Monsieur le président, certains jours, lorsque je me trouve ici, dans cette enceinte, j'ai bel et bien l'impression que cela fait sept ans que j'y siège. Je cesserai bientôt de représenter la circonscription de Guelph après sept ans, et on dirait maintenant que je suis ici seulement depuis quelques jours. Je fais aujourd'hui mes adieux, et cette situation me paraît aussi invraisemblable que mon élection me le paraissait lorsque je suis arrivé ici, à la Chambre.
En effet, je n'avais jamais eu l'intention de poser ma candidature au poste de député fédéral, et j'ai même essayé, sans succès, de trouver quelqu'un pour me remplacer. Lorsqu'on m'a approché, en 2006, j'avais de jeunes enfants, et je n'avais même jamais envisagé de représenter les gens de Guelph ici, à Ottawa. Cela dit, lorsque j'étais très jeune, mon père, Mico, un membre du Club Rotary, m'a inculqué qu'il est très important d'être au service de son prochain et que cela doit passer avant son intérêt personnel. Je ne pouvais donc pas refuser de servir ma collectivité, qui est exceptionnelle.
Partout au Canada, Guelph est reconnue comme étant l'une des villes où les gens sont les mieux renseignés, les plus bienveillants et les plus compatissants. Elle est aussi un chef de file dans le domaine de la recherche et de l'innovation grâce à l'Université de Guelph. On trouve également à Guelph de nombreux établissements de premier ordre qui se consacrent à l'agriculture et à l'agroalimentaire. C'est aussi dans cette ville que le taux de bénévolat est le plus élevé au pays.
Je suis encore animé par la passion et par le désir de représenter les gens de Guelph ici, à Ottawa, et de le faire avec toute l'énergie que mon personnel et moi pouvons leur offrir. Cela dit, lorsque j'ai été élu il y a sept ans, mes enfants étaient jeunes; ils le sont encore aujourd'hui, mais moi, je ne le suis plus. Je dois passer le plus de temps possible avec ma fille, Olivia, et mon fils, Dominic. Il est tout aussi important pour eux et pour moi que je sois là à l'avenir pour les voir évoluer, comme je les ai vus évoluer au début de leur vie. En fait, c'est encore plus important. Je veux être plus présent pour eux à ce moment important de leur vie.
Ce travail va toutefois me manquer. Avant d'occuper mon bureau de circonscription, je pensais savoir ce que c'était d'avoir un sentiment de satisfaction au travail. Or, rien ne peut battre le sentiment de satisfaction que l'on ressent lorsqu'on a une incidence directe sur la vie des gens, que ce soit en aidant quelqu'un à être libre et en sécurité en s'installant de façon permanente au Canada, ou en réunissant le temps d'une visite des membres d'une famille qui ne se seraient peut-être jamais revus autrement. Il s'agit parfois d'organiser la venue d'une personne au pays pour qu'elle aide sa soeur dont le fils est atteint du cancer, ou, lorsque le désir d'une femme mourante est de devenir citoyenne canadienne, de faire en sorte qu'un juge de la citoyenneté supervise la prestation du serment au téléphone, alors qu'elle est entourée de sa famille dans un centre de soins palliatifs.
Les gens se sentent parfois impuissants lorsqu'ils tentent de trouver leur chemin dans les dédales de la bureaucratie qui accompagne les demandes d'assurance-emploi, de pension, de prestations d'invalidité ou d'allégements fiscaux. Il est très important de les guider dans leur cheminement bureaucratique et de régler leur dossier.
J'ai aussi eu l'occasion de faire avancer des discussions importantes et de tenir des assemblées publiques sur d'importantes questions litigieuses — souvent au grand dam de certains membres de mon équipe —, telles que les soins palliatifs, l'aide médicale à mourir, les organismes génétiquement modifiés, la salubrité des aliments, la maltraitance des aînés, l'environnement et la prévention du suicide. J'ai encouragé de nombreux habitants de Guelph à s'engager davantage et à donner leur point de vue sur les questions importantes de l'heure, peu importe leur position.
