Je vous remercie.
Je m'appelle Elsii Faria. Je suis consultante en marketing et en communications pour diverses organisations, y compris le Centre d'aide aux chômeurs de la région de Durham et l'organisme 1COMMUNITY1.
J'arrive aussi au terme de mon mandat d'agente de liaison communautaire au Welcome Centre Immigrant Services d'Ajax et de Pickering, en Ontario.
Les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes. Je ne défends les vues d'aucune organisation à laquelle je suis affiliée ou avec laquelle j'ai des relations d'affaires ou autre. Je défends les droits de la personne et les droits de la femme. En tant que professionnelle du marketing, je participe à des travaux avec des organisations, des entreprises ou des particuliers, dans le cadre de projets pouvant avoir des incidences positives sur les communautés locales, nationales ou mondiales.
Je suis très honorée de comparaître comme témoin au sujet du projet de loi S-7, de concert avec tant de personnes importantes et de membres respectés de différents groupes.
Je suis au courant de certains des arguments avancés en faveur et contre les modifications de cinq lois fédérales proposées dans le projet de loi S-7. Pour ce qui est de prédire l'effet des modifications sur les victimes et les survivantes de la violence fondée sur l'honneur et des mariages précoces et forcés, mon point de vue se limite au résultat de ma recherche parce que je ne travaille pas avec de nouveaux venus en première ligne. Mon avis sur le projet de loi et son efficacité se base sur ma propre expérience et mes propres antécédents de recherche de solutions destinées à atteindre des objectifs particuliers.
Au cours de la conférence de presse où il a annoncé le projet de loi S-7, le ministre Alexander a parlé à plusieurs reprises de l'intention et des objectifs de cette mesure législative: ils consistent à veiller à ce que les femmes et les filles immigrantes soient protégées, ne soient pas soumises à l'isolement, ne soient pas privées de leurs droits et soient soustraites à la violence à leur arrivée au Canada, et à assurer la protection, le bien-être physique et l'épanouissement des femmes et des filles dans le pays afin de leur permettre de réaliser leur potentiel et d'éliminer l'obstacle que représente la violence.
Je crois que le succès du projet de loi S-7 est directement lié au respect de l'intention du projet de loi grâce à la mise en oeuvre d'une approche globale, intégrée et holistique. Pour atteindre les objectifs du projet de loi, les modifications apportées aux lois fédérales ne devraient constituer qu'un élément d'une stratégie globale. De plus, il est nécessaire de prévoir des appuis et des services polyvalents. Les solutions au niveau de la base devraient comprendre des initiatives d'éducation, de sensibilisation et de formation à l'intention des victimes, des agresseurs, des fournisseurs de services et des citoyens du Canada et du monde. Je crois qu'un dépôt central d'information, comprenant du matériel promotionnel et de formation, faciliterait la diffusion de l'information à l'échelle nationale avec différents degrés d'accès pour les intervenants d'urgence, les enseignants, la police, les membres du public, etc. Le dépôt pourrait servir à recueillir des données statistiques qui constituent, à mon avis, un élément critique pour mesurer l'efficacité et déterminer les ressources nécessaires pour respecter l'intention du projet de loi.
Le recours à un modèle de collaboration avec rétroaction et coopération des intervenants est essentiel. Il faudrait consulter des experts du domaine pour veiller à ce que les mesures législatives proposées et d'autres initiatives n'augmentent pas les obstacles pour les femmes victimes de violence. Le soutien général de la communauté peut aussi contribuer à la réalisation des objectifs du projet de loi.
À la conférence de presse où il a annoncé le dépôt du projet de loi S-7, le ministre Alexander a déclaré ce qui suit:
[La] réaction à ces questions doit consister en un effort collectif non seulement du gouvernement, non seulement des organismes d'aide à l'établissement, mais de nous tous qui participons à l'accueil des nouveaux venus dans le pays et aux communications avec les membres de leur famille.
L'année dernière, je crois que le Canada a atteint un tournant décisif en tenant une discussion ouverte sur la violence faite aux femmes. Il est maintenant temps de conjuguer nos efforts, à titre de communauté, pour prévenir la violence contre les femmes et y sensibiliser les gens, particulièrement dans les milieux de l'immigration.
La façon dont le projet de loi S-7 a été conçu a eu des effets directs sur l'acceptation des modifications proposées par le public et les intervenants. Le titre, Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, attire bien sûr l'attention sur le sujet, mais il a des connotations négatives qui, à mon avis, nous détournent des importants objectifs du projet de loi et les ternissent.
Les définitions liées à l'adjectif « barbare » semblent suggérer qu'une autre civilisation ou une autre communauté est jugée inférieure, sauvage ou grossière. Le mot perpétue des craintes et oppose une culture à une autre en favorisant des relations basées sur le conflit et la division plutôt que sur la coexistence pacifique et la collaboration. Au Canada, le mot « barbare » rappelle une période de colonialisme qui a eu des effets durables et qui a nui au bien-être et à l'épanouissement des peuples autochtones. Nous savons maintenant qu'entre 1980 et 2012, plus de 1 100 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées. Cela aussi pourrait être classé dans les pratiques culturelles barbares alimentées par le racisme contre les femmes autochtones du Canada.
Je crois que le titre du projet de loi nous détourne de la vraie discussion et des mesures que nous devons prendre pour réaliser les objectifs du projet de loi. Nous pourrions peut-être envisager de substituer « pratiques culturelles violentes » à « pratiques culturelles barbares », ce qui donnerait le titre: Loi sur la tolérance zéro à l'égard des pratiques culturelles violentes.
Quant aux modifications proposées, j'estime que si la polygamie est illégale au Canada, elle ne devrait pas y être pratiquée. Toutefois, lorsqu'on prend conscience du fait que la polygamie existe bel et bien au Canada, les conséquences des modifications proposées de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés devraient être prises en considération. Quels effets auront-elles sur les victimes de violence qui vivent actuellement dans des relations polygames? Pour des motifs de parrainage ou des facteurs économiques, les victimes n'ont pas vraiment beaucoup de choix s'il s'agit de rompre ces relations. De plus, on a noté que les polygames qui cherchent à immigrer au Canada pourraient bien abandonner leurs femmes et leurs enfants à l'étranger pour le faire.
Pour ce qui est des amendements proposés de la Loi sur le mariage civil, je les crois nécessaires et compatibles avec les objectifs, tout en convenant avec Me Aiken que l'âge minimum du mariage devrait être porté à 18 ans.
Quant aux modifications du Code criminel, je crois que ceux qui participent à des cérémonies de mariage précoce ou forcé ou y contribuent devraient en supporter les conséquences. Toutefois, des peines d'emprisonnement infligées à de multiples participants pourraient faire courir des risques à leurs enfants et ne pas être très efficaces dans une perspective de réadaptation. Des séances de conseils et de sensibilisation à la violence fondée sur l'honneur et au mariage précoce et forcé ainsi que des services psychologiques pourraient servir à informer les responsables et peut-être même à les réadapter.
Je suis en faveur des modifications relatives à la défense de provocation, mais je comprends les arguments avancés au sujet du recours à cette défense par des femmes victimes de violence. J'estime par ailleurs que le processus de l'engagement à ne pas troubler l'ordre public peut faire courir aux victimes des risques de violence plus graves aussitôt que le responsable est averti de la tenue d'une audience au tribunal.
Je suis heureuse qu'un dialogue soit engagé. Je crois que la seule façon de respecter l'intention du projet de loi consiste à adopter des stratégies efficaces et respectueuses de collaboration et des initiatives d'éducation et de sensibilisation.
Je vous remercie.