Monsieur le Président, le Bloc québécois serait favorable à une intervention si elle mettait la mission humanitaire au premier plan et si elle répondait aux causes qui ont fait naître cette crise et la barbarie perpétrée par le groupe armé autoproclamé État islamique.
Cependant, la motion que tentent de faire adopter les conservateurs exige la confiance aveugle de la Chambre. Elle met en avant une solution à prédominance militaire et demeure floue quant à l'objectif de la mission et de son évaluation. Le Bloc québécois reste sur ses positions de toujours et ne donnera pas de chèque en blanc à ce gouvernement.
La présente motion est encore moins bien définie que celle votée il y a six mois à la Chambre. Plutôt que de resserrer et de mieux définir le type d'intervention, la motion ouvre la porte à une plus grande intervention. Pourtant, il y a lieu d'apprendre de nos expériences, de nos succès et de nos erreurs passés. Il y a lieu d'apprendre, par exemple, de l'intervention au Kosovo, du refus du Canada de participer à la guerre en Irak, de l'envoi des troupes en Afghanistan et de l'intervention en Libye. Il faut prendre aussi en considération la complexité de la situation au Moyen-Orient sur le plan des politiques tant intérieures qu'extérieures des pays qui s'y trouvent. Il faut tenir compte des territoires, des pays, des relations entre les peuples qui y vivent et des religions qui y sont pratiquées.
La motion propose la poursuite des interventions en Irak, certes, mais elle propose aussi d'intervenir contre le groupe État islamique et les terroristes alignés sur ce groupe, notamment pour mener des frappes aériennes en Syrie. Je reviendrai un peu plus tard sur la Syrie. Toutefois, ce qu'on entend par « notamment », c'est que cette motion demande que le Canada puisse intervenir contre le groupe État islamique partout, peu importe les territoires, les pays et les situations politiques. On est prêt à intervenir partout. Qui décide? On ne le sait pas.
Pourtant, les Nations unies ont été créées afin de suivre un cadre d'intervention dans les relations internationales. L'action de l'ONU est guidée par sa charte, qui définit les objectifs des Nations unies de la façon suivante: « 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales », ce qui inclut évidemment l'envoi de troupes, si nécessaire; « 2. Développer entre les nations des relations amicales », cela va de soi; « 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire », ce qui signifie résoudre les problèmes par les moyens qu'il faut, et ce, sous l'égide des Nations unies.
Son action se fonde sur un certain nombre de principes fondamentaux, entre autres sur « l'égalité souveraine de tous ses Membres », qui « règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques », si possible, qui « s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force » et qui donnent aux Nations unies « pleine assistance ». Aucune disposition de la Charte des Nations unies n'autorise celle-ci à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale.
Le Bloc québécois souscrit à ces principes, qui sont d'ailleurs le cadre de son analyse concernant les interventions de la communauté internationale en cas de conflit. Une intervention humanitaire doit constituer la base à partir de laquelle le Québec et le Canada répondent à leur devoir de solidarité internationale. C'est uniquement sur cette base que serait justifiée l'utilisation de la force. Le Bloc est contre toute action unilatérale et contre la notion de guerre préventive en l'absence de menace imminente et établie.
La motion proposée par le gouvernement conservateur met en avant une logique unidimensionnelle qui préconise des frappes dans laquelle l'aide humanitaire d'urgence joue un rôle secondaire. Pour le Bloc québécois, à l'instar du secrétaire général de l'ONU, il faut s'attaquer aux causes sous-jacentes qui ont donné naissance à cette crise. À la suite de l'adoption de la résolution 2178, le secrétaire général de l'ONU déclarait que « Les terroristes doivent être mis hors d’état de nuire », et que « cet objectif ne pourrait être atteint qu’en mobilisant la solidarité internationale et en s’attaquant aux causes sous-jacentes de l’essor des groupes radicaux. » Le secrétaire général a souligné en ce sens que « les armes les plus sûres contre cet essor [sont] l’éducation, l’emploi et des dirigeants qui savent écouter leur peuple et respecter l’état de droit. »
Alors que l'on retrouve dans la motion l'ouverture quant à la protection des civils, notamment en fournissant de l'aide humanitaire d'urgence, le ministre de la Défense s'empresse de fermer la porte à ce genre d'aide, en affirmant que le Canada en a assez donné.
Lorsqu'on est prêt à intervenir militairement et qu'on dit dans la même phrase que le Canada a assez donné, malgré les millions de réfugiés syriens, on est loin de l'approche axée sur le multilatéralisme préconisée par l'ONU et le Bloc québécois.
Lorsqu'on est prêt à intervenir dans un pays qui n'en a pas fait la demande, à s'ingérer dans une guerre civile où notre intervention favorisera inévitablement l'un des belligérants, qui devrait déjà faire face à des accusations de crime de guerre, il y a lieu de s'inquiéter.
Brandir le droit octroyé par l'ONU à l'autodéfense pour justifier les bombardements éventuels contre le groupe État islamique en Syrie, c'est une interprétation erronée.
Le Bloc québécois n'a pas changé d'idée et ne donnera pas de chèque en blanc. La motion proposée permettrait au Canada d'intervenir partout. Nous disons non.
Les Nations Unies ont été créées afin de suivre un cadre d'intervention dans les relations internationales. C'est ce que nous défendons et c'est pourquoi nous voterons contre cette motion. Notre position est claire: oui, à une intervention sous l'égide de l'ONU, et seulement sous l'égide de l'ONU.