Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi. Je tiens tout d'abord à préciser — car les ministériels ne cessent d'utiliser le contrôle des armes à feu pour se faire du capital politique — que le Parti libéral n'a pas l'intention de ramener le registre des armes à feu et que la résolution des Nations Unies ne constitue pas un moyen détourné de parvenir à cette fin.
Imaginez le tollé que la résolution susciterait aux États-Unis — qui ont ratifié l'entente — si elle ramenait le registre de façon détournée.
Dans un communiqué de presse publié le 30 mars, le parrain de la motion argue que le traité des Nations Unies pour enrayer le commerce illicite des armes à feu devrait être rejeté en raison du prix qu'entraînerait l'obligation d'apposer un timbre marqué « Canada » ou « CA » sur toute arme à feu exportée du Canada.
Dans le communiqué, le député confirme que les armes à feu portent déjà un numéro de série ou d'identification permanent, ce qui signifie que le processus de marquage est déjà en place et que, dans certains cas, il faut apposer un timbre additionnel sur une arme à feu.
Les Canadiens devraient se soucier du fait que, bien que leur pays vote en faveur du Traité sur le commerce des armes, il se montre solidaire de l'Iran, de la Syrie, de la Corée du Nord, de la Russie et de la Chine par son refus de signer, voire ratifier, le traité.
M. Bob Zimmer: Les États-Unis ne l'ont pas ratifié.
L'hon. Wayne Easter: C'est inexact, monsieur le Président: les États-Unis ont déjà signé l'accord.
Puisque les États-Unis ont signé l'entente en 2013, le Canada est maintenant le seul pays de l'OTAN à ne pas l'avoir signé. L'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis l'appuient tous. Le Canada doit se joindre à cette communauté, et en particulier à ses plus importants alliés, dans ses efforts pour tarir le commerce illicite d'armes légères. Faire autrement ne ferait que servir les fins de ceux qui cherchent à miner la sécurité publique et la sécurité nationale.
On dit que le protocole des Nations-Unis sur les armes à feu poursuit l'objectif suivant:
L'objectif du protocole sur les armes à feu — premier instrument juridiquement contraignant sur les armes légères à être adopté à l'échelle mondiale — est de favoriser, faciliter et renforcer les efforts de collaboration entre les États pour prévenir, combattre et éradiquer la fabrication et le trafic illicite d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions.
Pourquoi le Parti conservateur s'oppose-t-il à cela? Nous savons tous qu'une motion présentée par un député d'arrière-ban obtient l'appui du Cabinet du premier ministre avant d'arriver ici. Le gouvernement conservateur ne prétend-il pas être en faveur de la loi et de l'ordre? Le premier ministre n'a-t-il pas souvent parlé ici de son inquiétude relativement au terrorisme et de la nécessité de sévir contre les terroristes? Quelles armes pense-t-il que les terroristes arrivent à se procurer pour tuer des gens, que ce soit ici, en Afrique du Sud, en Syrie ou en Iran?
Cette résolution des Nations Unies tente d'éviter l'utilisation illicite d'arme à feu à des fins illégales dans le monde entier. Le gouvernement prétend être en faveur de la loi et de l'ordre et sévir contre les terroristes. Or, si les conservateurs appuient cette motion, ils feront carrément le contraire à l'échelle mondiale.
Pour mettre en oeuvre le protocole des Nations Unies sur les armes à feu, les parties contractantes doivent adopter trois séries de dispositions dans leur système juridique national. Premièrement, la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions doivent être désignés comme des infractions criminelles. Deuxièmement, il faut créer un système d'autorisation gouvernementale des permis pour garantir la fabrication et la circulation internationale légales des armes à feu. Et enfin, troisièmement, il faut mettre en oeuvre des régimes de marquage et d'enregistrement en vue d'établir une coopération et un suivi des armes à feu efficaces à l'échelle internationale.
Voilà les trois mesures que les États signataires doivent prendre.
