Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de l'importante motion à l'étude.
J'espère pouvoir aborder quelques points durant mon intervention. J'ai déjà abordé cette question à d'autres occasions, notamment en ce qui concerne le lait, alors que je siégeais à l'Assemblée législative du Manitoba. Je veux parler de ce sujet en particulier cet après-midi. Les députés comprendront et apprécieront la pertinence de mes propos au fur et à mesure que je les développerai.
Par où devrais-je commencer? L'attitude du gouvernement envers le Nord paraît un bon point de départ, étant donné qu'il est question du programme Nutrition Nord. Soulignons que ce programme n'existe pas depuis des décennies, puisqu'il a été instauré quelques années après l'arrivée des conservateurs au pouvoir.
À mon avis, ce n'est pas parce que l'ancien programme ne fonctionnait pas que les conservateurs en ont mis un nouveau en place. Il est normal d'apporter des modifications aux programmes de temps en temps. D'après ce que je comprends, le programme Aliments-poste était assez bien reçu. Était-il parfait? Personne ne soutiendra une telle chose. Il avait du mérite, bien que, comme pour tout programme national, il aurait eu lieu de l'améliorer.
Il y a quelques années, le gouvernement a décidé qu'il voulait envoyer un message empreint de propagande conservatrice, gracieuseté du Cabinet du premier ministre, et laisser une certaine impression chez les gens. Il voulait donner l'impression qu'il voulait améliorer l'accès du Nord aux denrées alimentaires saines à l'aide de subventions gouvernementales, et il a proposé un programme qu'il a appelé Nutrition Nord.
En théorie, ce programme tient la route. Certains diraient même qu'il porte un nom plus vendeur que le programme Aliments-poste, mais cela n'a rien de nouveau pour les conservateurs, qui aiment les séances de photo, les titres de projets de loi tape-à-l'oeil, et cetera.
En l'occurrence, les conservateurs ont changé le nom du programme. Ils lui ont donné une saveur conservatrice au lieu d'y apporter certains changements afin de combler les lacunes de l'ancien programme.
C'est tout comme devoir écouter le député de Yukon prendre la parole pour nous vanter les mérites de notre premier ministre. Après tout, ce dernier a passé plus de temps dans le Nord que tout autre premier ministre. Sans me prononcer sur l'exactitude de cette affirmation, je me contenterai de dire que, chaque fois qu'il vient en visite dans le Nord, le premier ministre s'assure que tout le reste du Canada en est conscient en organisant des séances photo très coûteuses aux frais des contribuables.
Bon nombre de mes collègues diraient que, si une partie de l'argent utilisé pour ces séances de photo était utilisée pour des aliments, nous aurions probablement un meilleur programme. Je me méfie un peu des vraies intentions du gouvernement à l'égard du programme.
Certains députés disent que le programme est plus solide et donnent un ou deux exemples. Le vérificateur général du Canada a souligné que le programme Nutrition Nord subventionne le bacon. Je ne mettrai pas le bacon sur un pied d'égalité avec le lait ou les fruits et légumes frais, mais le gouvernement le subventionne.
Lorsqu'on examine ce que le vérificateur général a réellement dit, plusieurs choses nous viennent à l'esprit.
Le gouvernement a parlé d'économies pour les consommateurs. Il ne fait aucun doute qu'ils font des économies, mais ne nous leurrons pas, ils en faisaient déjà sous l'ancien programme.
Le gouvernement dit qu'il fait les comparaisons chaque année et que l'épicerie coûte de moins en moins cher, année après année. Toutefois, d'après le vérificateur général du Canada, ce n'est pas forcément vrai. Par conséquent, nous remettons en question les chiffres fournis. Encore là, ce ne sont ni les libéraux, ni les néo-démocrates qui les remettent en question, c'est le vérificateur général du Canada, un mandataire véritablement indépendant. Ce dernier remet en question l'affirmation selon laquelle l'épicerie coûte de moins en moins cher, année après année, comme l'affirme le gouvernement. Le vérificateur général dit que ce n'est pas forcément vrai.
Nous parlons de la subvention et de son importance. Je pense qu'aucun député dirait que nous ne devrions pas accorder de subvention. Nous reconnaissons tous l'importance du Nord du Canada. Qu'il s'agisse de l'extrémité nord des provinces, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon ou du Nunavut, ils sont tous très importants pour notre pays, et il est important que toutes les régions de notre pays aient accès à des aliments nutritifs.
