Madame la Présidente, c’est avec plaisir que je prends la parole à la Chambre au sujet du projet de loi C-291. En présentant ce projet de loi, le député de Bourassa a reconnu le travail que font les néo-démocrates depuis des années. Des néo-démocrates ont présenté cette mesure sous différentes formes, que ce soit le député d’Acadie—Bathurst ou l’ex-députée Dawn Black de la Colombie-Britannique.
Je salue également le député de Jonquière—Alma, qui a bien expliqué pourquoi la Chambre devrait appuyer ce projet de loi.
Je m’estime chanceuse de parler après le député conservateur en face parce que cela me donne l’occasion de réfuter certaines allégations.
La caisse d'assurance-emploi est financée par les employeurs et les employés. L'argent qu'elle contient leur appartient. Il ne provient pas du Trésor. Les employeurs et les employés cotisent au fonds en prévision des circonstances mêmes dont a parlé le député de Bourassa.
Il arrive que des gens tombent malade. C'est souvent très difficile pour leurs familles. J'ai entendu le député affirmer qu'une fois terminée la période de prestations de 15 semaines, ils n'ont qu'à demander l'aide sociale. Je ne sais pas de quelle province il vient, mais en Colombie-Britannique, d'où je viens, l'aide sociale ne suffit pas pour payer les factures. Dans beaucoup de provinces, quiconque demande l'aide sociale doit d'abord liquider tous ses actifs. Le député pense donc qu'une personne atteinte du cancer ou d'une autre maladie qu'elle cherche désespérément à combattre devrait bénéficier de 15 semaines de prestations de maladie, après quoi elle devra liquider ses actifs en plein traitement de chimiothérapie, de radiothérapie ou que sais-je afin de pouvoir demander l'aide sociale. Ce n'est pas ainsi qu'on traite les gens dans une société compatissante.
J'aimerais présenter quelques faits.
Premièrement, aux termes des règles du régime d'assurance-emploi de base, des règles prétendument progressistes en vigueur actuellement, moins de 50 p. 100 des Canadiens sont admissibles, même s'ils cotisent à la caisse d'assurance-emploi.
Deuxièmement, selon les études de Statistique Canada, 20 p. 100 des congés de maladie durent 17 mois et plus. Selon ces mêmes études, 60 p. 100 de ces congés durent de 17 à 28 semaines, et 40 p. 100 d'entre eux, 29 semaines et plus. À l'heure actuelle, seulement 31 p. 100 des prestataires touchent le maximum de 15 semaines de prestations de maladie.
Malgré ce qu'affirme le gouvernement, il n'y pas tant de monde qui touchera des prestations de maladie de longue durée. Si nous vivions bel et bien dans une société compatissante, tous les députés appuieraient la mesure.
J'ai entendu le député prétendre que les Canadiens ont des raisons de craindre une coalition de néo-démocrates, de bloquistes et de libéraux. Les néo-démocrates apporteraient les changements que l'on propose depuis un certain nombre d'années au régime d'assurance-emploi financé par les employeurs et les employés afin de veiller à ce qu'on s'occupe comme il faut des membres les plus vulnérables de la société au lieu de leur dire « Cessez de pleurnicher, vous avez 15 semaines et c'est tout. »
Une récente étude du Mowat Centre, intitulée Making It Work: Final Recommendations of the Mowat Centre Employment Insurance Task Force contient de nombreuses recommandations. J'en aborde quelques-unes qui sont directement liées au projet de loi qu'a présenté le député de Bourassa. Le groupe de travail parle de la période de carence de deux semaines et de son application à toutes les demandes d'assurance-emploi, qu'il s'agisse de prestations régulières ou spéciales. Le groupe de travail recommande l'élimination de la période de carence dans le cas de demandes de prestations spéciales. Il dit ceci:
Une fois l'admissibilité établie, les prestataires doivent attendre deux semaines avant de commencer à toucher des prestations. Le délai de carence de deux semaines s'applique aux gens qui demandent des prestations spéciales comme aux autres personnes [...]
Il ajoute:
Mis à part la limitation des coûts, rien ne justifie clairement le délai de carence dans le cas des prestations spéciales. Par surcroît, cette période d'attente peut causer des inconvénients et des difficultés aux prestataires.
L'élimination de la période de carence n'aurait qu'une faible incidence sur le coût du programme. Étant donné que la plupart des personnes qui touchent des prestations spéciales épuisent ces prestations, l'élimination du délai de carence dans leur cas signifierait généralement qu'elles recevraient le même montant de prestations, mais plus tôt.
L'élimination du délai de carence de deux semaines pour les personnes qui touchent des prestations spéciales est une façon simple et abordable de soutenir les nouveaux parents et les fournisseurs de soins. Cette mesure contribuerait également à appuyer les réformes que nous proposons ci-après dans le cas des prestations de maladie.
Je parle brièvement des changements proposés aux prestations de maladie. Bon nombre d'entre nous à la Chambre ont rencontré des gens qui souffrent d'incapacités épisodiques et qui ont énormément de difficulté à demeurer sur le marché du travail à cause du régime actuel de prestations de maladie.
La recommandation 17 du groupe de travail porte sur les prestations de maladie:
METTRE À L'ESSAI UNE MODIFICATION DES PRESTATIONS DE MALADIE POUR SOUTENIR LA PARTICIPATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL DES PERSONNES HANDICAPÉES
Pour aider les personnes handicapées à rester sur le marché du travail, il faudrait mettre à l'essai le versement périodique de prestations de maladie. Cette formule devrait permettre à des travailleurs, dont on a déjà établi l'admissibilité et qui présentent un certificat médical à l'appui de leur demande, de toucher des prestations de maladie à différents moments pendant l'année sans qu'il soit nécessaire d'établir de nouveau leur admissibilité.
