Monsieur le Président, il est de ces jours où il fait bon se lever à la Chambre, et aujourd'hui, c'est une de ces journées. Il est rare qu'on sente flotter ce souffle de fébrilité qui nous laisse croire qu'on est tout près d'un large consensus, qui nous permettra enfin d'aller de l'avant sur une mesure qui aurait dû être réglée depuis des lustres. Mieux vaut tard que jamais!
J'ai donc le plaisir de prendre la parole à propos d'un projet de loi qui relève du gros bon sens.
En effet, dans un Canada qui reconnaît deux langues officielles, il est à se demander pourquoi nous sommes encore en train de discuter d'un tel projet de loi.
Cependant, devant la possibilité de plus en plus importante de voir de très nombreux députés du parti ministériel et des autres partis de l'opposition se ranger derrière cette proposition, afin de permettre son adoption, je parlerai davantage de ce qui nous réunit que de ce qui nous divise.
Je me permets de saluer au passage mon collègue de Acadie—Bathurst qui, bien avant mon arrivée en cette enceinte, se battait déjà depuis des années pour que la Chambre traite équitablement les francophones et les anglophones de ce pays.
J'offre également un merci bien senti à ma collègue de Louis-Saint-Laurent qui, par son projet de loi, vient renforcer les droits des francophones de toutes les provinces et de tous les territoires, car il faut bien le dire, la mise en place de ce projet de loi renforcera davantage les communautés francophones.
Au fait, que dit ce projet de loi? Puisque l'essentiel tient en quelques lignes à peine, je me permets d'en faire la lecture pour le bénéfice de tous ceux et celles qui suivent nos échanges, par l'intermédiaire de CPAC, par exemple.
Voici le titre abrégé de ce projet de loi: Loi sur les compétences linguistiques. Cela m'apparaît déjà on ne peut plus clair.
On y écrit tout simplement ceci:
2. La compréhension du français et de l’anglais sans l’aide d’un interprète ainsi que la capacité de s’exprimer clairement dans les deux langues officielles sont des conditions préalables à la nomination d’une personne à l’un ou l’autre des postes suivants [...]
Je ferai grâce à la Chambre de la liste des postes des agents du Parlement qui devraient détenir ces compétences, puisque de nombreux orateurs en ont déjà dressé la liste.
Une fois que l'on a affirmé qu'il existe deux langues officielles au Canada, la suite des choses devrait en découler tout naturellement.
Premièrement, on ne saurait offrir un service différent aux citoyens qui appartiennent à l'une ou l'autre des communautés linguistiques, puisque la Constitution protège en quelque sorte ce droit.
Deuxièmement, les personnes nommées avec l'approbation par résolution du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux Chambres doivent avoir la capacité de communiquer avec les parlementaires dans les deux langues officielles.
Troisièmement, le français et l'anglais doivent jouir d'un statut égal quant à leur usage dans les institutions du Parlement.
D'ailleurs, cette égalité dans l'usage vient donner tout son sens à cet autre élément contenu dans le libellé original où l'on dit que cette compétence linguistique doit être préalable à la nomination d'une personne à l'un des postes d'agent du Parlement. Il me semble aisé de comprendre qu'un unilingue, quel qu'il soit, anglophone ou francophone, même rempli des meilleures intentions du monde, ne saurait offrir un service équitable dans les deux langues avant d'avoir fait l'apprentissage de la deuxième langue, apprentissage qui se compte souvent en années.
À l'évidence, il y a une incohérence flagrante dans ces cas entre le service offert à une communauté linguistique par rapport à l'autre. Historiquement, je le disais plus tôt, la communauté francophone a écopé plus souvent qu'à son tour de cette distorsion du principe d'égalité ou d'équité entre les deux langues officielles.
Si je semble parler de principes depuis le début de mon allocution, les préjudices dans la vie quotidienne peuvent quant à eux prendre des proportions importantes.
Ainsi, que dire du service que recevrait un citoyen canadien qui s'adresserait, par exemple, au commissaire à l'information, au commissaire à la protection de la vie privée, au directeur des élections ou au vérificateur général, si ce dernier ne maîtrise que la langue que le citoyen ne maîtrise pas.
