Je vous remercie tous les deux. Vos interventions étaient excellentes. Il est difficile de prendre la parole après deux orateurs aussi éloquents, mais je commence tout de même en vous remerciant tous. Je connais le travail que vous faites, le leadership dont vous faites preuve et les rôles que vous assumez. En tant que mère canadienne, je vous suis reconnaissante de manifester cet intérêt avec autant d’énergie. J’ai eu la chance de voyager et de travailler de plus près avec vous. Je sais combien vous travaillez fort et je l’apprécie grandement.
J’ai le bonheur de pouvoir, à ce point de ma carrière, coordonner les efforts du Réseau canadien sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Ce réseau est un partenariat entre plus de 80 organismes canadiens qui se consacrent à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Mes collègues à la table font partie du réseau. Nous parlons donc d’une même voix à bien des égards. Nos organismes sont actifs dans plus de 1 000 régions du monde où ils s’emploient à améliorer la vie des femmes, de leurs nouveau-nés et de leurs enfants. Le réseau a été créé officiellement en 2012, peu de temps après le lancement de l’Initiative de Muskoka.
Nous visons trois objectifs clés.
Le premier est la mesure des résultats. Nous savons que nous pouvons mieux rendre compte des résultats. Nous nous employons avec nos partenaires à mesurer le mieux possible notre impact et nos réussites et à mieux suivre nos investissements. Ainsi nous savons si nous faisons le meilleur travail possible avec nos ressources limitées.
Notre deuxième objectif clé est le partage des connaissances. Nous nous concentrons sur la mesure des résultats. Nous cherchons à savoir quel serait le meilleur moyen de nous attaquer aux causes. Nous recueillons cette information et la communiquons les uns aux autres. Il n'y a personne, dans le réseau, qui ne sache pas que tout programme doit comprendre la distribution de capsules de vitamine A. Je ne suis pas certaine que c’était le cas il y a cinq ou dix ans.
Notre troisième objectif est d’amener des intervenants à participer. Nous savons que nous n’arriverons pas seuls à nos fins. Nous savons que, par l’intermédiaire du réseau, la collaboration accrue entre les secteurs s’est avérée très efficace. Nous cherchons donc à amener plus de Canadiens à se joindre à nos efforts. En outre, nos experts profitent de toutes les occasions pour conseiller et informer le gouvernement du Canada au sujet des investissements.
À cet égard, j’en profite pour dire que le Canada a bien fait les choses, en 2010, quand il a accordé la priorité à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Étant donné les énormes progrès que nous avons maintenant accomplis et tout le travail qu’il reste à faire, nous savons qu’il est impérieux pour les femmes et les enfants du monde que ces démarches se poursuivent. Nous savons que l’amélioration de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants — et Joel l’a tellement bien expliqué — est la base de la croissance économique, de la stabilité politique et de la sécurité humaine, et que c'est un élément critique de la protection des enfants.
Je sais que vous avez entendu bon nombre de nos partenaires lors de séances antérieures du comité permanent. Je pense que l’un des principaux messages qu’ils vous ont communiqués, c'est qu’il n’y a pas de formule magique pour assurer la protection des enfants. Il faudra employer une approche multisectorielle à plusieurs volets. Je ne parle ici que d’un seul élément de cette approche, la santé. Bien qu’il s’agisse d’un élément critique, je sais que ce n’est qu’une des composantes des nombreux systèmes et structures qui peuvent donner aux enfants la possibilité de survivre et de s’épanouir. Je pense que vous avez reçu Peter Singer il y a quelques semaines. Peter accorde beaucoup d’importance à la notion d’épanouissement. Il ne suffit pas que les enfants survivent après la naissance et leurs cinq premières années de vie. Les enfants doivent s’épanouir. Je pense que c'est là-dessus que nous nous concentrons tous. Nous commençons à constater des progrès. Les taux de mortalité diminuent partout dans le monde. Le temps est maintenant venu de nous concentrer davantage sur la nécessité que ces enfants s’épanouissent.
