbures? Quand le ministre déposera-t-il l'analyse scientifique qui démontre, comme il le prétend, que ces changements n'auront aucun effet négatif?
La semaine dernière, Environnement Canada a publié son Rapport sur les plans et les priorités, dûment signé par le ministre. En voici un extrait:
Compétences: En raison de défis sur le plan de l’alignement de la transition, le ministère risque de ne pas pouvoir se tenir à jour en ce qui a trait aux percées dans le domaine de la science et des technologies. De plus, il pourrait être difficile [...] de recruter et de maintenir en poste des employés qui possèdent [...] les connaissances essentielles et spécifiques requises pour l’administration des programmes et des services internes.
Environnement Canada est un ministère à vocation scientifique. Le passage que je viens de citer laisse entendre que le gouvernement cause un tort immense à Environnement Canada. Le ministre a induit les Canadiens en erreur quand il a déclaré que les programmes ne seraient pas compromis.
Puisqu'il reconnaît qu'il y a un problème à Environnement Canada, j'aimerais savoir quels nouveaux fonds le ministre de l'Environnement a expressément prévus pour permettre à son ministère de rester au fait des percées dans le domaine de la science et des technologies afin de protéger l'environnement, la santé et la sécurité des Canadiens, et de prendre des décisions fondées sur des données probantes.
Le gouvernement a abrogé la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Il a abrogé la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ce qui permet au gouvernement fédéral d'éviter l'examen environnemental de nombreux projets qui pourraient être dangereux et de faire des examens moins exhaustifs lorsqu'il est encore obligé d'en faire.
Selon le commissaire à l'environnement du Canada, ces changements comptent parmi les virages politiques les plus marqués des 30 ou 40 dernières années. Il estime que la participation publique sera franchement entravée.
Le ministre des Ressources naturelles se plaint que:
Malheureusement, notre système réglementaire inefficace, redondant et imprévisible constitue un obstacle. Il est complexe, lent et peu rentable. Il soumet les projets importants à des délais imprévisibles et potentiellement interminables.
Toutefois, selon le premier ministre Jean Charest:
Au Québec, nous sommes passés maîtres dans l'art du processus d'évaluation commune [...] L'expérience m'a appris qu'essayer de couper les coins ronds pour accélérer le processus ne fera que le ralentir et qu'il est préférable de recourir à un processus rigoureux. On obtient ainsi de meilleurs résultats et les promoteurs savent mieux à quoi s'attendre.
Il y a d'autres modifications: l'affaiblissement de plusieurs lois en matière d'environnement, notamment en ce qui concerne les espèces en péril et l'eau; la quasi-élimination de la protection de l'habitat du poisson dans la Loi sur les pêches, ce qui risque d'entraîner le déclin des populations de diverses espèces et de porter atteinte à leur habitat dans l'ensemble du pays; l'octroi au Cabinet fédéral du pouvoir d'approuver de nouveaux projets de pipeline en dépit des décisions de l'Office national de l'énergie et l'élimination de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, le groupe de réflexion indépendant directement mandaté par le Parlement.
Le ministre de l'Environnement n'a d'ailleurs jamais indiqué ce qui remplacera la table ronde, question que je lui ai d'ailleurs posée deux fois. Celui qui la dirige l'ignore lui aussi, et pourtant elle joue un rôle unique.
Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères a dit que l'élimination de la table ronde était davantage attribuable au contenu de la recherche comme tel, notamment la promotion d'une taxe sur le carbone pour lutter contre les changements climatiques. Je cite le ministre:
Pourquoi les contribuables seraient-ils obligés de payer pour plus de dix rapports faisant la promotion d'une taxe sur le carbone que le peuple canadien a rejetée à plusieurs reprises?
Le ministre des Affaires étrangères confirme ce que nous savons depuis très longtemps: le gouvernement accorde plus d'importance à son idéologie qu'aux preuves.
La table ronde nationale a publié des rapports fondés sur des données économiques et scientifiques qui ne correspondaient pas à l'idéologie conservatrice. Depuis plus de 20 ans, la table ronde est un organisme respecté, impartial et indépendant. C'est le gouvernement Mulroney qui l'a fondée, et notre Gouverneur général actuel en a été le président fondateur. Le gouvernement devrait donc avoir conscience de l'importance qu'elle revêt.
Les propos du ministre des Affaires étrangères, il y a deux jours, n'avaient rien à voir avec la taxe sur le carbone; après tout, le premier ministre lui-même avait promis de taxer le carbone à hauteur de 65 $ la tonne d'ici à 2016 ou 2018. Ce n'était qu'une tentative du gouvernement de détourner notre attention des critiques acerbes dont il était l'objet pour avoir réduit la protection de l'environnement à néant ou presque, mais aussi de contraindre ses détracteurs au silence. Le gouvernement s'adonne à une chasse aux sorcières dans le plus pur style de McCarthy, dans les années 1940: il muselle les voix indépendantes et intimide celles qu'il ne peut faire taire.
Par ailleurs, on voit des détracteurs du gouvernement contraints au silence en raison des changements apportés à l'Agence du revenu du Canada et des tentatives de prendre le contrôle des programmes de recherche des universités. Le gouvernement devrait accepter d'être jugé. Il devrait pouvoir soutenir la critique. Or, au lieu de faire valoir ses arguments, il ne cherche qu'à faire taire les critiques.
Les critiques pleuvent sur le projet de loi C-38. Ainsi, voici ce qu'on a pu lire dans un article de l'Ottawa Citizen intitulé « Le projet de loi C-38: c'est louche »:
Il n'était pas nécessaire de rassembler de grandes bribes de projets de loi dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget de 420 pages qui semble avoir été rédigé pour contrer tout tentative de la Chambre des communes d'en faire une étude intelligente.
Dans un article intitulé « Le projet de loi omnibus menace les poissons [...] », le Sun deVancouver a écrit ceci:
Dans le cadre de la guerre livrée contre le projet de loi omnibus d'exécution du budget présenté par le gouvernement fédéral, le chef du Parti conservateur de la Colombie-Britannique, John Cummins, a mené la charge sur un nouveau front, lundi, en envoyant une lettre au premier ministre [...] afin de le prévenir des grands dangers qui menaceraient les pêcheurs et l'environnement si les modifications à la Loi sur les pêches étaient adoptées.
Depuis des décennies, les Canadiens comptent sur le gouvernement fédéral pour qu'il protège leurs familles et la nature contre la pollution, les contaminants toxiques et d'autres problèmes environnementaux grâce au filet de sécurité que sont les lois environnementales. Ce projet de loi met en pièces ce filet de sécurité environnementale afin d'accélérer le développement aux dépens de tous les Canadiens.
Au lieu de cela, le gouvernement aurait pu mettre en oeuvre les motions nos 322, 323 et 325, que j'ai présentées. Ces motions portaient sur l'engagement du Canada à l'égard du développement durable. Compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas de faire un choix entre l'économie et l'environnement, elles prévoyaient l'élaboration, en collaboration avec les provinces, les territoires et les intervenants, d'une stratégie sur l'économie verte et d'une stratégie nationale sur l'énergie durable afin de créer les emplois de l'avenir pour les collectivités canadiennes et pour le Canada.
Si on compromet la qualité de l'air, de l'eau et du sol, et si on met en péril la biodiversité, on hypothèque l'avenir au profit d'un présent éphémère.