Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur d'intervenir ce soir pour parler d'une mesure aussi importante que le projet de loi S-10. Je l'attends depuis 2008, et même avant.
Les propos échangés actuellement à la Chambre me laissent un peu perplexe. Non seulement il s'agit d'une bonne mesure législative, mais de plus, il est important, pour nous, de la ratifier et de la mener aux étapes ultérieures. Nous voulons préserver le rang du Canada dans le monde, ainsi que son image de pays fort. Qu'il s'agisse des mines terrestres et du traité d'Ottawa, ou des armes à sous-munitions, il est important de savoir que nous avons participé aux délibérations sur les armes à sous-munitions depuis les origines du processus d'Oslo.
En tant que député de Westlock—St. Paul, j'ai parfois l'impression que pour les gens qui ne connaissent pas grand-chose à la question, il n'est pas simple de peser le pour et le contre avant de se prononcer sur l'élimination des armes à sous-munitions. Je représente deux des plus grandes bases militaires tactiques de notre pays, la 4e Escadre Cold Lake d'appui tactique, et la garnison d'Edmonton.
Quand on s'adresse aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes, on voit qu'ils approuvent cette mesure législative, car ils sont convaincus qu'on doit leur donner les meilleures armes pour cibler les ennemis, et non les civils. Mais, comme l'ont dit les députés de part et d'autre de la Chambre au cours du vigoureux débat d'aujourd'hui, les armes à sous-munitions, malheureusement, ciblent aussi des civils.
L'utilisation des armes à sous-munitions a été lourde de conséquences dans de nombreux pays, à cause de son effet intermittent. On ne peut pas demander au pays agresseur ou à une organisation terroriste de nous donner la carte des endroits où ces armes ont été utilisées, car elles sont disséminées sur une vaste zone où des enfants et des agriculteurs en seront victimes, plusieurs mois, sinon plusieurs années plus tard.
Comme je l'ai dit, je remercie ma femme d'avoir porté cette importante question à mon attention dès 2008, lorsque le problème se posait au Liban, comme il s'était déjà posé en Serbie, au Vietnam ou au Nicaragua. Lorsqu'on a eu l'occasion de rencontrer des victimes des armes à sous-munitions, de jeunes enfants qui ont ramassé une petite balle rose qu'ils prenaient pour un jouet, qui a explosé et qui leur a arraché un bras ou une jambe, on ne peut s'empêcher d'avoir un point de vue passionné sur la question. On ne peut s'empêcher de réprouver l'usage de ces armes et d'affirmer qu'il faut se battre pour faire changer les choses.
Reportons-nous à l'époque de 2008-2009, lorsque M. Turcotte négociait en notre nom en tant que membre de la délégation canadienne. Nous observions l'évolution de la situation. Nous ne savions pas s'il y aurait suffisamment de pays prêts à ratifier la convention et à la mener jusqu'à l'étape où elle se trouve aujourd'hui. On voyait, comme dans un rêve, le moment où nous allions la ratifier, avec l'appui de plus de 100 pays, ce qui nous permettrait de faire ensuite pression sur les pays qui ne l'auraient pas ratifiée.
Après examen, cette mesure législative est-elle parfaite? Correspond-elle à tout ce que nous aurions rêvé en 2008? Non.
Toutefois, elle a franchi plusieurs étapes dont je parlerai aujourd'hui, et c'est une mesure très valable. Elle aura une incidence qui fera une grande différence, en ce sens qu'elle réduira la quantité d'armes à sous-munitions utilisées dans le monde aujourd'hui. À mon avis, c'est un grand pas en avant. J'estime que quiconque s'y oppose n'a pas fait ses devoirs et n'a pas compris qu'on ne peut pas tout avoir, mais qu'on peut certainement commencer avec cette mesure, avec le traité d'Oslo. Nous pourrons progresser à partir d'ici, car c'est un excellent point de départ, non seulement pour les Canadiens, mais surtout pour les pays du tiers monde qui ont été affligés par l'utilisation dommageable des armes à sous-munitions.
Comme des députés avant moi l'ont déjà dit, le Canada a participé activement aux négociations sur la Convention sur les armes à sous-munitions, et il a été l'un des premiers pays à y adhérer, en 2008.
Au moment où nous nous préparons à rentrer dans nos circonscriptions cet été, il est extrêmement important de faire adopter cette mesure le plus rapidement possible. Le projet de loi S-10 est une étape nécessaire qui nous rapproche de la ratification.
