Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie.
Avant de commencer, je voudrais tout d’abord vous remercier de votre soutien indéfectible à l’égard des vétérans et de leur famille. Les annonces faites récemment par le ministre des Anciens Combattants réduisent les écarts concernant certains aspects de la Nouvelle Charte des anciens combattants que vous avez soulignés dans votre rapport de juin 2014 intitulé « La Nouvelle Charte des anciens combattants: Allons de l’avant ».
Les changements annoncés ne comprennent pas tout ce dont les anciens combattants ont besoin, mais il s'agit du début d'un processus de renouvellement auquel votre leadership a contribué. À titre d'ombudsman des vétérans, je vous remercie et j'espère que ces progrès se poursuivront.
J’ai lu tous les témoignages entendus à ce jour dans le cadre de vos audiences sur la transition de nos militaires, hommes et femmes, vers la vie civile, et je constate que la plupart de ceux-ci sont centrés sur les programmes et services individuels. Bien que cela soit important, je crois qu’il est tout aussi important pour vous d’examiner la transition d’un point de vue holistique, centré sur le vétéran et stratégique.
La complexité et la confusion du processus de transition, l'accessibilité aux programmes et services et les conditions d'admissibilité sont évidentes dans le témoignage. Sans une bonne compréhension du processus de transition ainsi que des enjeux et exigences reliés à celui-ci, il est quasi impossible de formuler des recommandations appropriées visant à l’améliorer. C’est pourquoi mon bureau s’est joint au Bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes pour cerner les obstacles que rencontrent les militaires, hommes et femmes, lorsqu’ils sont libérés pour des raisons médicales et proposer des solutions.
À mon avis, un enjeu clé à la transition qui a été négligé par presque tout le monde est l'impact de la culture et de la philosophie militaire. Dès le premier jour où un jeune homme ou une jeune femme joint les Forces armées canadiennes, tout est centré sur la mission, et on s’intéresse à presque tous les détails de sa vie pour qu’il ou elle puisse accomplir la mission qui lui est confiée.
Nos militaires sont connus pour leur attitude positive, pour accomplir l’impossible et protéger les personnes faibles et vulnérables. Le processus de transition doit aussi être centré sur la mission et les Forces armées canadiennes doivent fournir un soutien continu aux membres tout au long du processus de transition. La libération de nos militaires sera ainsi une expérience positive, centrée sur l’individu, ce qui lui donnera espoir.
Notre examen systémique conjoint a commencé au début de 2014 en raison de la nécessité bien documentée de veiller à ce que le processus de transition se fasse le plus facilement possible. L'objectif de cet effort conjoint est de trouver et de recommander des moyens de simplifier les processus et les services de soutien pour les militaires qui font la transition vers la vie civile avec leur famille.
Pendant la phase initiale de notre examen, nous avons schématisé le processus de transition et l’expérience d’un militaire de la Force régulière libéré pour des raisons médicales à partir du moment où une catégorie médicale permanente est recommandée jusqu’à ce qu’il soit suivi par Anciens Combattants Canada. Dans le cadre de ces travaux, plus de 50 recommandations et réponses formulées dans les rapports récents de la Chambre des communes, du Sénat et du Vérificateur général ont été examinées.
Dans le cadre de l’examen effectué jusqu’à maintenant, notre équipe a cerné cinq enjeux qui créés des obstacles en ce qui a trait à une transition réussie: la gouvernance, la prestation de services centrée sur le programme, la sécurité financière, le soutien familial et les communications.
Pour ce qui est de la gouvernance, il n’y a pas de cadre de responsabilisation intégré pour les FAC et ACC définissant clairement les rôles et les responsabilités pour le processus de transition. Deux ministères appuient la transition, et chacun agit selon son propre cadre de responsabilisation. Cette façon de faire entraîne un chevauchement des efforts, des lacunes et un manque d’uniformité entre les groupes et les régions géographiques. Il n’y a pas de système de surveillance ou de suivi unique et central pour tous les membres des FAC libérés pour des raisons médicales. Il n’existe pas non plus de normes intégrées de prestation de services pour les FAC et ACC permettant d’évaluer l’efficacité de la transition, ni de critères pour évaluer le processus de transition.
En ce qui concerne la prestation des services centrée sur le programme, les programmes et les services offerts aux militaires libérés pour des raisons médicales doivent être centrés sur les vétérans. Actuellement, ils ne le sont pas. Voici certains des domaines de préoccupation particuliers. Il y a au sein des FAC et d’ACC au moins 15 organisations clés, et chacune possède ses propres processus opérationnels et offre souvent des services de transition en silos.
Actuellement, les gestionnaires de cas des FAC et d’ACC travaillent indépendamment, sans aucune coordination ou supervision officielle. Les contraintes sur le plan des ressources, notamment le nombre restreint de gestionnaires de cas disponibles dans les FAC et à ACC, causent des retards pour les entrevues et un manque d’uniformité des normes de service dans l’ensemble du pays. Actuellement, environ 10 % de tous les militaires libérés pour des raisons médicales sont considérés comme des cas complexes et reçoivent un plan de transition intégré.