Les Nations Unies ont adopté le protocole sur les armes à feu avec la résolution 55/255. Depuis 2011, les États membres des Nations Unies peuvent signer ce protocole. Par conséquent, il s'agit d'un traité juridiquement contraignant pour les États qui le ratifient.
Y aurait-il des conséquences pour les propriétaires d'arme à feu respectueux des lois? Non, il n'y en aurait pas.
Le Canada a signé le protocole sur les armes à feu en 2002, mais il ne l'a pas ratifié. Par conséquent, le Canada n'est pas légalement tenu de l'appliquer, mais il s'est engagé à ne pas nuire à l'atteinte des objectifs du traité, comme le veut l'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Néanmoins, la mise en oeuvre du protocole dans les lois canadiennes s'est faite lentement et n'est toujours pas terminée. Conformément au protocole, un règlement a été adopté par décret en 2004, mais n'a jamais été appliqué. Il prévoit que « Canada » ou « CA » doit être marqué par étampage ou gravure sur la carcasse ou la culasse de toutes les armes à feu fabriquées ou importées au Canada, avec la date d'importation, le cas échéant. L'entrée en vigueur du règlement a été reportée en 2006, 2007, 2009, 2010, 2012, puis en 2013. Elle est maintenant prévue pour le 1er décembre 2015. Diverses raisons expliquent ces reports, dont certaines qui sont tout à fait valables.
En 2010, l'entrée en vigueur a été reportée pour permettre à la Gendarmerie royale du Canada de faire l'essai d'un marquage avec des adhésifs plutôt que par gravure, à la demande des fabricants canadiens d'armes à feu. Je pense que ce report était justifié. Le marquage avec adhésif s'est révélé inadéquat.
En 2013, l'entrée en vigueur a été reportée à cause de la nécessité de consulter les principaux intéressés pour veiller à ce que les règles de marquage puissent être utiles dans les enquêtes policières sans occasionner trop de difficultés aux entreprises et aux particuliers. Les principaux intéressés, dans ce cas, étaient les services de police, l'industrie des armes à feu, les groupes de pression et les responsables du contrôle des armes à feu.
En ce qui a trait aux problèmes auxquels seraient exposés les propriétaires d'arme à feu canadiens, la Coalition pour le contrôle des armes à feu disait ceci dans un mémoire présenté en juillet 2013 au comité des affaires étrangères:
De nombreuses spéculations, et même de l’information trompeuse véhiculée par certains groupes de pression, ont pu faire croire que le TCA limiterait la possession légitime d’armes à feu au Canada. Il n’en est rien — le TCA ne contient absolument aucune disposition qui empêcherait les Canadiens ou les Canadiennes de posséder des armes légitimes ou qui modifierait les obligations des propriétaires d’armes actuels. En fait, grâce aux efforts du Canada, le préambule du traité insiste sur le fait que les États parties demeurent « conscients que le commerce, la possession et l’usage de certaines armes, notamment aux fins d’activités de loisirs, d’ordre culturel, historique ou sportif, sont licites ou légaux, dès lors que ce commerce, cette possession et cet usage sont autorisés ou protégés par la loi. » [...] bien que le TCA s’applique aux importations et aux exportations d’armes et de munitions, le Canada possède déjà des contrôles à l’importation et à l’exportation qui respectent de façon générale les normes du traité. Ainsi, la mise en oeuvre du traité par le Canada ne devrait pas avoir d’effet perceptible sur les propriétaires légitimes d’armes au pays.
Ce préambule se trouve dans le texte adopté le 27 mars 2013 lors de la Conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes.
Depuis ce vote positif, à l'instar de pays comme la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l'Iran et la Syrie, le Canada n'a ni signé, ni ratifié le traité. Voilà d'étranges alliés pour le gouvernement du Canada, qui prétend défendre la loi et l'ordre.
Pour conclure, le Canada reste les bras croisés alors que le Traité sur le commerce des armes des Nations Unies entre en vigueur. Notre réputation au sein des Nations Unies est déjà en lambeaux. Cela accordera plus de légitimité aux terroristes en ce qui a trait à la circulation des armes et nuira encore plus à notre position au sein des Nations Unies.