Permettez-moi d'insister là-dessus. Lorsque j'ai entrepris mes démarches auprès du ministre des Affaires étrangères, il fallait s'assurer que le Canada ratifie ce document, qu'il continue d'affirmer sa réputation internationale en tant que chef de file dans le domaine des mines terrestres et des armes à sous-munitions. J'ai été fier de l'appui que j'ai reçu du ministre, mais il n'en reste pas moins que notre pays a connu de nombreux gouvernements minoritaires. Maintenant, nous avons finalement un gouvernement conservateur majoritaire solide et stable, ce qui nous a permis de nous attaquer à certaines de ces importantes questions.
Je suis heureux que nous siégions plus longtemps en juin, car je veux être sûr non seulement que la mesure sera adoptée à la Chambre des communes, mais qu'elle recevra aussi la sanction royale. Il importe de maintenir notre bonne réputation partout dans le monde. On s'attend à ce que les Canadiens soient des chefs de file. Et que personne à la Chambre ne vienne dire le contraire. Nous avons été les meneurs tout au long de ce processus. Nous avons été l'un des premiers pays à la table. Nous avons été l'un des premiers pays à encourager nos alliés de l'OTAN, comme l'a mentionné le secrétaire parlementaire tout à l'heure. Nous avons été l'un des instigateurs de ce mouvement. C'est à cause du sang versé par les hommes et les femmes des Forces canadiennes que nous avons cette crédibilité auprès des Américains, des Britanniques, des Australiens et de tous nos alliés. Nous pouvons leur dire que nous avons été sur le terrain et que nous voulons faire avancer les choses et éliminer les armes à sous-munitions et ratifier la convention.
Les débris de guerre explosifs, y compris ceux causés par les armes à sous-munitions, sont une sérieuse source de préoccupation humanitaire. Larguées en vol ou tirées au sol, certaines armes à sous-munitions peuvent libérer des dizaines ou même des centaines de sous-munitions plus petites qui peuvent couvrir rapidement une large superficie.
Les armes à sous-munitions représentent une grande menace pour les civils, non seulement pendant les attaques, mais surtout par après, quand elles n'explosent pas comme prévu. Les bombettes non explosées peuvent tuer et mutiler des civils longtemps après la fin des conflits, surtout dans les régions densément peuplées. Chose tragique, beaucoup de victimes des armes à sous-munitions sont des enfants innocents et inconscients. Les bombettes non explosées peuvent aussi empêcher d'avoir accès aux terres et à l'infrastructure essentielle, limitant le potentiel de développement de communautés entières.
Comme je fais campagne pour l'adoption d'un tel projet de loi depuis de nombreuses années, j'ai eu l'occasion de parler à des enfants et des agriculteurs qui se trouvaient dans leurs champs ou leurs plantations et qui ont ramassé ce qu'ils croyaient être un jouet pour s'apercevoir qu'il s'agissait d'un dispositif explosif dont ils ne se doutaient pas qu'il pouvait les mutiler grièvement.
Nous devons être fiers du travail que nous avons accompli au Canada. Nous devons être fiers du fait que nous sommes constamment parmi les dix premiers sinon les cinq premiers donateurs d'argent aux pays frappés par les mines terrestres ou les armes à sous-munitions. Nous devons être fiers de ces réalisations et de la constance de notre effort qui ne s'est pas relâché depuis 2005, 2006.
Je suis très offusqué d'entendre des députés de l'opposition dire que nous ne devons pas ratifier cette mesure parce qu'elle n'est pas parfaite et que ce n'est pas exactement ce que quelqu'un nous a dit que nous devions faire. Très franchement, à les écouter, je me rends compte que la plupart d'entre eux n'ont pas pris le temps, comme l'avait fait leur ancienne chef Alexa McDonough, de comprendre l'importance de ratifier ce traité. J'ai regardé le député de Winnipeg pendant qu'il parlait. Il a fait partie du même caucus que Mme McDonough. Ne lui a-t-elle pas communiqué sa passion et fait comprendre l'importance pour notre pays d'agir rapidement dans ce dossier?
L'engagement de notre gouvernement pour ce qui est de la protection des civils contre les conséquences aveugles causées par des vestiges explosifs de la guerre est bien établi, le Canada figure toujours parmi les dix pays donateurs les plus généreux et souvent même parmi les cinq premiers.
Depuis 2006, nous avons versé plus de 200 millions de dollars à plus de 250 projets dans le cadre de cet effort planétaire. Par exemple, nos efforts ont permis de verser plus de 1,5 million de dollars à l'Organisation des États américains pour appuyer le déminage au Nicaragua. Avec l'aide d'autres donateurs, nous avons ainsi aidé à enlever 179 000 mines terrestres installées pendant la guerre civile au Nicaragua durant les années 1980. En conséquence, en 2010, le Nicaragua s'est déclaré pays sans mine, ce qui faisait de l'Amérique centrale la première région à se débarrasser totalement de ses mines à la suite d'un conflit.