Tous les militaires libérés pour des raisons médicales devraient avoir l’opportunité de planifier et de coordonner leur transition.
Il y a deux programmes de réadaptation professionnelle principaux, le Régime d’assurance-revenu militaire ou RARM et le Programme de réadaptation d’ACC. Il y a des critères d’admissibilité, des exigences d’évaluation et des avantages différents pour chacun de ces deux programmes. Un examen par un tiers est nécessaire pour prendre une décision éclairée avant de procéder à des changements.
ACC doit participer plus tôt au processus de transition afin de s’assurer que les avantages et les services sont en place au moment de la libération. Actuellement, la première participation d’ACC à ce processus est au moment de l’entrevue de transition qui a lieu après la réception de l’avis de libération, de façon générale dans les six mois précédant la libération, ce qui est trop tard.
Les services offerts par l’Unité interarmées de soutien du personnel et les Centres intégrés de soutien du personnel ne sont pas uniformes dans l’ensemble du pays, et les partenaires ne sont pas toujours colocalisés afin d’offrir des services de soutien à « guichet unique » axés sur le client. Il est important de souligner que seuls les militaires des FAC libérés pour des raisons médicales qui ont des limitations médicales à l’emploi graves sont affectés à l’UISP.
Le consentement de la personne constitue un obstacle à une transition réussie, car chaque fournisseur de service doit obtenir le consentement de la personne pour partager les renseignements. Sans ce consentement, le fournisseur de service ne peut pas partager l’information ni engager une discussion approfondie sur les besoins en matière de transition.
Pour ce qui est de la sécurité financière, dans le cadre de l’Étude sur la vie après le service militaire de 2013, on a constaté que le revenu après la libération des personnes libérées pour des raisons médicales avait diminué de 20 %. Cette constatation fait valoir l’importance de s’assurer que les avantages et les services sont en place au moment de la libération afin d’atténuer le stress financier pour les membres vulnérables des FAC et leur famille. Le délai actuel de 16 semaines pour recevoir le premier versement de la pension des Forces canadiennes est problématique, car beaucoup de militaires ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour subsister pendant cette période d’attente.
Parlons du soutien familial. Il n'est pas facile pour les conjoints et les enfants d'obtenir des services et d'accéder aux programmes. Si le conjoint ou la conjointe travaille à l'extérieur ou a des responsabilités en ce qui concerne le soin et la garde des enfants, ils ne seront peut-être pas disponibles pendant les heures de travail habituelles pour participer aux entrevues liées au plan de transition intégré.
Au chapitre des communications, comme d’autres personnes qui ont comparu devant vous l’ont également souligné, le volume d’information qu’un militaire reçoit pendant la transition est actuellement trop abondant et peut empirer une situation qui est déjà stressante et qui entraîne de la confusion pour un militaire blessé qui ne quitte peut-être pas les FAC de plein gré.
Actuellement, il n’y a pas de point de contact unique ni de « navigateur » direct pour guider, faciliter et surveiller l’élaboration et la mise en oeuvre du plan de transition. Certains membres des FAC ne connaissent pas l’existence des CISP et des services offerts alors que d’autres hésitent encore à demander des services au CISP. Malheureusement, comme la participation au programme de SPSC n’est pas obligatoire et que les séminaires du programme sont présentés tard pendant le processus de libération, les militaires ne sont peut-être pas préparés pour leur transition.
Pour conclure, une transition réussie pour un militaire, homme ou femme, libéré pour des raisons médicales est essentielle à son autonomie financière, à sa qualité de vie personnelle et familiale et à une meilleure santé.
L’objectif de notre projet conjoint est de s’appuyer sur la culture et la philosophie militaire axée sur la mission et de veiller à ce que, grâce à des communications claires et une approche de transition intégrée, les services et les avantages soient prêts au moment de la libération.
J’espère que notre produit final sera aussi utile pour vous et la communauté des vétérans que l’a été mon rapport de 2013 sur la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je crois qu’avec des efforts bien ciblés, du leadership et une vision, nous pouvons préparer une expérience de transition de calibre international et permettre aux militaires libérés pour des raisons médicales, ainsi qu’à leur famille, de réintégrer plus facilement la vie civile. Ils ont beaucoup à offrir aux employeurs canadiens tant sur le plan de leurs compétences, de leur expérience, de leur esprit de leadership et de leurs qualités personnelles, tout ceci acquis pendant qu’ils servaient leur pays. Investir dans la réussite de leur transition est non seulement bon pour les vétérans et leur famille, c’est également bon pour les affaires et pour la prospérité économique du Canada.
Merci beaucoup, monsieur le président.