Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-661, présenté par la députée de Joliette.
Tout d'abord, les conservateurs se sont vantés d'avoir appuyé l'agriculture, mais leur bilan des derniers mois est décevant.
Deux choses qu'ils ont faites sont très décevantes. Premièrement, des députés de ce parti se sont opposés à la gestion de l'offre, l'un des piliers de l'agriculture au Canada. Deuxièmement, ils ont sabré le budget de la gestion des risques de l'entreprise, autrement dit les outils dont les agriculteurs ont besoin les mauvaises années. Ils l'ont réduit de plusieurs centaines de millions de dollars. Il est très décevant de voir le gouvernement conservateur agir de la sorte.
Dans mon intervention au sujet du projet de loi, je fonderai mes observations sur mon expérience personnelle d'agriculteur et l'importance de maintenir les exploitations familiales. Le principal objectif de ce projet de loi est de traiter les frères et les soeurs comme n'importe quel autre membre de la famille en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin de les exempter des mesures antiévitement fiscal. Nous appuyons cet objectif.
Le fait est que, même si les agriculteurs ont la possibilité de donner à leurs enfants ou à leurs petits-enfants une partie de la valeur de leur exploitation agricole sans subir de conséquences fiscales au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, ils doivent tout de même toucher des revenus de placement suffisants pour s'assurer une retraite confortable. En outre, les agriculteurs qui veulent subvenir aux besoins de leurs enfants qui ne participent pas activement aux activités de l'exploitation agricole ont aussi besoin de revenus de placement, et il en va de même pour les familles vivant de la pêche sur la côte Est, sur la côte Ouest et au centre du Canada.
Même si le secteur de l'agriculture au Canada a changé énormément, il n'en demeure pas moins que les entreprises familiales sont toujours au coeur de celui-ci. Le secteur agroalimentaire du Canada compte pour près de 7 % du produit intérieur brut et fournit plus de deux millions d'emplois. Cela représente un emploi sur huit. Bien que le secteur agricole primaire représente une petite partie de l'économie totale, soit environ 2 %, il est au coeur du système agricole et agroalimentaire et a connu une croissance de plus de 1,5 % par année depuis 1997.
Les secteurs de l'agriculture et de la pêche ont énormément changé, et nous devons nous assurer que les lois qui les régissent peuvent évoluer aussi rapidement que ces secteurs. En 1991, on comptait 280 000 exploitations agricoles au Canada. En 2011, ce nombre avait chuté à 206 000. Toutefois, la taille moyenne des exploitations agricoles a beaucoup augmenté: elle est passée de 200 à 800 acres en moyenne. Au cours de la même période, l'âge moyen des exploitants agricoles canadiens a aussi augmenté de façon marquée, passant de 48 à 54 ans. Cela varie d'une région du pays à l'autre, mais il s'agit d'une moyenne.
L'urbanisation, le vieillissement de la population, la mondialisation de l'économie et la consolidation au sein de la chaîne agroalimentaire ont apporté des changements fondamentaux à la structure des exploitations agricoles. Plus précisément, pour développer de nouveaux marchés et pour répondre aux demandes des consommateurs, il faut adapter la structure de production et les pratiques au sein du secteur agricole. Cette adaptation crée de nouveaux débouchés, mais elle pose aussi de nombreux défis à nos jeunes agriculteurs et pêcheurs.
Au cours de la prochaine décennie, beaucoup d'entreprises familiales seront transmises de génération en génération. Compte tenu du contexte économique extrêmement difficile, le projet de loi à l'étude aujourd'hui est crucial, car il facilitera le transfert des exploitations agricoles entre les membres d'une même famille. Entre 1991 et 2011, le nombre d'agriculteurs âgés de moins de 55 ans a chuté de 42 %, passant de 265 000 à 150 000. Comme je l'ai déjà dit, le nombre d'agriculteurs plus âgés a augmenté au cours de cette période.
C'est bien simple: les agriculteurs et les pêcheurs canadiens prennent de l'âge. Il n'en demeure pas moins que bien des jeunes souhaitent exercer ces professions, mais il est très difficile pour eux d'y arriver. Il y a maintenant de moins en moins de jeunes pour assurer la relève des agriculteurs et des pêcheurs qui prennent leur retraite. Cette situation est inquiétante, car les jeunes agriculteurs garantissent l'avenir de l'agriculture et jouent un rôle clé dans le développement économique en milieu rural. De nombreuses autres activités dans les localités rurales dépendent du secteur agricole, dont la pêche, les minoteries, les quincailleries, la transformation de produits, voire le transport. De nombreuses personnes qui prennent la route tous les jours travaillent dans l'ensemble du secteur agroalimentaire.
Le gouvernement fédéral a une obligation importante: améliorer ses politiques et ses programmes afin d'inciter les jeunes agriculteurs à ne pas déserter le métier. En appuyant le projet de loi, nous voulons éviter que la Loi de l'impôt sur le revenu ne décourage les personnes les mieux placées de la famille de reprendre l'entreprise familiale à cause de considérations d'ordre fiscal.
L'exploitation d'une ferme exige de plus en plus de capitaux. Pour gagner en efficacité et offrir des produits bon marché aux consommateurs, les producteurs doivent investir dans les bâtiments, la machinerie et l'équipement agricole. On le sait, une bonne partie des opérations agricoles ne visent pas seulement à maintenir les prix au niveau voulu, mais à assurer la salubrité des aliments produits.