Nous voulons profiter de cet élan et nous sommes fiers de faire partie de l'effort international pour libérer le monde des armes à sous-munitions. Consciente du tort que les armes à sous-munitions causent aux civils, inspirée par la convention d'Ottawa, la communauté internationale a commencé en 2007 à négocier un traité qui interdirait les armes à sous-munitions. La Convention sur les armes à sous-munitions qui en résulte interdit l'utilisation, la mise au point, la production, l'acquisition, le stockage, la conservation et le transport des armes à sous-munitions.
De l'avis du gouvernement, le traité que nous avons signé et que nous voulons maintenant ratifier établit un juste équilibre entre des considérations humanitaires et la capacité des États parties de protéger leur sécurité nationale et leurs intérêts en matière de défense. En fait, la convention reflète les efforts du Canada pendant les négociations pour établir un juste équilibre entre l'engagement d'éliminer l'utilisation des armes à sous-munitions pour des raisons humanitaires et le besoin de protéger nos considérations légitimes et importantes en matière de sécurité. Le Canada n'a jamais utilisé d'armes à sous-munitions et nous aurions également été d'accord pour les interdire complètement, mais il était clair dès le début que ce n'était tout simplement pas une option réaliste.
Étant donné la position d'autres pays, il n'aurait pas été possible pour le Canada de ratifier une interdiction immédiate et complète. En effet, certains pays avec lesquels nous travaillons en collaboration sur le plan militaire n'étaient pas prêts à faire de même. Aurions-nous préféré que tous les pays signent la convention? Aurions-nous préféré que tous les pays aient la même position de principe et la même capacité que le Canada? Bien sûr que oui, mais, malheureusement, certains de nos alliés les plus proches n'ont pas signé la convention. Dans ce contexte, la meilleure façon de mettre un terme à l'utilisation des armes à sous-munitions est de permettre à des pays comme le Canada de renoncer à y avoir recours et à signer le traité, tout en maintenant leur capacité de coopérer avec les alliés qui ont décidé de ne pas adhérer à la convention.
Tout au long des phases préparatoires et au cours des négociations sur la convention — ce que l'on a appelé le « processus d'Oslo » —, un certain nombre d'États ont insisté pour que le nouveau traité contienne des dispositions leur permettant de continuer à participer efficacement à des opérations militaires conjointes avec des pays qui n'ont pas signé la convention. Nous avons négocié l'élimination éventuelle de ces armes, mais nous avons également reconnu que les États ne seraient pas tous en mesure d'adhérer immédiatement à la convention. Dans un contexte où les opérations multilatérales de coopération militaire sont essentielles à la sécurité internationale, on s'est rendu compte que cette position n'était pas exclusivement canadienne, mais que c'était aussi celle d'autres pays, en particulier nos alliés.
L'article 21 de la convention est le résultat qui découle de ce compromis. Il reconnaît que le fait de permettre aux États parties de mener des opérations de coopération militaire avec des États non parties représentait la meilleure façon d'inciter le plus grand nombre possible de pays à signer la convention. En l'absence de l'article 21, un moins grand nombre d'États possédant des armes à sous-munitions auraient accepté de se joindre à nous et se seraient engagés à éliminer leurs stocks d'armes et à cesser de les utiliser.
On a beaucoup parlé aujourd'hui des gens qui ont négocié ce traité. Mais je peux vous affirmer qu'en interrogeant ceux qui ont pris part aux séances d'information, ils sont tous du même avis que moi et estiment que l'article 21 est essentiel à la réussite du traité. Rétrospectivement, il est facile de dire que quelque chose n'allait pas; mais à l'époque, c'était le seul moyen envisageable, et pas seulement pour le Canada, mais pour l'ensemble du processus. Témoignant devant le comité des Affaires étrangères de l'autre Chambre, le ministre des Affaires étrangères a affirmé et je cite:
[...] nous devons composer avec la réalité du monde dans lequel nous vivons. Dans le cas présent, si nous avions une tolérance zéro, nous n'obtiendrions probablement aucun résultat. Je pense que ce que nous avons, c'est la certitude que le Canada ne fera pas usage de ces armes, n'en achètera pas et qu'il éliminera son stock. C'est une belle réussite; que 110 autres pays s'engagent aussi à faire de même constitue une réussite encore plus grande. Il est à espérer que chaque année, nous réussirons à ajouter un ou deux pays, ou plus, et qu'un jour, il ne sera plus nécessaire pour quelque pays que ce soit de vouloir posséder et encore moins utiliser ce genre d'armes.
