Merci de m’accueillir.
Je m’appelle Jason Pantarotto. Je suis chef du programme de radio-oncologie à l’Université d’Ottawa et à l’Hôpital d’Ottawa. Je suis ici à titre d’expert du traitement du cancer du poumon au moyen de la radiation. Je travaille aussi au sein du réseau provincial Action Cancer Ontario, dont je peux vous parler en ma qualité de responsable régional de la radio-thérapie de l’Est ontarien au RLISS de Champlain, réseau local d’intégration des services de santé de 1,3 million de personnes. De plus, je participe à un effort important à l’Hôpital d’Ottawa pour régler la question des temps d’attente des personnes souffrant d’un cancer du poumon. Je vais vous parler de certains défis auxquels nous sommes confrontés.
Cet après-midi, j’ai pensé limiter mes commentaires aux quatre composantes de la résolution adoptée par le comité.
Pour ce qui est des principales causes de cancer du poumon à part le tabagisme, je pense que les intervenants d’aujourd’hui en ont mentionné un bon nombre, mais je veux formuler d'autres commentaires et répondre aussi à certaines des questions qui ont été soulevées au cours de la dernière heure.
Il y a divers agents, tant artificiels que naturels, qui peuvent causer le cancer du poumon. Nombre des agents industriels employés au cours des 100 dernières années peuvent être inhalés mais, honnêtement, il est difficile d’évaluer le risque de chacun. Il a été clairement prouvé au cours des dernières décennies que des agents comme l’amiante, le carburant diesel, la poussière de silice et l’arsenic, qu’ils soient inhalés ou ingérés, peuvent causer le cancer du poumon en particulier, mais il y a une période latente de nombreuses années entre l’exposition à ces agents et le développement du cancer du poumon en tant que tel.
Les résultats montrent souvent que les effets de ces agents agissent en synergie avec ceux du tabagisme. En conséquence, à exposition égale, les taux de cancer du poumon sont plus élevés chez les fumeurs que les non-fumeurs. Compte tenu de la prévalence du tabagisme au cours des 60 ou 70 dernières années — le nombre de fumeurs était très important —, il est vraiment très difficile de déterminer l’incidence réelle de nombreuses toxines industrielles.
Pour ce qui concerne le radon, qui n’est, bien entendu, pas un agent industriel mais, comme nous l’avons entendu aujourd’hui, une substance naturelle qui se forme dans la croûte terrestre en raison de la dégradation naturelle de l’uranium, je crois personnellement que Santé Canada offre de la documentation très pertinente sur son site Web. Cependant, je constate avec mes patients, et même avec mes collègues, mes amis et mes voisins, que les tests de dépistage du radon ne sont vraiment pas une priorité pour la population en général.
En fait, vous pouvez vous poser la question suivante: combien d’entre vous avez fait des tests de dépistage du radon dans vos propres maisons? Dans la négative, pourquoi pas? Je soupçonne que nous avons un certain nombre de bonnes réponses. Je crois que les coûts sont l’un des obstacles, et s’il est difficile de convaincre les gens de mettre 4 $ de piles dans un détecteur de fumée, alors comment arriver à les convaincre de faire un dépistage, qu’il coûte 99 $ ou 30 $, en plus de toutes les choses qu’il leur faudra peut-être faire chez eux? S’il y a un effet synergique entre le radon et le tabagisme, alors pour ceux qui fument davantage — il s'agit habituellement des personnes ayant un statut socioéconomique ou un niveau d’instruction moindre —, il est encore plus difficile d’avoir accès à un test de dépistage du radon et de prendre ensuite des mesures correctives.
Passons aux enjeux de la collecte de fonds. Les gens ne sont pas sensibilisés à la prévalence et à la gravité du cancer du poumon, même parmi les professionnels de la santé. Avec peu de survivants et, donc, peu de défenseurs de la cause pour promouvoir les programmes de recherche, nous n’avons pas vraiment été capables de faire des collectes de fonds aussi importantes que pour les autres types de cancer. Encore une fois, le tabagisme est plus fréquent chez les groupes que je viens de mentionner — ceux qui ont un statut socioéconomique réduit — qui, historiquement, n’ont pas été en mesure de bien faire valoir leurs droits, pour des raisons évidentes.
