Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec ma collègue de LaSalle—Émard.
Je suis ravi de prendre la parole au sujet du projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers.
Quand je regarde ce projet de loi, compte tenu du bilan actuel du gouvernement, j'ai envie de présenter un projet de loi complémentaire intitulé « loi modifiant la loi sur la corruption d'agents publics canadiens ». On pourrait s'attaquer à une foule de problèmes.
Si l'on se penchait sur la corruption au Canada, on pourrait tenter de régler le problème de versements de grosses sommes d'argent, 90 000 $ par exemple, à des sénateurs par des responsables du Cabinet du premier ministre pour selon toute vraisemblance couvrir des activités illégales. On pourrait faire enquête sur les sénateurs canadiens qui réclament frauduleusement des allocations de logement et le remboursement de frais de subsistance. On pourrait examiner des cas comme celui d'Arthur Porter, un autre conservateur anciennement nommé par le premier ministre au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité du SCRS, qui, apparemment, s'est approprié des millions de dollars en fonds publics à Montréal et qui s'est enfui en Amérique du Sud. On pourrait enquêter sur des candidats conservateurs tels que Peter Penashue, qui a excédé la limite des dépenses électorales et qui a carrément acheté son siège en trichant. On pourrait faire enquête sur les appels automatisés pour lesquels on a utilisé la base de données des conservateurs afin de commettre une fraude électorale, et sur les efforts déployés par le Parti conservateur pour camoufler l'affaire et faire échec à toute tentative visant à faire la lumière sur ce qui s'est passé.
Grâce au gouvernement conservateur, ce ne sont pas les exemples de corruption qui manquent au pays. J'ai hâte au jour où le gouvernement présentera une mesure législative qui s'attaquera à la corruption et veillera aux intérêts des Canadiens en faisant enfin le ménage au Parlement. Malheureusement, il n'est pas question d'une telle mesure aujourd'hui. En effet, nous traitons des agents publics étrangers.
Le NPD, un parti qui défend l'éthique et la transparence sur la scène politique canadienne, est fier d'appuyer le renvoi de cette mesure législative au comité.
Ce projet de loi apporte quatre modifications importantes à la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Premièrement, il augmente la peine maximale d'emprisonnement prévue pour l'infraction de corruption d'agents publics étrangers en la faisant passer de 5 à 14 ans. Deuxièmement, il élimine l'exception relative aux paiements de facilitation — quel euphémisme —, qui sont versés aux agents publics étrangers pour faciliter l'exécution de leurs fonctions. Le gouvernement appelle cela un paiement de facilitation, mais moi, j'appelle cela un pot-de-vin. Troisièmement, le projet de loi crée une nouvelle infraction liée à la falsification ou à la dissimulation des livres comptables dans le but de corrompre un agent public étranger ou de dissimuler cette corruption. Quatrièmement, il établit une compétence fondée sur la nationalité qui s'appliquerait à l'ensemble des infractions prévues par la loi, ce qui permettrait de poursuivre les ressortissants canadiens qui commettent des infractions à l'étranger.
Je le répète, les néo-démocrates appuient depuis longtemps des règles claires exigeant que les particuliers et les entreprises du Canada qui font des affaires à l'étranger fassent preuve de transparence et rendent compte de leurs activités. Malheureusement, les conservateurs s'opposaient en général à l'adoption de telles règles. Ce projet de loi vient appuyer les efforts législatifs déployés par les députés néo-démocrates en vue de favoriser des pratiques de gestion responsables, durables et transparentes.
Au Canada, les lacunes dans l'application des lois contre la corruption sont une source d'embarras pour le pays. Nous sommes heureux que le gouvernement se penche enfin sur ces problèmes, mais il est déplorable que cela ait pris autant de temps et que le Canada ait dû être dénoncé et discrédité pour que le gouvernement agisse.
Les Canadiens veulent que les entreprises canadiennes soient florissantes et représentent leur pays dignement. Nous voulons qu'elles se conforment à des normes claires et cohérentes en matière de commerce international. L'application d'une réglementation libre de toute échappatoire leur permettrait de lutter à armes égales tout en protégeant, pour notre plus grande fierté, l'environnement ainsi que les droits du travail et de la personne.
Dans un rapport publié en 2011, Transparency International classe le Canada bon dernier parmi les membres du G7 au chapitre de la corruption à l'étranger, un problème dû à l'absence totale ou quasi totale d'efforts visant à faire respecter les rares lois en la matière. C'est une honte pour notre pays, même si le gouvernement a réagi depuis. Pourtant, il n'y a eu que trois condamnations en la matière depuis 1999, dont deux au cours des deux dernières années. J'aimerais que le gouvernement adopte la ligne dure par rapport à la corruption. Or, avec trois condamnations seulement depuis 1999, on est loin du compte.
En éliminant l'exception relative aux paiements de facilitation, le projet de loi permettrait au Canada d'harmoniser ses pratiques à celles de 36 des 39 autres membres de l'OCDE. Cependant, alors que les autres dispositions entreraient en vigueur au moment de la sanction royale, l'application des règles relatives aux paiements de facilitation serait reportée à une date ultérieure inconnue, selon le bon vouloir du Cabinet.