Le compromis auquel permet d'arriver l'article 21 figure à l'article 11 de la loi interdisant les armes à sous-munitions. Puisque la convention prévoit le recours au droit pénal, il faut s'assurer que les membres des Forces canadiennes et les civils qui participent à des opérations de coopération militaire permises par la convention ne soient pas exposés à une responsabilité au criminel pour des activités légales qu'ils mènent au service de leur pays. Ce sont des dispenses de ces interdictions qui leur offriront la protection voulue. Notre gouvernement l'a dit clairement, il ne compromettra pas la capacité de nos soldats de faire leur travail ou d'accomplir la mission qu'on leur confie dans l'intérêt du pays.
Soyons clairs: les mesures prévues à l'article 11 n'autorisent pas des activités particulières, mais excluent celles qui pourraient être des infractions criminelles en vertu du projet de loi S-10. Si ces exclusions n'étaient pas prévues dans la loi, une large gamme d'activités de coopération militaire que nous menons fréquemment avec nos alliés les plus proches, en particulier les États-Unis, pourraient être assujetties à une responsabilité criminelle. En fait, les États-Unis n'ont pas l'intention d'adhérer à la convention dans un avenir proche et, à ce que je sache, je ne m'attends pas à ce qu'ils le fassent. Il ne serait évidemment pas juste d'exposer les membres des Forces armées canadiennes à une responsabilité pour accomplir leur devoir au service de leur pays lorsqu'ils coopèrent à des opérations que mènent des États qui ne sont pas parties à la convention.
Pour vous donner un exemple concret remontant à quelques années seulement, si les soldats des Forces canadiennes avaient été coincés dans un échange de feu en Afghanistan, ils auraient dû faire appel au soutien aérien des États-Unis d'Amérique, leurs alliés militaires, qui auraient alors pu recourir à des armes à sous-munitions. Il n'est pas juste que les fantassins canadiens puissent être accusés de délits en vertu du code pénal parce que leurs alliés utilisent ces armes. Il ne faut pas uniquement voir cela dans un contexte de traités, mais essayer de comprendre les répercussions que cela pourrait avoir sur les hommes et les femmes sur le terrain, pour les combattants canadiens qui risquent leur vie tous les jours où ils sortent du périmètre.
Je signale que les exemptions prévues à l'article 11 se limitent soigneusement aux activités prévues par la convention elle-même et qui sont nécessaires pour assurer l'efficacité des opérations et de la collaboration militaires. Elles s'appliquent uniquement aux personnes engagées dans des activités reliées aux opérations de collaboration militaire auxquelles participe le gouvernement du Canada. Elles ne soustraient aucunement les membres des Forces armées canadiennes à l'application d'autres obligations légales applicables, y compris celles découlant du droit humanitaire international existant. La mesure créera des crimes spécifiques relativement à l'utilisation d'armes à sous-munitions, ainsi que des exceptions correspondantes. Toutefois, aucun autre acte criminel existant n'est visé par la mesure. Ce qui est un crime aujourd'hui le sera toujours quand le projet de loi S-10 sera en vigueur.
Les membres des Forces canadiennes seront entièrement assujettis aux interdictions relatives à l'utilisation des armes à sous-munitions, comme n'importe quels autres Canadiens, à moins qu'ils participent à une opération de collaboration militaire autorisée avec un État qui n'est pas partie à cette convention. Lorsque les soldats des Forces canadiennes participent à de telles opérations de collaboration, il leur est toujours interdit de recourir à des armes à sous-munitions si le choix du type d'armes à utiliser relève de leur contrôle exclusif. C'est uniquement lorsque ce choix relève partiellement ou entièrement de l'autre pays que les militaires des Forces canadiennes ne seront pas réputés avoir commis un acte criminel.
J'ai participé à ce processus dès le départ, en tant que Canadien et en tant que parlementaire. J'ai exercé des pressions sans relâche et j'ai travaillé d'arrache-pied pour m'assurer que non seulement la population canadienne, mais aussi le gouvernement du Canada, comprenne l'importance de ce processus. Et je suis très heureux de voir les efforts déployés par le gouvernement pour faire adopter rapidement cette mesure à la Chambre des communes. Nous serons en mesure d'affirmer encore une fois que le Canada a pris l'initiative. Le Canada a de nouveau affirmé son autorité morale en prenant la défense non seulement des nations, mais aussi des populations qui sont moins privilégiées et qui ont besoin de notre appui, de notre force et de nos convictions. En tant que pays, il faut continuer à montrer l'exemple dans le dossier des mines terrestres et des armes à sous-munitions.