En ce qui touche la recherche relative aux causes du cancer du poumon chez les hommes et les femmes, je pense que le tabagisme arrive, de loin, en tête de liste. Je vois beaucoup de recherche sur le traitement du cancer du poumon, dont nous avons entendu parler brièvement aujourd’hui, et aussi sur la prévention et le dépistage efficace.
Je pense que le dépistage est primordial, mais qu'il est nécessaire d’avoir un programme de dépistage efficace. En Ontario et dans diverses autres administrations au Canada, nous avons mis en place des tests de dépistage du cancer du sein, du cancer du col de l’utérus et du cancer colorectal, mais si on prend les données les plus récentes pour l’Ontario, 62 % des femmes y étant admissibles ont fait des tests de dépistage du cancer du col de l’utérus entre 2011 et 2013. Pendant la même période, 59 % des femmes admissibles ont passé un test de dépistage, et, pour le cancer colorectal, le pourcentage était bien moindre, aux alentours de 30 %, malgré le fait que ce type de cancer soit le deuxième plus meurtrier, si vous voulez, au Canada, derrière le cancer du poumon. Toutes ces données sont tirées du Cancer System Quality Index, publié par le Conseil de la qualité des soins oncologiques de l’Ontario.
En terminant, les pratiques exemplaires émergentes pour le dépistage étaient le dernier point dans la résolution. Je pense que nous avons entendu beaucoup de bons renseignements aujourd’hui concernant le fait que l’on dispose de preuves solides de l’efficacité des dépistages par tomodensitomètre à faible dose dans les populations à haut risque. Je pense que lorsque l’on a un programme de dépistage, il y a plein d’éléments que l’on doit traiter en profondeur. Il faut accréditer chaque installation et le personnel qui y travaille, gérer les bases de données, prévoir un système de rappel pour les nodules suspects, car vous allez trouver toutes sortes de choses une fois que vous aurez commencé à regarder, mettre en place des cliniques de surveillance et, bien sûr, donner l’accès à des biopsies pulmonaires en temps opportun. L’intégration est cruciale.
À Ottawa et dans la région ottavienne, dont la population est relativement aisée et instruite, selon les données de 2011, pour le 90e percentile, il fallait attendre 117 jours après un dépistage par tomodensitomètre anormal pour obtenir des traitements contre le cancer du poumon. C’est le cas à Ottawa et dans le reste du pays pour diverses raisons. Lorsque l’on prend certaines de ces autres populations, elles ont plus de mal à passer un test de dépistage une fois que pareil système a été mis en place et encore plus de mal à obtenir une biopsie. Le temps d'attente est encore plus long.
Je veux simplement terminer ce que je disais en ce qui concerne les segments de la population qui relèvent de la compétence fédérale: les Autochtones, les militaires, les détenus et la GRC. On constate que dans certains sous-groupes de la population autochtone, le tabagisme est très répandu. Pour la population du Nunavut, et ces données sont tirées des études du professeur Kue Young à l’Université de l’Alberta, les populations autochtones qui vivent autour du Cercle polaire dans divers pays ont des taux plus élevés de cancer du poumon que quiconque dans le monde. La population autochtone au Canada semblait aussi avoir des taux encore plus élevés que les autres.
De façon similaire, dans des revues éminentes comme Cancer, on a publié des preuves selon lesquelles les taux de cancer du poumon étaient plus élevés chez les anciens combattants de l’armée américaine et de l’armée australienne — mais rien pour le Canada — et que s’ils se retrouvent avec le cancer du poumon, il est plus probable qu’ils en meurent. Je ne serais pas surpris que nous voyions des résultats semblables si des études étaient menées auprès des anciens combattants canadiens — ou qu’elles aient été menées et que je l’ignore. Je ne serais pas surpris que nous constations exactement la même chose.
Je vais m’arrêter là, car je crois que mon temps est écoulé.