Quand on parle de souveraineté canadienne dans le Nord, il est important de corroborer cette affirmation en s’assurant qu’il y a des gens qui vivent dans le Nord du Canada. Pour bon nombre d’entre eux, c’est une expérience extraordinaire, un mode de vie exaltant, mais pour d’autres, c’est parfois plus difficile. Il y a toutefois des choses que le gouvernement peut faire pour essayer d’améliorer leur quotidien en diminuant le prix de certains aliments que nous trouvons si facilement ici, dans le Sud, et dont une grande partie est produite au Canada.
Il y a des choses que nous pouvons faire. Si on voulait interroger l’ensemble des Canadiens sur cette question, je suis sûr que la grande majorité d’entre eux se prononceraient en faveur d’un programme de subventions alimentaires pour améliorer le quotidien. Ça me paraît logique.
À ceux qui voudraient répandre de fausses informations en demandant pourquoi le Sud devrait subventionner le Nord, je répondrai qu’au bout du compte, le Sud profite immensément, sur les plan économique et social, des sommes investies dans le Nord. Je dirais même que, pour le Sud, le bilan est extrêmement positif.
Au Manitoba, nous avons le Golden Boy qui se trouve au sommet de l’Assemblée législative provinciale et qui regarde vers le Nord, car nous croyons que c’est là que réside l’avenir du Canada. Nous dépendons énormément du Nord.
J’espère qu’il est bien entendu, une fois pour toutes, que cette subvention est absolument indispensable aux habitants du Nord. Maintenant, la question est de savoir comment traduire cela dans la réalité. C’est une chose de dire que nous allons y consacrer tant de dollars. Le secrétaire parlementaire est ici et il pourra me corriger si je me trompe, mais je crois que ça se situe autour de 60 millions de dollars. Ce n’est pas rien.
Au bout du compte, l’important, ce n’est pas tant le budget qui est alloué à un programme en particulier, mais la façon dont cet argent est dépensé, afin d’en optimiser les avantages pour les collectivités qui en ont tant besoin.
Encore une fois, le premier ministre et son gouvernement n’ont pas été à la hauteur de la situation. Ils n’ont pas été capables de démontrer clairement que le programme permettait d’optimiser les crédits consacrés à l’acheminement d’aliments frais dans les collectivités du Nord. Et ce n’est pas seulement moi ou le Parti libéral qui le dit, c’est le vérificateur général du Canada lui-même.
L'automne dernier, le vérificateur général nous a présenté un rapport détaillé, dans lequel on trouve des observations fort intéressantes. Je vais en citer quelques-unes seulement. Je me reporte à un article publié sur le site de la CBC, et je vais en lire un extrait parce que je veux que les députés d'en face sachent que cette citation ne provient pas du Parti libéral ou de moi-même, mais d'un article qui rapporte les propos du vérificateur général du Canada. Voici ce qu'on peut lire:
Le ministère des Affaires autochtones ne sait pas si les détaillants du Nord transfèrent les économies aux consommateurs dans le cadre du programme Nutrition Nord, qui vise à rendre les aliments sains plus abordables dans les régions éloignées du Nord. C'est le constat auquel est arrivé le vérificateur général fédéral.
C'est une chose de parler d'un programme et de lui attribuer des fonds publics dans le cadre du budget, mais c'en est une autre de parvenir à mettre en oeuvre ce programme absolument essentiel de façon à maximiser les retombées.
Autrement dit, nous pouvons bien y injecter des fonds, mais encore faut-il en assurer un suivi. Si le vérificateur général s'est montré plutôt critique à l'égard du gouvernement dans ce dossier, c'est parce que le gouvernement a démontré qu'il ne fait pas de suivi. D'après ce que je crois comprendre ou d'après ce qu'on m'a dit, le gouvernement n'a même pas confirmé que les reçus et les formulaires remis avaient été bel et bien vérifiés. Ce sont là de graves préoccupations, qui sont réelles et fondées. Une fois de plus, le travail du gouvernement laisse à désirer. J'espère avoir le temps d'y revenir.
Au début de mon intervention, j’ai mentionné un sujet qui est très important pour moi et dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises. Aujourd’hui, j’ai eu l’occasion de poser un certain nombre de questions, et j’ai surtout parlé du lait. C’est parce qu’en 2008, quand j’étais député à l’assemblée législative du Manitoba, j’ai eu l’honneur, et c’en était vraiment un, de déposer le projet de loi 213 devant cette assemblée. Ce projet de loi proposait en substance que le prix du lait soit le même dans toute la province du Manitoba, comme le prix de l’alcool. En effet, une bouteille de bière coûte la même chose dans toutes les collectivités.