Être député m'a permis de vivre des choses exceptionnelles. J'ai pu naviguer à bord du NCSM St. John's et séjourner à la Base des Forces canadiennes Détachement Wainwright, en Alberta, où je me suis mêlé aux militaires. J'ai ainsi pu observer de près le travail incroyable qu'ils accomplissent. Je suis allé à Rome avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, puis avec des députés de tous les partis lorsque Mgr Collins, aussi originaire de Guelph, a été élevé à la dignité cardinalice.
Plus récemment, à titre de porte-parole en matière d'anciens combattants, j'ai eu le privilège d'aller à la crête de Vimy, où j'ai écouté des élèves canadiens réciter Au champ d'honneur à quelques pieds seulement de l'endroit où John McCrae l'a composé tant bien que mal au milieu du carnage du cimetière d'Essex Farm. J'ai sillonné les rangées du cimetière, parsemé de coquelicots, en méditant sur le sacrifice héroïque qu'avaient consenti ces soldats courageux qui, face à des difficultés effroyables, ont accepté de payer le prix ultime au service du Canada.
En compagnie du premier ministre, du ministre de la Défense nationale, du ministre des Anciens Combattants et d'une délégation de députés, je suis allé aux Pays-Bas, où j'ai discuté avec des anciens combattants canadiens et des Hollandais qui se trouvaient à Wageningue, il y a 70 ans, lorsque les Forces armées canadiennes ont libéré le pays. À Groesbeek, j'ai participé à un défilé de 3 000 personnes, tenu dans un silence total, qui a terminé son parcours dans un cimetière en bordure de la ville où reposent des milliers de Canadiens.
Mon parti m'a fait l'honneur de me confier la défense des intérêts des agriculteurs et des producteurs en me nommant porte-parole pour l'agriculture et l'agroalimentaire, et ceux du secteur de l'automobile, qui est crucial pour le Sud-Ouest de l'Ontario. J'ai également été nommé coprésident du Comité parlementaire des soins palliatifs et des soins de compassion, un comité non partisan. Plus récemment, mon parti m'a nommé porte-parole pour les dossiers liés aux anciens combattants ainsi que whip adjoint.
J'espère que ma présence à la Chambre a élevé le niveau du débat, tant au chapitre de la passion et de la substance que sur le plan des décibels. Ce fut un honneur d'assister à des votes qui ont soulevé les passions, comme celui sur le régime canadien d'accès aux médicaments — un dossier que l'organisation Canadian Grandmothers for Africa a si bien piloté — ou le vote durant la bataille entourant la Commission canadienne du blé et la gestion de l'offre.
Chaque fonction m'a permis d'élargir mes compétences et mes horizons, mais le dossier des anciens combattants est celui qui a suscité en moi le plus de compassion. Chez les personnes souffrant d'un trouble de stress post-traumatique et leurs soignants, j'ai été témoin d'une misère absolue allant au-delà de toute compréhension, mais qu'il nous faut vaincre par notre capacité et notre volonté de soulager.
Si je peux me permettre un seul appel de nature partisane — et ce ne devrait même pas l'être —, je dirai que nous devons en faire davantage pour nos anciens combattants. Nous avons une obligation sacrée envers eux, en raison des services qu'ils ont rendus et des sacrifices qu'ils ont consentis. Cette obligation est autant morale que légale. Les paroles ne suffisent plus. Il ne suffit plus de dire « N'oublions jamais » le jour du 11 novembre. Non seulement les militaires et leur famille ont besoin de gestes concrets, mais ils les méritent.