Le groupe de travail mentionne également ceci dans sa recommandation:
À l'heure actuelle, les personnes qui souffrent de maladies ou d'incapacités sporadiques ou épisodiques ne bénéficient d'aucun programme de soutien au revenu pour les aider à demeurer sur le marché du travail ou pour leur éviter de recourir à d'autres formes d'aide, notamment l'aide sociale provinciale pour les personnes handicapées ou les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada.
Évidemment, même quand les gens ont recours à ces autres programmes de soutien, ils sont confrontés à un problème s'ils souhaitent se réintégrer au marché du travail.
Pour justifier ce changement, le groupe de travail dit ceci:
Au cours des décennies à venir, le Canada devra composer avec des pénuries de main-d'oeuvre et une population vieillissante. De plus en plus de Canadiens ont recours aux programmes provinciaux de prestations d'invalidité de longue durée, ce qui constitue une utilisation inefficace de notre capital humain. Les programmes sociaux du Canada ne devraient pas créer des obstacles à l'intégration au marché du travail ni dissuader les personnes qui souhaitent travailler de le faire.
D'une certaine façon, en ce moment, la stratégie nationale de sécurité du revenu divise les particuliers en deux groupes: ceux qui sont valides et aptes au travail et ceux qui sont handicapés et inaptes au travail. En plus d'être démoralisante pour les personnes qui pourraient travailler à temps partiel, cette catégorisation radicale risque de les empêcher de devenir autonomes. Elle pourrait également créer une pression inutile sur les programmes de soutien aux personnes handicapées.
Le rapport indique également ce qui suit:
Selon l'OCDE, l'insuffisance des mesures de soutien à l'emploi constitue l'un des principaux points faibles de la stratégie canadienne en matière de sécurité du revenu pour les personnes handicapées. « Les régimes de prestations d’assurance-invalidité au Canada, un peu comme ceux de plusieurs autres pays membres de l’OCDE, ont encore trop souvent tendance à mener les bénéficiaires vers la dépendance aux prestations d’aide sociale et l’exclusion du marché du travail plutôt qu’à une participation à celui-ci. »
Qui plus est, « le caractère “tout ou rien“ de la plupart des programmes d’assurance-invalidité ne laissent à ces personnes aucune solution de rechange réaliste à part une dépendance à long terme à l’égard des programmes d’assurance-invalidité, et aucune possibilité réaliste de contribuer à la société ».
Il s'agit d'un point important. Nous entendons souvent parler des problèmes de productivité du Canada et de la nécessité d'accroître la participation au marché du travail. Or, les prestations de maladie du régime d'assurance-emploi nous offrent des mécanismes qui encouragent cette participation.
Il y a des gens dans ma circonscription qui sont épisodiquement invalides et qui ont communiqué avec moi. Pendant certaines périodes, ils sont tout à fait en mesure de travailler. Parfois, ils peuvent travailler à temps plein pendant un certain nombre de mois, puis, évidemment, ils doivent de nouveau prendre des congés de maladie. Nous devons encourager cette participation à la population active et en même temps offrir une certaine sécurité de revenu. C’est une ressource précieuse pour les employeurs.
Je parlerai brièvement de la question des prestations de maladie.
Je sais que nous avons déjà entendu diverses personnes parler de cas individuels. Je veux parler du cas de Jennifer McCrea. Elle était depuis environ huit mois en congé de maternité, elle avait eu son deuxième enfant, quand son médecin a découvert qu’elle était atteinte d’un cancer du sein peu avancé. Son médecin lui a dit qu’elle devait prendre six semaines pour se remettre après son congé de maternité. Elle s’est adressée au bureau de l’assurance-emploi et a demandé des prestations de maladie. On lui a répondu que comme elle était en congé de maternité et qu’elle n’était pas disponible pour travailler elle n’avait pas droit à cette prestation.
Vous avez une jeune mère qui vient d’avoir un enfant, une situation qui n’est pas toujours facile, et qui par-dessus le marché doit subir une intervention chirurgicale majeure en raison d’un diagnostic précoce de cancer du sein, et on lui répond que, selon les règles, elle n’a pas droit aux prestations de l’assurance-emploi.
Étrangement, il y avait déjà eu un cas semblable, et le juge Marin avait conclu que les changements législatifs apportés à l’assurance-emploi visaient à donner aux femmes en congé de maternité l’accès à des prestations de maladie immédiatement avant le congé de maternité et le congé parental ainsi que pendant et immédiatement après ces congés, et que même si le règlement prévoyait qu’une personne devait être disponible pour travailler, cela était impossible pour une femme en congé de maternité. Par conséquent, a-t-il affirmé, les règles doivent être interprétées de façon plus libérale ou alors le gouvernement doit les modifier.
La ministre des Ressources humaines en a convenu, mais nous sommes maintenant en novembre 2011, et rien n’a encore été fait. Les femmes ne peuvent toujours pas obtenir à la fois le congé de maternité et des prestations de maladie quand elles en ont besoin.
Nous pourrions citer bien des cas où une société soucieuse du bien-être de ses membres considérerait que nous devons appuyer les gens. Ce sont les plus vulnérables. Lorsque les gens sont malades, ils ont vraiment besoin de ce soutien. Si nous voulons manifester de la compassion et montrer que nous nous soucions de nos concitoyens, puisque l’argent est déjà là, puisque les employeurs et les employés versent des cotisations à cette fin, les députés devraient adopter ce projet de loi.