J’ai expliqué pourquoi le Manitoba a joué un rôle important dans ce dossier. La députée de Churchill a cité mes propos en parlant de Tadoule Lake. Voici à peu près ce que j’ai dit en 2008: « …aujourd’hui, à Winnipeg, vous pouvez acheter 4 litres de lait pour 3,59 $ ». Je ne pense pas que le prix ait beaucoup augmenté depuis, mais je ne suis sans doute pas la personne la mieux placée pour vous le dire.
C’était en 2008. À Winnipeg, on pouvait acheter 4 litres de lait pour 3,59 $. En 2008, à Red Sucker Lake, la même quantité de lait coûtait 11,89 $. Je sais que la députée de Churchill a parlé de Tadoule Lake. Moi aussi j’en ai parlé. C’est la collectivité la plus septentrionale du Manitoba. Si on longe la baie jusqu’au nord et qu’on traverse, on aperçoit Tadoule Lake.
À cette époque, 4 litres de lait coûtaient 17,40 $ à Tadoule Lake, alors qu’à Winnipeg, ils coûtaient 3,59 $. Voilà qui montre de façon très nette la différence pour ce qui est du coût de la vie.
Les députés sont certainement au courant des divers enjeux auxquels est confrontée ma province. Je ne parle aujourd’hui que du lait, mais je pourrais en dire autant de bien d’autres aliments nutritifs. Prenons le cas d’une personne à faible revenu qui a le choix entre 4 litres de lait pour 17,40 $ et 2 litres de boisson gazeuse pour quelques dollars, et qui a un enfant qui préfère les boissons gazeuses.
Trop de familles remplacent le lait par un autre produit, non par choix ou parce que c’est un produit plus sain, mais parce que le lait coûte trop cher. Elles achètent donc un produit substitut qui coûte beaucoup moins cher, mais qui est souvent moins bon pour l’enfant.
Le gouvernement a le choix. Il peut soit aider la population de certaines régions à se nourrir de façon plus saine, ce qui lui coûte de l’argent, soit ne rien faire, ce qui, au bout du compte, risque de lui coûter bien plus cher.
Le gouvernement devrait se renseigner auprès des professionnels de la santé qui se rendent régulièrement dans le Nord. On entend toutes sortes d’histoires d’horreur au sujet d’enfants dont les dents sont presque toutes cariées à cause du sucre. Pensons au coût du diabète qui est directement lié au fait de ne pas pouvoir consommer des aliments nutritifs de qualité, faute de disponibilité ou de moyens de les acheter. Pour la société, les coûts des soins de santé sont faramineux.
Quand on compare un programme de 60 millions de dollars aux dépenses qu’on devrait engager si ce programme n’existait pas, on se rend compte qu’on peut faire des économies en étant plus proactifs.
Cela ne signifie pas que le gouvernement du Canada doit payer pour tout. En fait, le gouvernement du Canada devrait non seulement accorder une aide financière, mais aussi collaborer avec les collectivités des Premières Nations, les provinces, les municipalités et tous ceux qui connaissent bien les enjeux réels du Nord, afin d’élaborer une stratégie vraiment globale pour acheminer dans cette région des aliments nutritifs et à prix abordable.
Au bout du compte, nous aurons une population en meilleure santé. Tout le monde en bénéficiera, si nous sommes prêts à le faire. Toutefois, pour y arriver, il faudra exercer un grand leadership.
Nous avons eu cette discussion dans notre caucus. Le chef du Parti libéral a été enseignant et il comprend les besoins des étudiants. Les enfants qui ne sont pas en bonne santé ne peuvent pas se concentrer en classe. S’ils en viennent à abandonner l’école, pensez seulement au coût que cela représente pour l’économie, sans parler des répercussions sociales sur la collectivité.
Il y a beaucoup à perdre si nous ne corrigeons pas la situation. Et je ne suis pas certain que le gouvernement a établi les bonnes priorités. Oui, il a mis en place le programme Nutrition Nord et, oui, il y a investi une somme importante, mais il y a plus à faire que d’aller simplement se faire photographier et de mettre de l’argent dans une enveloppe. Il faut plus de dialogue et il faut travailler avec les autres et les intervenants pour obtenir le genre de résultats que nous voulons, non seulement dans nos territoires, mais dans de nombreuses régions du Nord du Canada.