Merci, monsieur le président.
Qui, au sein du cabinet du ministre de la Sécurité publique, de Sécurité publique Canada ou de la GRC, a donné et reçu des instructions et des ordres pour détruire les documents en question entre le 2 mai 2012, jour où l'ancien ministre de la Sécurité publique a assuré que les dossiers seraient conservés, et le 25 octobre 2012, date à laquelle la destruction des documents gouvernementaux a commencé? Il est clair, monsieur le président, que la loi a ici été violée.
La deuxième question est la suivante: le bureau du commissaire de la GRC savait-il que l'ancien ministre de la Sécurité publique avait assuré, dans une lettre adressée à la commissaire à l'information, « que la GRC respectera le droit d’accès décrit à l’article 4 de la Loi et ses obligations en la matière »? S'il le savait, pourquoi alors les documents ont-ils été détruits?
Il faudrait en outre se demander s'il y a eu une brèche dans le « pare-feu » — car je pense vraiment que c'est ainsi qu'on pourrait l'appeler — qui sépare l'ingérence politique et les activités quotidiennes de la GRC.
La commissaire à l'information a, dans une lettre adressée le 13 mai 2015 aux présidents des deux chambres du Parlement, fait la déclaration suivante, que je voudrais voir figurer au compte rendu du comité. Elle exprime ses préoccupations directement dans le passage suivant de cette lettre:
Le 13 avril 2012, j’ai écrit au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de l’époque, l’honorable Vic Toews, pour l’informer que tout document sujet à une demande d’accès en vertu de la Loi est assujetti au droit d’accès et ne peut être détruit avant qu’une réponse n’ait été donnée en vertu de la Loi et que toute enquête y afférant et procédure judiciaire ne soient complétées. Dans sa réponse du 2 mai 2012, le ministre Toews assure que la GRC respectera le droit d’accès décrit à l’article 4 de la Loi. ... J’ai également conclu que la GRC avait détruit des documents répondant à la demande avec la connaissance que ces documents étaient sujets au droit d’accès garanti par le paragraphe 4(1) de la Loi. Conséquemment, le 26 mars 2015, j’ai également soumis l’affaire au procureur général du Canada pour l’obstruction possible au droit d’accès aux termes de l’article 67.1 de la Loi. Je n’ai pas reçu de réponse à cette lettre de renvoi. Afin de préserver les droits du plaignant, je déposerai selon l’article 42 de la Loi une demande à la Cour fédérale dans le cadre de cette affaire.
Elle conclut ainsi:
Les modifications proposées dans le projet de loi C-59 auront pour effet de répudier le droit d’accès du plaignant, de répudier ses recours devant les tribunaux et de dégager la responsabilité potentielle de la Couronne. Le projet de loi C-59 établit un précédent dangereux contre le droit quasi constitutionnel des Canadiens à l’information.
Dans le rapport lui-même, la commissaire à l'information indique ce qui suit, concluant son propos en précisant les mesures que le commissariat a prises:
L’information et la preuve obtenues durant l’enquête par la Commissaire à l’information l’a amené à conclure que la GRC a détruit des dossiers visés par la demande en sachant qu’ils étaient assujettis au droit d’accès conféré par le paragraphe 4(1) de la Loi. Tout particulièrement, l’information factuelle suivante porte sur les éléments de l’infraction décrite à l’alinéa 67.1(1)a)...
Je ne prendrai pas le temps de tout lire, mais pour économiser du temps, monsieur le président, je pense que la GRC a simplement détruit ces dossiers en sachant qu'ils étaient visés par une demande d'accès à l'information et une enquête en cours. Elle les a détruits malgré une lettre datée du 13 avril 2012 que la commissaire à l'information a fait parvenir au ministre de la Sécurité publique, lettre dont le commissaire de la GRC a reçu une copie, où elle indique clairement que ces dossiers sont assujettis au droit à l'accès garanti par la Loi d'accès à l'information et ne peuvent être détruits jusqu'à ce qu'une réponse ait été fournie au plaignant et que l'enquête et les procédures judiciaires sur cette affaire aient été menées à bien.
Compte tenu des renseignements que le Commissariat à l'information a recueilli dans le cadre de cette enquête, la commissaire à l'information est d'avis qu'une infraction en vertu de l'article 67 de la loi a peut-être été commise. Comme je l'ai souligné précédemment, elle a renvoyé l'affaire à l'honorable Peter MacKay, procureur général du Canada.
Monsieur le président, le gouvernement ou les organismes d'exécution de la loi ne peuvent choisir les lois qu'ils veulent appliquer. La loi est la loi, comme le savent les membres de ce comité.
Je conclurai, monsieur le président, en ajoutant la citation suivante tirée du témoignage que Mme Legault a livré devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique le 25 mai. En répondant à une question qu'on lui a posée pour savoir si l'application rétroactive des dispositions de la loi d'exécution du budget pourrait servir à rendre rétroactivement légal le pot-de-vin allégué de 90 000 $ qu'aurait reçu Mike Duffy, elle a tenu les propos suivants:
Je pense que cette application rétroactive et la suspension de l'application de la Loi sur l'accès à l'information de façon rétroactive établissent un précédent dangereux. Selon moi, cette pratique pourrait être utilisée dans tout autre dossier, bien entendu.
Il y a deux problèmes ici, dont un auquel notre comité ne peut s'attaquer. Un de ces problèmes est la loi d'exécution du budget, car elle rend légal ce qui était à l'époque illégal et fait disparaître tout le problème en modifiant rétroactivement une loi. À titre de comité de la sécurité publique, je pense qu'il est important pour nous que la commissaire à l'information, une agente du Parlement, a allégué que la GRC, notre force de police nationale, a violé la loi.
Y aurait-il de l'influence politique? Je pense que c'est possible. J'espère toutefois que ce n'est pas le cas, car il est censé y avoir un pare-feu entre les activités quotidiennes du cabinet du ministre de la Sécurité publique et la GRC.
Cependant, monsieur le président, nous ne pouvons le découvrir qu'en invitant Suzanne Legault, commissaire à l'information; Bob Paulson, commissaire de la GRC; et M. Blaney, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à comparaître devant le comité pour expliquer ce qu'il s'est passé. Ce sont eux qui savent ce qu'il en est, et c'est entre eux que les échanges ont eu lieu, si échanges il y a eu.
Quoi qu'il en soit, nous savons que les renseignements ont été détruits. Il s'agirait d'une violation alléguée de la loi, et je pense qu'il est de la responsabilité du comité de la sécurité publique d'entendre ces trois personnes pour connaître les faits.
Je propose donc la motion.
Merci beaucoup.