Le règlement sur les livres et les registres est déjà mis en application aux États-Unis, au niveau civil, par la commission américaine des valeurs mobilières. Le Canada ne dispose toutefois pas d'un organisme de réglementation équivalent. Même si le droit pénal permet d'atteindre les mêmes objectifs, nous devrions accroître nos efforts à cet égard.
Ce projet de loi est particulièrement pertinent dans le cas de l'industrie extractive. À la Chambre, c'est le NPD qui a toujours le plus insisté pour que ce secteur rende des comptes, et il continuera de le faire. Par exemple, mentionnons le projet de loi C-323, de mon collègue de Burnaby—New Westminster, qui aurait permis que des non-Canadiens intentent des poursuites devant des tribunaux canadiens pour manquements à des obligations internationales. En outre, mon collègue d'Ottawa-Centre avait présenté le projet de loi C-486, qui exigeait que les sociétés utilisant des minéraux provenant de la région des Grands Lacs africains fassent preuve de diligence raisonnable à l'égard de la population.
Je souligne que le projet de loi sur l'extraction minière a été rejeté par le gouvernement conservateur et que 13 libéraux ne s'étaient pas présentés pour le vote. Ce projet de loi avait donc été rejeté par seulement six voix. Je le répète: à la Chambre des communes, les Canadiens ne peuvent compter que sur les néo-démocrates pour obliger les sociétés minières canadiennes à se conformer à des normes internationales en matière de responsabilité sociale des entreprises.
L'élite politique qui profite de la corruption, particulièrement dans les pays et les secteurs où la corruption pose le plus problème, est principalement composée d'hommes. Parallèlement, ce sont surtout les femmes qui manquent de protection gouvernementale.
Nous appuyons le renvoi du projet de loi au comité, mais nous éprouvons certaines inquiétudes. Le projet de loi modifierait la définition du mot « affaires » afin d'inclure les organisations à but non lucratif. Les néo-démocrates croient que le comité devrait étudier soigneusement les répercussions de cette disposition sur les organismes de bienfaisance et d'aide. Dans le monde où nous vivons, ces organismes doivent parfois faire des paiements afin de fournir de l'aide essentielle et d'en accélérer la prestation. Nous devons donc être très prudents à cet égard.
Le comité devrait aussi étudier les conséquences de la création d'un acte criminel, passible d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans, car il s'agit du seuil où il devient impossible de faire l'objet d'une absolution conditionnelle ou inconditionnelle ou d'une peine avec sursis.
Enfin, le comité devrait se demander si la mise en application de la règle concernant les paiements de facilitation devrait être laissée à la discrétion du Cabinet, comme le prévoit actuellement le projet de loi, ou si elle devrait plutôt être ordonnée par le Parlement.
Voici des faits et des chiffres à prendre en considération.
Comme je l'ai dit, il y a eu trois condamnations depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, en 1999: le groupe Hydro Kleen a été condamné à une amende de 25 000 $ en 2005 pour avoir offert un pot-de-vin à un agent des douanes américaines à l'aéroport de Calgary; la société Niko Resources s'est vu imposer une amende de 9,5 millions de dollars en juin 2011 pour avoir, par l'intermédiaire de sa filiale au Bangladesh, mis un véhicule à la disposition de l'ancien ministre d'État à l’Énergie et aux Ressources minérales du Bangladesh et lui avoir payé ses frais de déplacement; l'entreprise Griffiths Energy International a reçu une amende de 10 millions de dollars en janvier après avoir accepté de verser 2 millions de dollars à la femme de l'ambassadeur du Tchad au Canada et lui avoir permis, ainsi qu'à deux autres personnes, d'acheter des actions à un prix réduit en échange d'un appui à un projet d'exploitation pétrolière et gazière au Tchad.
Nous consultons tous les journaux et nous avons vu que SNC-Lavalin s'est mis dans une situation difficile pour avoir présumément versé des pots-de-vin à des agents étrangers en vue d'obtenir des contrats d'une valeur de plusieurs millions de dollars.
Selon l'Indice de corruption des pays exportateurs, en 2011, l'industrie pétrolière et gazière et l'industrie minière se situaient au quatrième et au cinquième rang des secteurs les plus enclins à se livrer à la corruption. Ce classement devrait préoccuper les Canadiens, car le Canada est l'un des centres mondiaux de ces industries. Dans tous les secteurs où elles interviennent, ces entreprises devraient vouloir établir des règles très claires et rigoureuses sur le comportement des sociétés. En outre, l'industrie minière et l'industrie pétrolière et gazière sont les deuxième et troisième plus portées à se livrer à de la grande corruption auprès de politiciens et de hauts fonctionnaires. C'est pourquoi le projet de loi S-14 revêt une telle importance pour ces secteurs.
Le fait que le gouvernement n'applique pas les lois contre la corruption est une véritable honte nationale. Nous sommes heureux que le gouvernement se penche enfin sur ces problèmes. Il est toutefois déplorable que cela ait pris autant de temps, et que le Canada ait dû être dénoncé et discrédité pour que le gouvernement agisse.
Pour les affaires, pour l'environnement et la main-d'oeuvre et pour la réputation du Canada à l'étranger, nous demandons instamment que le projet de loi franchisse toutes les étapes au Parlement et j'exhorte les conservateurs à y apporter les amendements nécessaires pour qu'il obtienne l'appui de tous les partis à la Chambre.