On imagine assez rapidement le dialogue de sourds qui s'engage, malgré la bonne volonté des deux interlocuteurs. Donner ce simple exemple, c'est démontrer toute la nécessité de voter en faveur du projet de loi C-419 que propose ma collègue.
Les yeux de tous les francophones du pays sont tournés vers les parlementaires de tous les partis afin qu'une fois pour toutes, on règle ce problème et qu'on ne se cache pas derrière des faux-fuyants ou des demi-mesures.
Le commissaire aux langues officielles, heureusement bilingue, dans son rapport d'enquête préliminaire faisant suite à la plainte déposée par mon collègue d'Acadie—Bathurst, concluait que le Bureau du Conseil privé avait failli à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles lors de la nomination de M. Ferguson au poste de vérificateur général.
Je l'ai déjà dit, cette loi est capitale pour toutes les communautés francophones du pays. Je ne peux cependant pas passer outre le fait que le projet de loi C-419 sur le bilinguisme des agents de la Chambre, additionné à ce qu'aurait pu être le projet de loi C-315 sur la reconnaissance des droits linguistiques des travailleurs québécois oeuvrant dans une entreprise de compétence fédérale, sans oublier le projet de loi sur la reconnaissance du poids politique du Québec au sein de la fédération, constituerait chaque fois une reconnaissance concrète de cette nation québécoise que l'on a bien voulu reconnaître au sein du Canada, sans y inscrire les droits qui découlent d'une telle reconnaissance.
L'unanimité de la Chambre est une chose rare, j'en conviens, mais je demande aux quelques députés qui ne seraient pas encore convaincus du bien-fondé de ce projet de loi de tenter de vivre, d'ici le jour du vote, ne serait-ce qu'une semaine, voire au minimum une journée, dans les souliers d'un Canadien vivant en situation linguistique minoritaire. S'ils n'ont pas la chance d'être bilingues, qu'ils demandent qu'on leur réponde dans la langue officielle qu'ils ne maîtrisent pas. Ils découvriront rapidement les fondements qui ont prévalu à la rédaction de ce projet de loi.
Le but n'est pas de faire de tous les Canadiens des gens bilingues, bien que ce rêve puisse être beau et que ce bagage soit sans contredit un avantage dans le monde international dans lequel nous vivons présentement. Le projet a plutôt pour but de ne laisser personne derrière à cause d'un problème de communication lié à la méconnaissance de l'une des deux langues officielles par un agent du Parlement. Il en va des exigences ou des compétences liées au poste.
Ainsi, j'insiste: qu'on ne nous serve plus jamais le fait qu'on est incapable de trouver, sur 34 millions de Canadiens répartis à la grandeur du territoire, un Canadien ou une Canadienne qui soit à la fois bilingue et qualifiée pour la fonction que l'on cherche à combler. D'ailleurs, le bilinguisme fait partie intégrante des qualificatifs ou des compétences que cette personne devrait avoir.
Notre langue est bien plus qu'un instrument de travail, c'est aussi une question identitaire. Si le Canada a fait le choix de reconnaître deux langues officielles pour des raisons historiquement fort défendables, il doit aujourd'hui assurer la cohérence de ses décisions et se donner les moyens de ses ambitions.
Le NPD a toujours été un fervent défenseur des langues officielles dans la sphère publique et ce projet de loi en est un exemple probant. Nous nous battrons sans relâche pour que chaque Canadien et chaque Canadienne puisse recevoir des services et interagir avec les agents du Parlement dans la langue officielle de leur choix. Bientôt, nous aurons la chance d'envoyer un message clair à tous nos concitoyens en votant en faveur du projet de loi C-419.
J'implore les parlementaires de tous les partis à la Chambre, ne ratons pas ce rendez-vous historique. Je terminerai en remerciant chacun de mes collègues de la Chambre qui ont déjà, en leur âme et conscience, choisi d'appuyer ce projet de loi. Je proposerais bien humblement à ceux qui auraient encore une hésitation d'aller faire un petit tour du côté du Comité permanent des langues officielles. Ils y trouveront à coup sûr matière à nourrir leur réflexion et des partenaires qui ne demandent pas mieux que d'échanger avec eux sur la pertinence de cette mesure.