Les efforts pour améliorer la santé mondiale ont abouti aux réalisations les plus importantes en matière de développement. Le Canada a joué un rôle tellement important dans la conception et le soutien des initiatives mondiales marquantes, qu’on pense au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme; à Gavi, l’Alliance du vaccin, qui assure la vaccination de millions d’enfants chaque année; à l’Initiative pour les micronutriments, autre magnifique exemple; enfin bien sûr à l’Initiative de Muskoka. Lancée après le sommet du G8 de 2010, l’Initiative de Muskoka a permis d’importantes améliorations dans la santé des femmes, des nouveau-nés et des enfants, notamment — et je pense que cela s’enchaîne bien avec ce dont Joel vient de parler — en mobilisant la communauté internationale et en galvanisant la volonté d’engagement.
Par exemple, le Canada a agi en chef de file pour galvaniser le soutien à la Stratégie mondiale du secrétaire général des Nations Unies pour la santé de la femme et de l'enfant, que nous appelons simplement la stratégie mondiale. Un rapport récent sur cette stratégie soulignait qu’il s’agissait du partenariat en santé publique qui connaissait la plus forte croissance dans l’histoire, et qu’elle a permis de sauver la vie de 2,4 millions de femmes et d’enfants depuis 2010.
Je m’arrête un instant. Je suis statisticienne de formation. Je sais que ces chiffres énormes ne signifient pas grand-chose pour nous. Je vous invite donc à penser à un enfant que vous aimez, qui occupe une place particulière dans votre vie. Pensez maintenant que, depuis 2010, on a sauvé la vie de 2,4 millions d’enfants qui sont aimés de la même façon. C'est phénoménal. C'est une réussite à célébrer. Cela signifie que nous savons quoi faire, que nous n’avons plus qu’à nous mettre à la tâche pour faire le travail qu’il reste à accomplir.
Nous voici en 2015. Le monde est sur le point de réaliser des progrès durables en matière de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. À cette fin, le leadership du Canada doit servir à susciter des engagements politiques et financiers pour donner suite à notre annonce de 3,5 milliards de dollars faite en mai 2014.
Le nouveau ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement donne au Canada une opportunité unique de mettre à profit notre politique étrangère et nos outils commerciaux pour mieux réaliser notre programme de développement. Le réseau multisectoriel du Canada nous place mieux que quiconque pour faire des progrès sur le terrain. Nous travaillons avec des chercheurs, des universités, des ONG et des associations de professionnels de la santé du Canada, et avec des médecins, des sages-femmes, des infirmières et des chirurgiens qui sont déjà dans les régions visées.
Ensemble, le gouvernement du Canada et les 80 organismes du réseau favoriseront une plus grande rigueur et un engagement plus ferme en vue de la réalisation de nos aspirations communes à l’intention des mères et des enfants dans le monde.
Grâce à un leadership mondial accru, la communauté internationale peut donner du pouvoir aux femmes et favoriser une plus grande résilience en renforçant les systèmes de soins de santé, en luttant contre les maladies infectieuses, en favorisant des pratiques sexuelles saines et en améliorant la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Nous devons nous assurer que les objectifs du millénaire relatifs à la santé, qui ne sont pas complètement atteints, ne se perdent pas dans la transition vers les objectifs de développement durable que nous annoncerons au cours de l’année.
Nous proposons que le Canada prenne les engagements suivants — et je dois dire que le Canada a déjà ces engagements à coeur. Il faut réaffirmer les objectifs que nous poursuivons déjà. Nous devons renouveler nos engagements, et inciter le reste du monde à faire de même, dans le cadre de Muskoka et de la Stratégie mondiale pour la santé de la mère et de l'enfant. Pensons par exemple à Une promesse renouvelée, le plan d’action pour tous les nouveau-nés, ou à Planification familiale 2020. Faisons en sorte que ces engagements soient respectés.