Je me suis rendu dans de très nombreuses exploitations agricoles du pays au cours de la dernière année. C'est épatant de voir l'équipement de pointe qu'on y trouve et de constater que, partout, on y applique les principes de l'analyse des risques et de la maîtrise des points critiques, qu'on accorde beaucoup de soin à la propreté et qu'on suit à la trace tout ce qui se fait sur la ferme. Il faut de l'argent pour faire tout cela.
Les conditions du marché contribuent en outre à accroître la valeur des actifs, comme les terres et les quotas. Il peut s'agir d'un obstacle pour les jeunes agriculteurs, car leurs revenus ne sont pas toujours à l'avenant. Il y a peu de choses qui donnent un rendement aussi faible que l'investissement de capitaux dans une exploitation agricole. Dans bien des cas, les jeunes agriculteurs réussissent à nourrir leur famille grâce à leur ferme, mais le rendement qu'ils en obtiennent est relativement faible.
Certains secteurs agricoles s'en sortent un peu mieux, en particulier ceux qui sont soumis à la gestion de l'offre, que les libéraux ont instaurée il y a de nombreuses années et que nous comptons défendre énergiquement.
Grâce à la politique de gestion de l'offre régissant la production agricole au Canada, des agriculteurs bénéficient d'un environnement où les prix du lait et de la volaille demeurent stables et prévisibles. Les secteurs soumis à la gestion de l'offre génèrent ensemble un chiffre d'affaires de 25 milliards de dollars, des recettes fiscales de 5 milliards de dollars et plus de 300 000 emplois. Ces chiffres concernent uniquement les secteurs soumis à la gestion de l'offre.
Ce système crée des conditions favorables, mais il a comme inconvénient de rendre les transferts intergénérationnels difficiles. De nombreux cas nous sont signalés qui montrent qu'au moment de prendre leur retraite, les agriculteurs n'arrivent pas à trouver un terrain d'entente qui les satisfasse et qui satisfasse aussi ceux qui voudraient prendre la relève.
Je pense que beaucoup de gens considéreraient le métier d'agriculteur comme un choix intéressant et auraient envie de s'y investir s'ils avaient la possibilité d'en tirer un revenu suffisant.
Le meilleur moyen de faire en sorte que les jeunes ne désertent pas le monde agricole est de faire en sorte qu'ils puissent y gagner leur vie. Plus qu'un métier, l'agriculture est un mode de vie, mais les agriculteurs doivent quand même en fin de compte gagner de l'argent. Nous ne nous attendrions jamais à ce que les professionnels de la santé ou d'autres membres de notre société fassent leur travail bénévolement, alors nous ne pouvons pas nous attendre non plus à ce que les gens qui produisent les aliments que nous mangeons le fassent bénévolement. Les jeunes n'investiront pas des millions de dollars sans avoir l'assurance d'en tirer un bon rendement. La gestion de l'offre leur offre cette assurance ainsi que de la stabilité. Comme je l'ai déjà indiqué, la gestion des risques est très importante en affaires.
Je pense que nous convenons tous qu'il semble y avoir un fossé de plus en plus grand entre la population en général et les agriculteurs.
Les jeunes agriculteurs savent aussi parfaitement bien que le monde agricole doit affronter de nombreuses difficultés découlant de la hausse des coûts de production, comme je l'ai déjà dit, ainsi que de la réduction des marges bénéficiaires, des problèmes liés au commerce international et à la mise en marché, et ainsi de suite.
Je félicite les groupes comme la Table pancanadienne de la relève agricole et le Conseil des 4-H du Canada, pour leurs efforts visant à éduquer, dynamiser et outiller la prochaine génération d'agriculteurs et de chefs de file du monde agricole au Canada. Mais ces groupes ont besoin que le gouvernement fédéral leur vienne en aide par la mise en oeuvre d'une politique fédérale complète ciblant les jeunes agriculteurs ou les nouveaux venus dans le monde agricole, afin de leur permettre de réussir.
Cela dit, l'évolution du secteur agricole ne réduit en rien l'importance de pérenniser les petites exploitations. Il y en a une multitude, et le gouvernement doit en faire davantage pour les aider, elles aussi. Après tout, les petites exploitations sont aussi utiles à l'économie que les grandes; elles sont complémentaires.
Je suis tout à fait favorable à la motion. Il s'agirait d'un moyen de plus pour aider les agriculteurs à survivre. Les agriculteurs ne ménagent aucun effort et s'investissent sans compter dans leur ferme, souvent encore à 60 ou à 70 ans. Seule l'adoption de ce projet de loi leur permettra de maximiser leur investissement.
Nous en sommes maintenant aux 30 dernières secondes de ce qui sera vraisemblablement mon dernier discours à la Chambre des communes, et je suis ravi qu'il porte sur l'agriculture, car je suis moi-même un agriculteur du Cap-Breton, où j'exploite une ferme familiale.
Je tiens à remercier mes collègues et à leur souhaiter un bel été et un avenir radieux. Je remercie l'ensemble du personnel de la Chambre des communes, qui fait des pieds et des mains pour nous aider et pour que tout fonctionne bien, mais aussi celui du cabinet de notre whip, qui veille à notre assiduité, sans oublier, bien sûr, les députés qui sont restés ici ce soir pour ce dernier tour de piste.
Merci beaucoup, monsieur le Président, de m'avoir permis de m'exprimer.