Je suis fier de partir en sachant que je vais laisser ma marque, puisque j'ai réussi à faire adopter le projet de loi C-247, qui va faciliter la vie d'un nombre incalculable de Canadiens dont un proche vient de mourir. Ce projet de loi, qui devrait recevoir la sanction royale d'une journée à l'autre, fera de Service Canada l'unique point de contact avec le gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit de déclarer un décès. Nous espérons ainsi que le représentant du défunt n'ait à communiquer qu'une seule fois avec le gouvernement du Canada pour l'aviser du décès et que les autres démarches officielles auprès des instances gouvernementales s'enclenchent automatiquement afin que la succession puisse suivre son cours.
Qu'un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par un député du troisième parti franchisse toutes les étapes législatives, à la Chambre des communes ainsi qu'au Sénat, constitue tout un exploit. Je remercie chaleureusement mes collègues des autres partis d'avoir vu les mérites de ma mesure législative et de l'avoir adoptée à la quasi-unanimité.
Je dois aussi remercier chaleureusement Bryon Wilfert, qui a parrainé la première mouture du projet de loi. Ce fut également un privilège de peaufiner le texte du projet de loi avec la ministre d'État au Développement social, la députée de Portage—Lisgar. Je la remercie de l'avoir fait accepter par le Cabinet et le caucus gouvernemental. Je ne suis pas peu fier de pouvoir donner cette loi en exemple pour montrer que le Parlement agit pour le bien des Canadiens.
J'aimerais terminer sur une suggestion. Il serait vraiment bien que notre travail, et la manière dont il est organisé, soit moins exigeant pour la vie de famille. De très nombreux Canadiens auraient énormément à apporter à la vie publique et parlementaire, mais ils craignent la pression que notre métier exerce sur ceux qui le pratiquent et sur leur famille.
Il y a toujours quelque chose à faire. Impossible de compter sur les fins de semaine ou les soirées pour passer du temps de qualité avec ceux qu'on aime. Mon mariage a été mis à mal par toute cette pression, qui s'est aussi fait sentir sur la famille et les proches, et je suis convaincu de ne pas être le seul dans cette situation.
Nous avons la possibilité d'envisager des nouveautés, et j'encourage la Chambre et les députés qui reviendront après les élections d'octobre à le faire. Je les encourage à envisager l'alternance des semaines de séance de façon à ce que les députés passent chaque mois deux semaines ici et deux semaines dans leur circonscription. Ce serait là une utilisation plus efficace de notre temps et de celui de notre personnel d'Ottawa, et nous serions mieux à même d'établir une routine avec nos proches dont nous ne serions plus séparés pendant de longues périodes. D'autres députés et moi-même avons senti la différence, au printemps dernier, lorsque cet intervalle de deux semaines s'est produit. C'est un problème que l'on doit régler. Si on permettait aux députés d'avoir une vie de famille plus équilibrée, ils seraient en mesure de mieux servir les Canadiens.
Il faudrait aussi envisager le vote à distance. Il est révolu le temps où les communications étaient si difficiles qu'il fallait être tous réunis ici pour se faire entendre. Modernisons nos méthodes et allégeons un peu le fardeau de nos familles.
Enfin, je tiens à remercier mon personnel, sans lequel je n'aurais pu m'acquitter de ma tâche. Brenda, Lianne, Shanice, au bureau de circonscription de Guelph, et Kim, Matt, Kyle, Ari, Liz, Jeff et Dan, qui ont travaillé au bureau d'Ottawa, ont tous fait preuve d'un grand professionnalisme et d'un grand dévouement. Ils étaient en première ligne pour recevoir les doléances des habitants de Guelph, et ils ont travaillé sans relâche pour veiller à ce qu'on y donne suite.
Mon passage ici a été une occasion inouïe, et je fais mes adieux en sachant que je n'avais jamais eu et que je n'aurai probablement jamais plus la possibilité d'occuper une fonction si importante et si valorisante, qui pourtant force l'humilité, que celle de député de Guelph, une ville qui se démarque au Canada par sa beauté et par la générosité et l'empathie de ses habitants. Je serai toujours reconnaissant d'avoir eu ce privilège.