Nous devons appuyer la nouvelle Stratégie mondiale pour la santé de la mère et de l'enfant, qui doit être amorcée en septembre 2015. Nous l’appelons la stratégie mondiale 2.0. Lors des négociations sur la stratégie après 2015, nous devons soutenir l’objectif ambitieux, mais réalisable, de mettre fin aux décès évitables d’ici 2030. Nous devons aussi accepter de nous attaquer aux inégalités en nous concentrant sur les groupes qui tirent le plus de l’arrière. Je pense que Caroline a abordé cet aspect de façon intéressante.
Nous devons fournir des ressources financières et non financières pour assurer la réalisation du cadre après 2015 et soutenir les pays dans leurs efforts pour consacrer des ressources intérieures à des services publics universels, notamment avec le nouveau Mécanisme de financement mondial qui appuiera l’initiative Chaque femme, chaque enfant. Cette initiative sera lancée à la Conférence sur le financement du développement qui doit se tenir à Addis-Abeba en juillet 2015.
Nous devons prendre un engagement ambitieux en ce qui a trait aux dépenses d’aide humanitaire à l’appui d’une mobilisation accrue des ressources intérieures et aligner l’aide publique au développement pour la santé et les droits des femmes et des enfants, y compris dans le cadre du Mécanisme de financement mondial.
Je veux parler de l’obligation de rendre des comptes. Nous devons maintenir le rôle de premier plan du Canada en matière de reddition de comptes. Nous devons élargir et renforcer notre leadership établi à l’échelle mondiale en réclamant des cadres de reddition de comptes simplifiés et harmonisés concernant la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. De meilleurs mécanismes de base dans les communautés et un effort accru pour produire des statistiques désagrégées fiables sont nécessaires pour améliorer la prestation des services de santé.
Il est si ennuyeux de tenir un registre de l'état civil. Il est difficile d’amener les gens à s’y intéresser. C'est pourtant essentiel parce que, quand on sait qu’un enfant est né, quand il est inscrit au registre, cet enfant compte. Il est compté. Nous pouvons ainsi savoir quels services sont offerts, comment ils sont offerts, et suivre le développement des enfants. C'est essentiel pour que les enfants soient protégés. Les statistiques rendent compte de tout le travail que nous essayons de faire.
Le dernier point que je veux faire valoir, c'est que — et je le dis humblement parce que je me compte chanceuse d’avoir cette possibilité — je vois combien nous pouvons être efficaces quand nous travaillons ensemble au lieu de le faire chacun pour soi, les universités d’un côté, les ONG de l’autre. J’insiste sur le fait que nous réunissons des organismes de tous les secteurs ayant des expertises différentes pour faciliter la collaboration, surtout dans les pays où différentes organisations se côtoient alors qu’elles devraient vraiment travailler ensemble, et le Canada en est un exemple. Pour avoir plus de succès, nous devons absolument collaborer.
Nous devons capitaliser sur les partenariats entre gouvernements, groupes de la société civile, communautés locales, professionnels de la santé, universités ou établissements de recherche, organisations multilatérales, fonds mondiaux existants et fondations. Les médias sont déterminants, ainsi que la participation du secteur privé, si l’on veut parvenir à nos fins.
Pour créer des changements et favoriser un développement durables, il est essentiel de répondre aux besoins des femmes et des enfants et de tenir compte de leurs droits. Au cours des cinq dernières années, la Stratégie mondiale pour la santé de la mère et de l'enfant, ainsi que l'Initiative de Muskoka, lancée au Canada, ont montré, grâce au travail acharné d’un bon nombre d’entre vous, que des interventions coordonnées et bien planifiées peuvent donner des résultats et sauver des vies. Nous devons maintenant nous concentrer sur l’objectif d’assurer l’épanouissement de ces enfants et de ces femmes.
En 2015, il est temps de nous appuyer sur nos réussites, de renouveler nos engagements et de soutenir de solides stratégies qui mettront fin aux décès évitables de mères, de nouveau-nés et d'enfants. Nous devons nous assurer que ces femmes et ces enfants survivent, et améliorer la santé globale des populations.
Merci.